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Paris- Sur fond de vive tension internationale suscitĂ©e par la controverse Ă  propos de l’usage des armes chimiques en Syrie, l’Arabie saoudite et le Qatar, les frĂšres ennemis wahhabites, poursuivent leur guerre picrocholine, Ă  l’ombre de leurs derricks respectifs, pour le leadership rĂ©gional du titre enviĂ© de principal commanditaire du mercenariat djihadiste.

«Va-t’en chĂ©tif insecte excrĂ©ment de la terre». C’est en substance l’interjection que l’Arabie saoudite a assĂ©nĂ©e Ă  son minuscule voisin lors d’un dĂ©bat sur la fourniture d’armes lourdes aux rebelles syriens. L’offense portait la marque d’une personnalitĂ© Ă©minente du Royaume, le prince Bandar Ben Sultan.

D’un terme mĂ©prisant, le chef des services de renseignements, le nouveau maitre d’Ɠuvre de la rĂ©volution Ă  l’échelle du Monde arabe, a expĂ©diĂ© le rĂŽle du Qatar dans le ravitaillement de la rĂ©bellion syrienne. «Le Qatar
tout juste une population de 300 personnes et une chaine de tĂ©lĂ©vision et ceci ne suffit pas pour constituer un pays», par allusion Al Jazira, qui eut longtemps un rĂŽle prescripteur de l’opinion arabe avant de se dĂ©voyer dans la couverture des combats de Libye et de Syrie.

Bandar a ainsi voulu signifier son mĂ©contentement de la livraison, via la Turquie, par le Qatar de missiles thermiques Ă  l’opposition islamiste.

Le propos rapportĂ© par le journal conservateur amĂ©ricain Wall Street Journal n’a pas Ă©tĂ© dĂ©menti par l’intĂ©ressĂ©, au point que des intellectuels et des acadĂ©miciens qatariotes se sont Ă©tonnĂ©s de l’absence de rĂ©action officielle saoudienne Ă  ce qu’ils ont considĂ©rĂ© comme une «atteinte Ă  la dignitĂ© du Qatar, son Ă©tat et son peuple».

Contrairement Ă  tous les usages diplomatiques, le premier Ă  porter la polĂ©mique sur la place publique a Ă©tĂ©, Khaled Attiyah, le nouveau ministre des affaires Ă©trangĂšres du Qatar en personne: «Un citoyen du Qatar vaut Ă  lui seul tout un pays et le peuple du Qatar vaut la totalitĂ© d’une nation (arabe ou islamique).VoilĂ  ce que nous enseignons Ă  nos enfants. Avec mon entiĂšre considĂ©ration». Et l’Affaire amplifiĂ©e par le journal «Al Qods Al Arabi» (1).
L’Arabie saoudite et le Qatar multiplient, en effet, par voie de presse, les assauts d’amabilitĂ©, dont la perfidie illustre le degrĂ© d’animositĂ© atteint entre les frĂšres ennemis wahhabites, en rivalitĂ© exacerbĂ© pour le leadership arabe depuis le dĂ©clenchement des soulĂšvements populaires arabes en 2011-2012.

Latente depuis la destitution feutrĂ©e du souverain cheikh Hamad Ben Khalifa, en juin dernier, l’animositĂ© saoudo-qatariote a Ă©clatĂ© au grand jour avec les propos peu amĂšnes attribuĂ©s au Prince Bandar Ben Sultan sur le Qatar. MĂȘme le risque d’embrasement rĂ©gional suscitĂ© par l’affaire des armes chimiques de Syrie n’a rĂ©ussi Ă  dĂ©courager ce conflit d’ego.

Le Qatar avait pourtant multipliĂ© les gestes de bonne volontĂ© Ă  l’égard de l’Arabie saoudite pour tenter de calmer son courroux. Le nouveau souverain, le prince Tamim, a rĂ©servĂ© sa premiĂšre visite officielle au Royaume, qui plus est le jour de la fĂȘte d’Al fitr, qui marque traditionnellement la fin du mois du jeĂ»ne du Ramadan et son ministre des affaires Ă©trangĂšres, faisant contre mauvaise bon cƓur, a Ă©tĂ© une des premiĂšres personnalitĂ©s politiques arabes Ă  se rendre en visite officielle en Egypte, lui fournissant mĂȘme plusieurs cargaisons de Gaz liquide, en dĂ©pit du fait de l’éviction de son protĂ©gĂ©, Mohamad Morsi, premier prĂ©sident issu de la confrĂ©rie des FrĂšres Musulmans, dĂ©mocratiquement Ă©lu. En vain.

Visiblement, l’Arabie ne pardonne toujours pas au Qatar, minuscule en dĂ©pit de ses riches gisements gaziers, d’avoir voulu se substituer Ă  son leadership du Monde arabe Ă  un moment oĂč la dynastie wahhabite faisait face Ă  de difficiles Ă©chĂ©ances successorales avec le dĂ©cĂšs en l’espace d’un an de deux princes hĂ©ritiers (Sultan et Nayef Ben Abdel Aziz), en s’arrogeant mĂȘme un rĂŽle primordial dans la conduite de la contre-rĂ©volution arabe, de mĂȘme que son soutien rĂ©solu aux FrĂšres Musulmans, les anciens alliĂ©s des Saoudiens, devenus leur bĂȘte noire.

Face Ă  l’enlisement du conflit syrien, aux dĂ©rives djihadistes en Libye et en Tunisie, Ă  la montĂ©e en puissance des FrĂšres Musulmans en Egypte, l’Arabie saoudite a repris le commandement des opĂ©rations imposant un pro saoudien Ă  la tĂȘte de l’opposition off- shore syrienne, Ahmad Jarba, un chef de tribu appartenant Ă  la mĂȘme confĂ©dĂ©ration tribale que le Roi Abdallah, le clan Al-Shammar, Ă©paulant l’armĂ©e Ă©gyptienne Ă  Ă©vincer le nĂ©o-islamiste Morsi de la tĂȘte de l’état Ă©gyptien, imposant un prince Ă  demeure en Jordanie, pour le financement et le ravitaillement de l’opposition syrienne off-shore.

Fruit d’une copulation ancillaire du Prince Sultan Ben Abdel Aziz, l’ancien «Great Gatsby» de la vie diplomatique amĂ©ricaine s’est imposĂ© comme l’homme fort du Royaume du fait de la maladie d’une large fraction de l’équipe dirigeante frappĂ©e de pathologie handicapante, que cela soit le Roi Abdallah d’une lourde cardiopathie que le prince hĂ©ritier Salam, atteint d’Alzheimer, voire mĂȘme le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Saoud Al- Faysal.

Bandar serait le nouvel homme providentiel de la stratĂ©gie saoudo amĂ©ricaine. Selon Le Wall Street Journal, beaucoup d’observateurs amĂ©ricains considĂšrent que Bandar pourra rĂ©ussir lĂ  oĂč la CIA a Ă©chouĂ©, avec ses cargaisons ininterrompus d’armes, d’argent et sa capacitĂ© de mise sous tutelle des combattants islamistes.

Al Qods Al-Arabi, qui a rapportĂ© en dĂ©tail cette information en date du 29 aout 2013, a lui-mĂȘme fait l’objet d’une dĂ©stabilisation dans la foulĂ©e de la destitution de l’Emir du Qatar le 25 juin dernier. Le journal est passĂ© sous contrĂŽle de l’ancienne Ă©quipe dirigeante du Qatar qui souhaite en faire le porte-voix des nĂ©o islamistes tant dans le Monde arabe qu’au sein des locuteurs arabophones de l’Europe occidentale et du continent nord-amĂ©ricain.
Ou pour parasiter le rĂŽle de l’Arabie saoudite, en doublon avec Al Jazira? PrĂ©maturĂ© de rĂ©pondre Ă  cette question.

Le fondateur et propriĂ©taire du Journal Abdel Bari Atwane a, lui, annoncĂ© sa dĂ©mission sans crier gare, au lendemain de la destitution de l’ancien Emir, moyennant un dĂ©dommagement de l’ordre de 19 millions de dollars, selon des informations parues dans la presse jordanienne.
«Un combattant expĂ©rimentĂ© apte Ă  crĂ©er les conditions de la chute d’Assad», soutient le Wall Street Journal a propos de Bandar, selon «Al Qods Al Arabi».
Affaire Ă  suivre.

Références

Journal Al Qods Al Arabi en date du 29 Août 2013 : http://www.alquds.co.uk/?p=79163

Pour aller plus loin

http://www.renenaba.com/la-fin-sans-gloire-du-deus-ex-machina-de-la-revolution-arabe/
ReneNaba
RenĂ© Naba | Journaliste, Ecrivain, En partenariat avec https;//www.Madaniya.info Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opĂ©rĂ© pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expĂ©rience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a Ă©tĂ© la premiĂšre personne d’origine arabe Ă  exercer, bien avant la diversitĂ©, des responsabilitĂ©s journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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