Après la crise de la guerre civile de 1958 où s’étaient opposés nationalistes libanais et mouvements souhaitant le rattachement avec la République Arabe Unie, république formée par la Syrie et l’Egypte, il semblait nécessaire d’alléger les tensions entre le Liban et cette dernière.

Le contexte

Les relations entre Fouad Chéhab, Président du Liban de 1958 à 1964, et Gamal Abdel Nasser, Président de l’Égypte de 1956 à 1970, doivent être comprises dans le contexte plus large de la politique du Moyen-Orient pendant la Guerre Froide et l’émergence du nationalisme arabe. Gamal Abdel Nasser était un figure centrale du nationalisme arabe, prônant le panarabisme et la non-alignement durant la Guerre Froide, tandis que Fouad Chéhab, bien qu’étant un leader prudent et modéré, a dû naviguer dans un Liban politiquement divisé et sous la pression des courants panarabistes et des ambitions régionales de Nasser.

  1. Contexte politique et idéologique : Nasser était vu comme le champion du panarabisme, cherchant à unir le monde arabe sous un seul drapeau et à contrer l’influence occidentale dans la région. Son leadership durant la crise de Suez en 1956 a élevé son statut parmi les pays arabes. Chéhab, en revanche, était plus concentré sur le maintien de l’indépendance et de la stabilité du Liban, tout en essayant de balancer les différentes factions politiques et religieuses au sein du pays.
    Les guerres israélo-arabes, en particulier la guerre de 1948 et la crise de Suez en 1956, ont considérablement influencé les relations interarabes et la politique intérieure des pays arabes, y compris le Liban. Nasser, émergeant comme un champion du panarabisme et de la lutte contre l’impérialisme, cherchait à unifier les pays arabes contre Israël et les influences occidentales. Pour le Liban, un pays multiconfessionnel avec une importante communauté chrétienne, l’alignement sur ces politiques panarabistes présentait à la fois des opportunités et des risques, notamment en termes d’équilibre interne et de relations avec les puissances occidentales.
  2. Neutralité du Liban : Fouad Chéhab a cherché à maintenir une position de neutralité dans les conflits régionaux, y compris dans le conflit arabo-israélien, en évitant de se laisser entraîner dans les ambitions panarabistes de Nasser. Cette approche était en partie due à la structure confessionnelle unique du Liban, où une politique extérieure trop alignée sur le panarabisme aurait pu exacerber les tensions internes.
    L’afflux de réfugiés palestiniens au Liban, suite à la création de l’État d’Israël en 1948 et aux conflits ultérieurs, a ajouté une couche supplémentaire de complexité. La présence croissante des Palestiniens et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban a exacerbé les tensions sectaires et politiques internes, posant des défis en termes de sécurité et de stabilité. Chéhab, conscient de ces enjeux, devait jongler entre le soutien à la cause palestinienne, un pilier du nationalisme arabe, et la préservation de l’harmonie interne au Liban.
  3. Relations bilatérales : Malgré leurs différences idéologiques, Chéhab et Nasser ont maintenu des relations diplomatiques, comprenant l’importance de la coopération régionale. Cependant, les ambitions de Nasser d’étendre son influence au Liban ont été une source de méfiance pour Chéhab, qui craignait que cela ne déstabilise l’équilibre fragile de son pays.
  4. Crise libanaise de 1958 : Cette période a été particulièrement tendue entre le Liban et l’Égypte de Nasser. La crise a été déclenchée par des tensions internes au Liban, exacerbées par les divisions sur la question du panarabisme. Nasser a soutenu les forces oppositionnelles au Liban, ce qui a conduit à une intervention militaire américaine pour stabiliser le pays et soutenir le gouvernement libanais alors que le mandat du Président Camille Chamoun, considéré à l’époque pro-occidental s’achevait. Chéhab, qui n’était pas encore président à ce moment-là mais occupait une position clé dans l’armée, a joué un rôle crucial dans la gestion de la crise et la préservation de l’indépendance du Liban.
    Cette période a également marqué le début de l’instabilité qui allait culminer avec la guerre civile libanaise (1975-1990). La politique de Chéhab, axée sur le développement, la modernisation et l’équilibre entre les différentes communautés libanaises, visait à immuniser le pays contre les perturbations régionales. Cependant, les pressions extérieures, y compris celles liées à la situation des Palestiniens et aux ambitions panarabistes de Nasser, ont continué à peser sur le Liban.

La rencontre

Ainsi, un sommet entre le président du Liban Fouad Chéhab et Gamal Abdel Nasser se tiendra le 25 mars 1959 dans une baraque spécialement construite à cet effet à cheval entre les 2 pays à Masnaa.

Etaient présents pour la délégation libanaise, outre Fouad Chéhab, le ministre des AF d’alors, Houssein Oueyni. Côté RAU, étaient également sur les lieux, le vice-président de la RAU, Nasser Akram Haurani, le ministre de l’intérieur de la province syrienne, Abdel Hamid Sarraj et l’ambassadeur Abdel Hamid Ghaleb.

La rencontre entre Chéhab et Nasser, bien qu’elle n’ait pas laissé de traces documentées détaillées sur ses résultats spécifiques, est révélatrice de la tentative du Liban de maintenir une certaine autonomie dans un Moyen-Orient en pleine ébullition. Chéhab a réussi à naviguer ces eaux tumultueuses en maintenant des relations équilibrées avec Nasser, tout en évitant de s’engager trop profondément dans les politiques qui pourraient compromettre l’unité et la stabilité libanaise, évitant du moins durant son mandat, un nouveau conflit civil.

Newsdesk Libnanews
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