SergueĂŻ Lavrov: Who are you to F****** lecture me?

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En seize ans Ă  la tĂȘte de la diplomatie russe, il a vu dĂ©filer des interlocuteurs de tous acabits, aucun Ă  son niveau, les jaugeant patiemment, les testant, les soupesant, tentant parfois de les apprivoiser, voire mĂȘme de les sĂ©duire, avant de les terrasser.

En partenariat avec Madaniya.info – La totalitĂ© de ses interlocuteurs occidentaux et arabe de la fameuse coalition islamo-atlantiste de la guerre de Syrie ont trĂ©passĂ©: Hillary Clinton (USA), David Miliband et William Hague (Royaume Uni), Alain JuppĂ© et Laurent Fabius (France), Hamad Ben Jassem (Qatar) et Saoud Al Faysal (Arabie saoudite)


Unique survivant, impassible, impavide, vainqueur par Ko technique de tous ses adversaires occidentaux dans la bataille de Syrie. Et ce n’est pas fini

RETOUR SUR CETTE SÉQUENCE

Charles de Gaulle, vantant le flegme de son ministre des Affaires Ă©trangĂšres devant Nikita Khrouchtchev, dira de Maurice Couve de Murville: «Je lui ordonne de s’asseoir sur un bloc de glace, il y reste jusqu’à ce que la glace fonde».

Désignant Andréi Gromyko, Khrouchtchev lui répondra du tac au tac: «Pareil pour lui, mais à la différence de Couve, la glace avec lui ne fond pas».
Si Gromyko est passĂ© Ă  la postĂ©ritĂ© pour avoir Ă©tĂ© le «Monsieur Niet» de la diplomatie soviĂ©tique, SergueĂŻ Lavrov, en digne successeur de son aĂźnĂ©, a glanĂ©, lui, le titre enviĂ© de «Minister Niet» pour son bras de fer victorieux au Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU Ă  propos de la Guerre de Syrie, bloquant par veto cinq rĂ©solutions devant ouvrir la voie Ă  une intervention militaire atlantiste sous couvert de l’ONU.

ExcĂ©dĂ© par la tĂ©nacitĂ© du russe, le plus capĂ© des hiĂ©rarques socialistes pensera trouver la parade par une astuce, qui s’est rĂ©vĂ©lĂ©e grossiĂšre, couvrant de ridicule son auteur, le ministre français des Affaires Ă©trangĂšres: Laurent Fabius a en effet proposĂ© lundi 22 octobre 2012 la rĂ©forme du recours au Droit de veto au sein du Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU, prĂ©conisant que son usage soit rĂ©duit au seul cas oĂč un Ă©tat dĂ©tenteur de ce droit Ă©tait menacĂ© d’une action hostile des instances internationales.

Depuis la crĂ©ation de l’ONU, les pays occidentaux ont fait usage du droit de veto 132 fois contre 124 fois Ă  l’Union soviĂ©tique puis de la Russie, dont onze veto amĂ©ricains en faveur d’IsraĂ«l. Les Occidentaux sont donc bĂ©nĂ©ficiaires de ce passe-droit, qui leur a permis de bloquer l’admission de la Palestine en tant que membre de plein droit de l’organisation internationale. A l’analyse, la proposition de Laurent Fabius s’est rĂ©vĂ©lĂ©e ĂȘtre un bobard diplomatique pour enfumage mĂ©diatique en ce qu’en voulant priver la Russie de son droit de veto en faveur de la Syrie, il privait, par ricochet, IsraĂ«l de son bouclier diplomatique amĂ©ricain. Depuis lors, Fabius, petit tĂ©lĂ©graphiste des IsraĂ©liens dans les nĂ©gociations sur le nuclĂ©aire iranien, frustrĂ© par ailleurs d’un Prix Nobel pour son bellicisme outrancier, a Ă©tĂ© placĂ© en Ă©tat de congĂ©lation politique avancĂ©e par sa promotion Ă  la PrĂ©sidence du Conseil Constitutionnel.

Alain JuppĂ©, un autre hyper capĂ© de la mĂ©ritocratie française, a eu droit au mĂȘme traitement Ă©nergisant du russe. Se vantant avec son compĂšre du Qatar, Hamad Ben Jassem, de faire de la bataille de Bab Amro (Syrie), «le Stalingrad du Moyen orient», fĂ©vrier 2012, -qui s’est rĂ©vĂ©lĂ© un des grands dĂ©sastres militaires de la diplomatie française-, Lavrov, excĂ©dĂ© par la morgue de son homologue français lui a tout bonnement raccrochĂ© au nez sans jamais le reprendre au tĂ©lĂ©phone jusqu’à son dĂ©part du Quai d’Orsay.

Auparavant, l’anglais David Milliband, impertinent et quelque peu prĂ©somptueux, a entrepris de dicter au tĂ©lĂ©phone les termes d’une rĂ©solution qu’il entendait soumettre au vote dans le contexte du conflit usso-gĂ©orgien en OssĂ©tie du Sud (AoĂ»t 2008): la rĂ©ponse du russe, mĂ©morable, demeurera dans les annales de la diplomatie onusienne: «WHO ARE YOU TO F***ING LECTURE ME» qui peut se traduire selon la version soft: «Qui es-tu ? pour me dire ce que je dois faire !?» et selon la version hard : « Qui es-tu, putain ! pour me faire la leçon !». Ah qu’en termes Ă©lĂ©gants ces mots-lĂ  sont dits.

http://www.dailymail.co.uk/news/article-1054850/Who-f–lecture–Russian-ministers-extraordinary-rant-David-Miliband.html

Le soutien continu à la Syrie dans sa guerre contre la coalition islamo-atlantiste (2011-2015) a valu à la Russie et à son président Vladimir Poutine un regain de sympathie au sein de larges couches de la population arabe lassée par les ingérences incessantes du pacte atlantique dans les affaires intérieures du Monde arabe.

Rompant avec quarante ans de servitude israĂ©lo-amĂ©ricaine, le prĂ©sident Ă©gyptien Abdel Fattah Sissi a renouĂ© avec Moscou dans la grande tradition des relations Ă©gypto-soviĂ©tiques de l’époque nassĂ©rienne. Mieux, l’Egypte a rĂ©cupĂ©rĂ© les Mistral français destinĂ©s Ă  la Russie dont elle a Ă©tĂ© privĂ©e pour cause d’embargo sur l’Ukraine, en les Ă©quipant d’un armement russe. Et le premier ministre irakienHaidar Al Abadi, excĂ©dĂ© par le chantage des AmĂ©ricains qui subordonnaient leur lutte effective contre Daesh Ă  la promotion d’un systĂšme confĂ©dĂ©ral en Irak, prĂ©lude Ă  la partition du pays, s’est lui aussi tournĂ© vers Moscou, obtenant une promesse de livraison d’armes, dans le prolongement du rĂ©Ă©quipement de l’armĂ©e Ă©gyptienne et de la levĂ©e de l’interdit sur la livraison des missiles SS-300 Ă  l’Iran.

Issu d’une famille armĂ©nienne originaire de Tbilissi, SergueĂŻ Lavrov, en poste depuis 2004, est diplĂŽmĂ© d’un prestigieux «Institut d’état des relations internationales de Russie», dont l’enseignement repose sur un axiome immuable, Ă  savoir: «la diplomatie est un sport de combat» et non une pĂ©roraison verbeuses pour Ă©ditocrates bĂȘtifiĂ©s, gobant sans sourciller des Ă©normitĂ©s du genre de celles profĂ©rĂ©es par Laurent Fabius, assurant, contre toute Ă©vidence, que «Jabhat An Nosra fait du bon travail en Syrie» .OUI, Jabhat An Nosra, le ravisseur des religieuses de Maaloula, dont l’un des factotum, HĂ©di Nemmouche, aura Ă©tĂ© le geĂŽlier des quatre journalistes français retenus Ă  Alep
Jabhat An Nosra, la succursale franchisĂ©e en Syrie d’Al Qaida, le commanditaire du carnage de Charlie Hebo. «Du beau travail» en effet SergueĂŻ Lavrov est secondĂ© pour les affaires arabes par un grand arabisant Mikhael Bogdanov. En tandem avec le duo syrien Walid Mouallem et Bachar Jaafari, ils ont fait office de brise glaces Ă  tous les assauts de la diplomatie atlantiste. Au point que Fabius a dĂ» ravaler son chapeau le 2 juin 2015 Ă  Paris, prĂ©conisant sous forte pression amĂ©ricaine, un rĂšglement politique en Syrie et, ultime humiliation, gratifiĂ© le prĂ©sident syrien du titre de «Monsieur» Bachar Al-Assad.

Pire, deux des derniers visiteurs de Damas auront Ă©tĂ©, fin avril 2015, Edward Nalbandian, ministre des Affaires Ă©trangĂšres d’ArmĂ©nie, dont le peuple a Ă©tĂ© victime du gĂ©nocide par la Turquie, pays alliĂ© de la France dans le dĂ©membrement de la Syrie, ainsi que, fin Mai 2015, Mgr BĂ©chara El Rahi, patriarche des Maronites, ces chrĂ©tiens d’Orient dont la France est thĂ©oriquement le pays protecteur.

Depuis lors l’intervention massive russe, le 1er septembre 2015, a brisĂ© le monopole de la navigation aĂ©rienne et maritime des Occidentaux en Mer MĂ©diterranĂ©e, alors que l’étau diplomatique autour de la Syrie se desserrait avec la normalisation des rapports entre l’Égypte et la Syrie et l’implication massive de la Chine auprĂšs du pouvoir baasiste avec une aide de 7 milliards de dollars Ă  l’effort de guerre syrien, doublĂ© de l’amĂ©nagement d’une plate forme navale opĂ©rationnelle dans le pĂ©rimĂštre de la base navale russe de Tartous.

Pour avoir ignorĂ© cette rĂšgle cardinale de la diplomatie internationale, pour avoir mĂ©sestimĂ© son adversaire, Fabius, le somnolent des forums internationaux, -ah le roupillon d’Alger, une «micro sieste» rĂ©pĂ©titive le 15 juin 2015 lors du voyage de François Hollande en AlgĂ©rie et le 9 juin 2014- en a payĂ© le prix par un KO technique. Ibidem pour Alain JuppĂ©, les deux meilleurs capĂ©s de gauche et de droite de la mĂ©ritocratie rĂ©publicaine. C’est Ă  se demander, devant un tel gĂąchis, Ă  quoi servent les grandes Ă©coles françaises.

«Si tu veux obtenir tes droits, tourne-toi vers les Russes pour les rĂ©cupĂ©rer», conseille, amer, Mahmoud Abbas, chef de l’autoritĂ© palestinienne, lassĂ© par les tortuositĂ©s de la diplomatie occidentale.

ReneNaba
RenĂ© Naba | Journaliste, Ecrivain, En partenariat avec https;//www.Madaniya.info Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opĂ©rĂ© pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expĂ©rience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a Ă©tĂ© la premiĂšre personne d’origine arabe Ă  exercer, bien avant la diversitĂ©, des responsabilitĂ©s journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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