Dans la série incommensurable des dangers guettant les innombrables sites archéologiques du pays des cèdres, un cri d’alarme est lancé cette fois-ci par l’Association Internationale ainsi que les comités nationaux pour la Sauvegarde de Tyr, aux autorités libanaises, à leur tête le Président de la République libanaise, le Premier Ministre, le Gouvernement libanais, le Conseil du Développement et de la Reconstruction (CDR), pour la sauvegarde des sites archéologiques de Tyr, menacés par le tracé de l’autoroute du sud.
Le tracé de l’autoroute du sud dans la région de Tyr, constitue un réel danger pour les sites antiques de cette cité portuaire, et placerait Tyr sur la liste du patrimoine mondial en péril, si l’État n’agirait pas pour la sauvegarde du secteur riche de 26 sites archéologiques par lequel devrait passer l’autoroute.
L’AIST, présidée par M. Jean Leclant, et dirigée par Mme Maha el-Khalil Chalabi (secrétaire générale de l’association), déplore le rapprochement de ce projet de la côte au lieu de le déplacer plus à l’Est, afin d’épargner notamment le port Egyptien dans Palaetyr, zone augurant une abondance en vestiges d’après les rapports des carottages entrepris en 2002. L’AIST dénonce surtout le fait que les travaux se poursuivent faisant fi de la désapprobation des organismes concernés par la protection des sites classés, depuis 1984 sur la liste du Patrimoine Mondial.
Dans ce sens, l’AIST a créé une pétition en ligne « Appel contre l’Autoroute du Sud pour sauver le Patrimoine de Tyr », incitant les Libanais et les amoureux de Tyr à faire part de leur soutien pour empêcher la réalisation de ce projet portant atteinte aux sites archéologiques de Tyr. L’Association rappelle dans le texte joint à la pétition que « l’UNESCO et le Patrimoine Mondial ont demandé à l’État libanais, à travers plusieurs résolutions, d’établir une carte archéologique de la région de Tyr ». Ils appellent surtout au gel provisoire des travaux, à l’arrêt des expropriations, et à « prendre en considération le projet proposé par l’ingénieur responsable des études de l’Autoroute, qui est une déviation alternative au tracé actuel ». Nous invitons fortement tous nos lecteurs à signer cette pétition.
Ce joyau qu’est Tyr, une des cités mères de la civilisation phénicienne, ne doit pas être encore une fois en proie à la dégradation. Déjà que les sites principaux subissent une kyrielle de fléaux dont les menaces incessantes des conflits entre l’Etat hébreu et la Résistance menée par Hezbollah, le remblaiement du port et de la baie Nord de Tyr, le tracé du réseau ferroviaire, les travaux d’infrastructure dans les camps palestiniens de Bass, Borj et Tel El Rachidieh, la défiguration hideuse due à la construction aléatoire et excessive durant la guerre civile d’immeubles estropiant le paysage ; il ne manquait plus aujourd’hui que la mise en place de projets mettant en péril les vestiges phéniciens, perses, romains, grecs, byzantins, croisées, etc.
Le sol du Sud Liban a toujours été le théâtre de conflits et de règlements de comptes, et certains font leur devoir, pour empêcher « qu’un seul grain de la terre du Sud n’échappe d’entre nos mains » comme le scandent les chansons patriotiques. Il incombe cependant aux fils du Sud Liban non seulement de préserver cette terre, mais de protéger également ce que la poussière du temps et l’éclat des bombes n’a pas réussi à détruire, à savoir le legs de nos ancêtres.
Ce chapelet d’infamies commises contre le patrimoine libanais est consternant, aberrant. Les activistes pour la sauvegarde du patrimoine ainsi que les personnes bien intentionnées agissant dans ce sens, ne savent plus tellement où donner de la tête. La plupart des sites archéologiques, classés ou pas, sont menacés par la destruction, la détérioration, la pollution, une avalanche de vandalismes quotidienne, mais surtout par une indifférence et une ignorance titanesque de la part de la société.
Ce qui est d’autant plus épouvantable et insensé, c’est que dans le cas de cette autoroute comme dans le cas des vestiges de la capitale ou d’autres régions, les sociétés ou les entrepreneurs qui s’occupent des travaux portant atteintes aux vestiges, ne veulent jamais discuter ou entendre parler de solutions scientifiques proposées par les archéologues ou les associations, qui, ne demandent jamais l’arrêt définitif des travaux, mais qui proposent des issues permettant de conserver les artefacts et ajoutant des plus-values aux projets. Cet acharnement à la destruction dénote une espèce de complot, dont une poignée de Libanais stipendiés en sont eux-mêmes les auteurs ou les acteurs ; complot visant à raser tout ce qui donne une identité plurielle au pays des cèdres, et le démarque des autres pays arabes.
Par Marie-Josée Rizkallah
Libnanews