Une Population Syrienne en Pleine Croissance

Depuis 2014, le Liban a connu une transformation démographique significative. En seulement une décennie, la population syrienne réfugiée dans le pays a doublé, passant d’un million à deux millions. Avec une population libanaise estimée à quatre millions de personnes, les Syriens représentent désormais 50% de la population libanaise en 2024.

Cette situation place le Liban dans une position unique sur la scène mondiale : c’est le pays qui supporte proportionnellement à sa population le plus grand nombre de réfugiés, qu’ils soient syriens ou palestiniens. Cet afflux massif de réfugiés syriens, consécutif à la guerre civile en Syrie, a provoqué des bouleversements sociaux et économiques profonds dans un pays déjà fragile.

Impact sur la Population Libanaise

L’une des conséquences les plus marquantes de cette situation est l’exode des jeunes Libanais. Face aux difficultés économiques croissantes et à la concurrence sur le marché du travail, beaucoup de jeunes Libanais choisissent de partir à l’étranger pour chercher de meilleures opportunités. Ce phénomène vide le pays de sa jeunesse productive, laissant derrière eux principalement des enfants en âge scolaire et des retraités.

En conséquence, la structure démographique du Liban s’en trouve profondément modifiée, avec une main-d’œuvre locale de plus en plus réduite. Cette fuite des cerveaux et des talents contribue à affaiblir encore davantage l’économie libanaise et compromet son avenir à long terme.

Un Coût Économique Considérable

Au-delà des implications démographiques, la présence massive de réfugiés syriens représente également un coût considérable pour le Liban. Les infrastructures du pays, déjà mises à rude épreuve, doivent supporter une charge accrue en termes de services sociaux, de santé et d’éducation. L’économie informelle, alimentée par les réfugiés, perturbe le marché du travail et exerce une pression à la baisse sur les salaires.

Les ressources limitées du Liban sont étirées au maximum, et les aides internationales, bien que présentes, ne suffisent pas toujours à compenser les dépenses engendrées par cette situation. Le Liban doit également faire face à une augmentation de la pauvreté et de l’insécurité, exacerbées par la crise des réfugiés.

Les Coûts Invisibles du Grand Remplacement

1. Érosion de la Cohésion Sociale

L’une des conséquences les plus subtiles mais significatives de cette transformation démographique est l’érosion de la cohésion sociale. La présence d’une large population réfugiée peut provoquer des tensions entre les communautés, exacerbées par des perceptions de concurrence pour les ressources limitées. Cette fragmentation sociale peut mener à une montée des sentiments xénophobes et à une polarisation accrue de la société libanaise.

2. Dégradation des Services Publics

Les infrastructures publiques du Liban, telles que les hôpitaux, les écoles et les services de base, sont sous une pression immense. L’augmentation rapide de la population sans une augmentation proportionnelle des ressources conduit à la dégradation des services. Les citoyens libanais peuvent se retrouver avec un accès réduit à des soins de qualité, à une éducation appropriée et à d’autres services essentiels, ce qui affecte la qualité de vie générale.

3. Impacts Psychologiques et Culturels

Les Libanais peuvent ressentir une perte de leur identité culturelle en raison de la forte présence syrienne. Cette situation peut engendrer un sentiment de déracinement et de perte de contrôle sur leur propre pays. La communauté chrétienne, en particulier, pourrait voir son influence culturelle et religieuse diminuer, ce qui peut entraîner une détérioration du tissu social et une perte des valeurs qui ont historiquement caractérisé le Liban.

4. Économie Informelle et Pression sur les Salaires

L’économie informelle, largement composée de réfugiés syriens, crée une pression sur les salaires et sur les conditions de travail. Les entreprises locales peuvent préférer employer des réfugiés à des salaires plus bas, ce qui nuit aux travailleurs libanais. Cette dynamique réduit le pouvoir d’achat des familles libanaises et peut entraîner une augmentation de la pauvreté et de l’inégalité économique.

5. Augmentation des Dépenses de Sécurité

La nécessité de maintenir l’ordre et la sécurité dans un contexte de population croissante et de tensions sociales peut amener le gouvernement libanais à augmenter ses dépenses en matière de sécurité. Cette réallocation des ressources peut se faire au détriment d’autres secteurs cruciaux comme l’éducation, la santé et les infrastructures, limitant ainsi les possibilités de développement durable.

Les Coûts Écologiques et Environnementaux

1. Surexploitation des Ressources Naturelles

L’augmentation rapide de la population entraîne une demande accrue en ressources naturelles, telles que l’eau, l’énergie et les terres arables. Cette surexploitation peut mener à une dégradation des ressources, mettant en péril la durabilité environnementale du pays. Les nappes phréatiques peuvent s’épuiser, les forêts peuvent être déboisées et les terres agricoles peuvent être surutilisées, ce qui réduit leur fertilité à long terme.

2. Pollution et Déchets

Une population croissante génère également plus de déchets solides et liquides. Les infrastructures de gestion des déchets au Liban sont déjà insuffisantes, et cette pression supplémentaire peut entraîner une accumulation de déchets non traités, polluant ainsi les sols, les eaux et l’air. La qualité de vie en souffre, et les risques pour la santé publique augmentent.

3. Pression sur les Écosystèmes et la Biodiversité

La construction de logements, d’infrastructures et d’autres installations nécessaires pour accueillir une population croissante peut entraîner une perte d’habitats naturels et une perturbation des écosystèmes. La biodiversité du Liban, déjà menacée, peut subir des pertes importantes, affectant non seulement les espèces animales et végétales, mais aussi les services écosystémiques essentiels qu’ils fournissent.

4. Déforestation et Dégradation des Sols

L’expansion urbaine et agricole pour répondre aux besoins de la population réfugiée peut conduire à une déforestation accrue. Cette déforestation entraîne la perte de couvert forestier, ce qui exacerbe l’érosion des sols et augmente les risques de glissements de terrain et d’inondations. La qualité des sols se dégrade, affectant la productivité agricole et la sécurité alimentaire.

5. Impact sur les Zones Côtières

L’urbanisation rapide et le développement non planifié des zones côtières peuvent entraîner la dégradation des écosystèmes marins et côtiers. La pollution des eaux côtières et la destruction des habitats marins, tels que les récifs coralliens et les herbiers marins, affectent la biodiversité marine et les pêcheries locales, mettant en péril les moyens de subsistance des communautés côtières.

Projections pour l’Avenir : Un Avenir Inquiétant

Si cette tendance de doublement de la population syrienne au Liban tous les dix ans se poursuit, les perspectives pour les prochaines décennies sont alarmantes. En 2034, la population syrienne au Liban pourrait atteindre quatre millions, soit l’équivalent de la population libanaise actuelle. En 2044, ce chiffre pourrait encore doubler pour atteindre huit millions, surpassant ainsi la population libanaise par un facteur de deux.

Cette évolution démographique pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’identité et la structure sociale du Liban. Historiquement, le Liban a été un bastion de diversité culturelle et religieuse au sein du monde arabe, avec une population chrétienne significative qui a joué un rôle central dans la fondation du pays et dans la promotion de valeurs telles que la démocratie, le pluralisme et les libertés individuelles.

Menace sur l’Identité Libanaise

L’augmentation exponentielle de la population syrienne pourrait éroder ces valeurs et transformer radicalement le paysage sociopolitique du Liban. La communauté chrétienne, en particulier, risque de voir son influence diminuer fortement, remettant en question les paradigmes qui ont façonné l’identité unique du Liban au sein de son environnement islamique arabe.

Cette situation soulève des questions essentielles sur la capacité du Liban à maintenir son modèle de coexistence et de tolérance face à des défis démographiques et économiques sans précédent. La communauté internationale, ainsi que les dirigeants libanais, devront collaborer pour trouver des solutions durables afin de préserver l’identité et la stabilité du pays.

Conclusion

Le Liban se trouve à un carrefour critique de son histoire. Le “Grand Remplacement” de la population libanaise par la population syrienne pose des défis majeurs pour l’avenir du pays. Sans des mesures appropriées pour gérer cette transition et soutenir la population locale, le Liban risque de perdre son identité propre et ses fondements culturels. De plus, cette problématique représente un coût économique immense pour le pays, pesant sur ses infrastructures et son marché du travail. Les coûts invisibles liés à l’érosion de la cohésion sociale, à la dégradation des services publics, aux impacts psychologiques et culturels, à l’économie informelle et à l’augmentation des dépenses de sécurité ne doivent pas être sous-estimés.

Les coûts écologiques et environnementaux associés à cette crise démographique ajoutent une dimension supplémentaire à ce défi. La surexploitation des ressources naturelles, la pollution accrue, la pression sur les écosystèmes et la déforestation sont autant de problématiques qui menacent la durabilité du Liban. Il est impératif d’agir maintenant pour garantir un avenir où toutes les communautés du Liban peuvent coexister harmonieusement et contribuer au développement du pays, tout en préservant son environnement naturel pour les générations futures.

Bernard Raymond Jabre 

Bernard Raymond Jabre
Bernard Raymond Jabre, Etudes scolaires à Jamhour puis à l’Ecole Gerson à Paris, continua ses études d’économie et de gestion licence et maitrise à Paris -Dauphine où il se spécialise dans le Master « Marchés Financiers Internationaux et Gestion des Risques » de l’Université de Paris - Dauphine 1989. Par la suite , Il se spécialise dans la gestion des risques des dérivés des marchés actions notamment dans les obligations convertibles en actions et le marché des options chez Morgan Stanley Londres 1988 , et à la société de Bourse Fauchier- Magnan - Paris 1989 à 1991, puis il revint au Liban en 1992 pour aider à reconstruire l’affaire familiale la Brasserie Almaza qu’il dirigea 11 ans , puis il fonda en 2003 une société de gestion Aleph Asset Management dont il est actionnaire à 100% analyste et gérant de portefeuille , de trésorerie et de risques financiers internationaux jusqu’à nos jours.

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