Le Liban se présente aujourd’hui aux réunions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Washington avec une délégation de plus de 15 personnes, composée de ministres, de députés, de hauts fonctionnaires et de représentants du secteur bancaire. Cependant, cette délégation hétéroclite semble loin de présenter un front uni face aux institutions financières internationales, chaque membre poursuivant sa propre agenda et ses propres intérêts.

Des divergences profondes au sein de la délégation libanaise

Les observateurs avertis s’attendent à ce que les discussions à Washington soient marquées par des désaccords profonds au sein de la délégation libanaise. Les ministres et les députés, souvent tiraillés entre des alliances politiques divergentes, peinent à s’entendre sur une stratégie commune pour négocier avec le FMI, alors qu’un accord préliminaire avait pourtant été conclu il y a 2 ans. Cependant, celui-ci prévoit un audit des 14 premières banques libanaises, un audit qui n’a toujours pas été effectué alors que se multiplient les accusations de fraude, y compris à l’étranger, à l’encontre de certains établissements en collusion avec l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé.

De leur côté, les hauts fonctionnaires et les représentants du secteur bancaire sont préoccupés par les impacts potentiels des réformes exigées par le FMI, craignant pour leurs privilèges et leur influence. Cette divergence d’intérêts risque de paralyser les négociations et de retarder davantage la conclusion d’un accord crucial pour le redressement économique du pays.

Un accord avec le FMI compromis par l’absence de consensus

Alors que le Liban est confronté à une crise économique sans précédent, un accord avec le FMI est considéré comme essentiel pour stabiliser la livre libanaise, relancer l’économie et attirer des investissements étrangers. Cependant, l’absence de consensus au sein de la délégation libanaise menace de compromettre ces efforts.

Les institutions financières internationales, conscientes des divisions internes au Liban, ont appelé à la formation d’un gouvernement d’union nationale capable de mettre en œuvre les réformes nécessaires. Cependant, la formation d’un tel gouvernement semble peu probable dans le contexte politique actuel, fragilisé par des divisions confessionnelles et des luttes de pouvoir.

Le Liban face à un avenir incertain

La présence d’une délégation libanaise divisée à Washington ne fait qu’illustrer les défis profonds auxquels le pays est confronté. Sans un consensus national clair et une volonté politique de mettre en œuvre les réformes nécessaires, le Liban risque de s’enfoncer davantage dans la crise, avec des conséquences désastreuses pour sa population.

L’avenir du Liban dépendra de sa capacité à surmonter ses divisions internes et à s’engager résolument sur la voie du redressement économique. La communauté internationale, attentive à l’évolution de la situation, est prête à accompagner le pays dans ses efforts, mais à condition qu’il fasse preuve d’unité et de détermination.

Les racines d’une crise aux multiples causes

La crise économique actuelle du Liban est le fruit d’une conjonction de facteurs imbriqués, dont les racines remontent à plusieurs années, voire à plusieurs décennies. Parmi les causes majeures, on peut citer :

  • Un modèle économique fragile et dépendant des rentrées extérieures: Le Liban a longtemps basé son économie sur les services, le tourisme et les transferts de la diaspora, des secteurs particulièrement sensibles aux chocs externes. La fragilité de ce modèle a été mise en lumière par la crise syrienne, qui a eu un impact négatif important sur le tourisme et les transferts de fonds.
  • Une dette publique colossale: La dette publique du Liban a atteint des niveaux insoutenables, représentant plus de 170% du PIB en 2020. Cette situation, aggravée par des années de mauvaise gestion financière et de corruption, a limité la capacité du gouvernement à investir dans l’économie et à répondre à la crise.
  • Un système bancaire défaillant: Le système bancaire libanais, longtemps considéré comme l’un des piliers de l’économie, est fragilisé par des pratiques douteuses, une exposition excessive aux dettes publiques et un manque de transparence. La crise de confiance qui a suivi l’imposition de restrictions sur les retraits bancaires a porté un nouveau coup dur au secteur.
  • L’absence de réformes structurelles: Malgré les appels répétés de la communauté internationale, les gouvernements libanais successifs ont échoué à mettre en œuvre des réformes structurelles indispensables pour redresser l’économie. La corruption endémique et les intérêts particuliers ont entravé les efforts de réforme, contribuant à l’aggravation de la crise.

Les conséquences sociales d’une crise sans précédent

La crise économique au Liban a eu des conséquences sociales désastreuses pour la population. Le taux de pauvreté a explosé, touchant plus de 80% des habitants selon certaines estimations. Des millions de Libanais n’ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins essentiels en nourriture, en santé et en logement. Selon les institutions internationales, plus de 30% des enfants ne mangent plus à leur faim.

L’hyperinflation a érodé le pouvoir d’achat des ménages, rendant les produits de base inaccessibles pour beaucoup. La classe moyenne a pratiquement disparu, tandis que les plus pauvres sombrent dans une misère croissante. Le chômage est en hausse et les entreprises ferment les unes après les autres, aggravant encore la situation sociale.

Un système bancaire en faillite et des déposants spoliés

Le système bancaire libanais est au bord de l’effondrement. Les banques, frappées par la crise de liquidité et la perte de confiance des déposants, ont imposé des restrictions draconiennes sur les retraits d’argent, privant les Libanais de leurs économies.

Le “plan Lazard”, proposé par le gouvernement libanais pour restructurer le secteur bancaire, a échoué en raison du manque de consensus entre les différentes parties prenantes et de l’incapacité à trouver des solutions justes et équitables pour les déposants.

Les pertes des déposants se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, alimentant un sentiment de colère et de frustration au sein de la population, qui se sent spoliée par un système bancaire défaillant et des autorités complices.

Un pays enlisé dans la crise, à la recherche d’une issue incertaine

Le Liban se trouve aujourd’hui dans une situation économique désespérée, avec peu de perspectives de sortie de crise à court terme. La communauté internationale appelle à des réformes urgentes et à un accord avec le FMI, mais les obstacles politiques et les intérêts particuliers semblent insurmontables.

La crise libanaise est un tragique exemple des conséquences d’un modèle économique fragile, d’une gestion financière irresponsable et d’une corruption endémique. Le pays est à la croisée des chemins et son avenir dépendra de sa capacité à surmonter ces défis et à construire une économie plus juste et plus durable.

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