Au Liban, on entend souvent parler et non seulement parler mais on voit souvent des avions israéliens survoler illégalement l’espace aérien local, en contravention à la résolution 1701 du conseil de sécurité de l’ONU censée garantir la souveraineté libanaise. Un épisode beaucoup moins connu est celui du passage d’un avion américain de légende, le SR-71 au-dessus du ciel libanais.

Le Lockheed SR-71 Blackbird, un monument de l’ingénierie aéronautique américaine, reste à ce jour l’un des avions les plus fascinants de l’histoire de l’aviation militaire. Conçu dans les années 1960 par la célèbre division Skunk Works de Lockheed, cet avion espion était capable d’atteindre Mach 3+ et de voler à des altitudes supérieures à 85 000 pieds (environ 26 000 mètres), le rendant quasiment intouchable pour les missiles ennemis de l’époque.

Un épisode particulièrement captivant de son histoire s’est déroulé en 1982, durant la guerre civile, impliquant le lieutenant-colonel William Burk Jr. Cette mission, détaillée dans l’ouvrage “Skunk Works” de Ben Rich, illustre non seulement les capacités exceptionnelles du SR-71 mais aussi le contexte géopolitique tendu dans lequel il opérait.

En automne 1982, en réponse à l’attentat contre le quartier général des Marines américains à Beyrouth, le président Ronald Reagan ordonna une couverture photographique de toutes les bases terroristes dans la région. La mission confiée à Burk et à son officier de reconnaissance systèmes (RSO), Tom Henichek, était de survoler le Liban. Toutefois, la France refusant l’autorisation de survol, l’itinéraire de la mission dut être ajusté. Elle impliquait un ravitaillement au sud de l’Angleterre, une traversée à Mach 3 le long des côtes portugaises et espagnoles, un virage à gauche à travers les détroits de Gibraltar, un ravitaillement en Méditerranée occidentale, puis un virage à droite vers le Liban pour survoler directement Beyrouth, et enfin, sortie le long de la Méditerranée sud avec un autre ravitaillement au-dessus de Malte, pour un retour supersonique vers l’Angleterre.

Le défi de cette mission était accentué par la présence d’un système de missiles soviétique SA-5, stationné à l’ouest de Damas, dont la portée et la vitesse représentaient une menace réelle pour le SR-71. Burk et Henichek furent informés en entrant dans l’espace aérien libanais que le système de défense les avait accrochés. Face à une possible mise à feu, l’équipage n’eut d’autre choix que d’augmenter leur altitude et leur vitesse, franchissant ainsi le seuil de sécurité contre cette menace.

Alors qu’ils achevaient leur survol de Beyrouth et se dirigeaient vers Malte, une alerte de basse pression d’huile sur le moteur droit contraignit Burk à réduire la vitesse et l’altitude de l’appareil, choisissant une ligne directe pour l’Angleterre. Optant pour le chemin le plus court, ils traversèrent la France sans autorisation. C’est alors qu’un Mirage III français s’approcha, demandant le numéro de clairance diplomatique. Face à l’absence de réponse satisfaisante, Henichek répondit par un geste pour le moins audacieux avant que Burk n’active la postcombustion, laissant l’intercepteur français loin derrière.

Cette anecdote illustre non seulement la prouesse technique et la supériorité du SR-71 Blackbird mais aussi les tensions politiques et militaires de l’époque, notamment au Moyen-Orient. L’incident avec le Mirage III met en lumière les défis diplomatiques auxquels les équipages du SR-71 étaient parfois confrontés lors de missions cruciales pour la sécurité nationale américaine et la collecte de renseignements stratégiques. Dans le contexte plus large de la Guerre Froide et des instabilités régionales, le SR-71 Blackbird s’est avéré être un outil indispensable, capable de réaliser des missions de reconnaissance à haute vitesse et haute altitude, souvent au péril de la vie de ses équipages, mais toujours avec une efficacité remarquable.

Le Lockheed SR-71 Blackbird a été cependant officiellement retiré du service par l’United States Air Force (USAF) en 1998. Toutefois, son processus de retrait a commencé bien avant cette date, avec des phases de désactivation et de réactivation en fonction des besoins de renseignement et des contraintes budgétaires.

La première mise à la retraite du SR-71 a eu lieu en 1989. Plusieurs facteurs ont contribué à cette décision, notamment :

  1. Coût d’exploitation élevé : Le SR-71 était extrêmement coûteux à opérer. Ses moteurs spéciaux, son carburant spécial (JP-7), et la maintenance intensive nécessaire pour garder l’avion en état de vol contribuaient à un coût d’exploitation élevé.
  2. Avancées technologiques : Avec l’avènement des satellites de reconnaissance et des drones, les capacités offertes par le SR-71 commençaient à être disponibles par d’autres moyens, souvent à un coût moindre et avec moins de risques politiques ou humains. Les satellites, en particulier, pouvaient offrir une couverture continue sans mettre en danger des équipages ou violer l’espace aérien souverain.
  3. Fin de la Guerre Froide : La diminution des tensions entre les États-Unis et l’Union soviétique à la fin des années 1980 et au début des années 1990 a réduit le besoin de missions de reconnaissance de haute altitude et à grande vitesse comme celles effectuées par le SR-71.

Après son retrait initial, il y eut des efforts pour réactiver une partie de la flotte SR-71 au début des années 1990, en raison de sa capacité unique à rapidement recueillir des renseignements dans des zones de conflit, comme lors des opérations en Yougoslavie. Cependant, ces efforts furent de courte durée, et la décision finale de retirer définitivement le SR-71 fut prise en 1998, marquant la fin de l’ère des missions opérationnelles pour cet avion légendaire.

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