Le siège de l'Association des Banques du Liban après l'explosion du Port de Beyrouth. Crédit Photo: Libnanews.com
Le siège de l'Association des Banques du Liban après l'explosion du Port de Beyrouth. Crédit Photo: Libnanews.com

Au lendemain de l’opération de gel de 120 millions de dollars menés par les enquêteurs français, luxembourgois et allemands dans le cadre des accusations de détournement de fonds publics visant Riad Salamé, les yeux se tournent désormais vers le premier ministre Najib Mikati, les banques libanaises et le procureur de la république, le juge Ghassan Oweidat qui pourraient être accusés d’entrave à la justice.

Pour rappel, le premier ministre Najib Mikati, lui-même actionnaire de banque, tente d’épargner les établissemens financiers et le gouverneur de la Banque du Liban du volet local des enquêtes en formant un comité composé de juges et de banquiers et visant à enterrer les dossiers devant la justice et ainsi leur offrir une immunité sur le plan local.

Il serait allé jusqu’à inviter le gouverneur de la Banque du Liban lors du conseil des ministres prévu ce mercredi afin de discuter en sa présence des moyens de renforcer les finances publiques, de prévenir le gaspillage, de contrôler les marchés financiers et de garantir les droits des l’Etat, les salariés, les déposants et les citoyens.

Si cela ne suffisait pas, le premier ministre Najib Mikati, le procureur général de la république, le juge Ghassan Oweidat mais également le commandant des forces de sécurité intérieure, le général Imad Othman, les 2 derniers étant proches de l’ancien premier ministre Saad Hariri comme Riad Salamé, ont empêché tous les 3 l’execution d’un mandat d’arrêt visant le gouverneur de la Banque du Liban suite à son absence à plusieurs reprises lors de ses convocations devant la procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun, dans le cadre du dossier Forry Estate et des biens justement désormais gelés en Europe.

Le premier ministre accorde ainsi une légitimité à un homme qui fait l’objet d’enquête alors que même les institutions internationales, selon des sources proches d’elles, ne pourraient aboutir à un accord avec une personne soupçonnée de détournement de fonds publics dans le cadre des négociations menées par exemple avec le Fonds Monétaire International en vue de débloquer l’aide économique nécessaire face à la crise que traverse le pays des cèdres, comme si en réalité, Najib Mikati et les banques refuseraient de mener des réformes économiques, financières mais surtout judiciaires qui réclament la fin de pratiques – généralement illégales dans bien des pays – qui les ont enrichi au détriment de la population, et surtout de la transparence.

En évoquant la transparence, les banques libanaises accusent la justice locale de nuire à leur réputation, de retirer le peu de confiance qu’on pourrait toujours avoir envers elles, des accusations reprises par Najib Mikati.

Six banques libanaises, la Banque Audi, la Banque Med, la SGBL, la Banque Al Mawarid, la Banque Saradar, la BML, font en effet l’objet d’une demande d’information du juge d’instruction Jean Tannous concernant des transferts suspects des comptes du gouverneur de la Banque du Liban qui agit lui-même à la demande des enquêteurs suisses, français et luxembourgeois. Cependant, elles se retranchent derrière le secret bancaire, qui ne serait pas pourtant valide en cas d’accusation de détournements de fonds.

Cependant, c’est tout le contraire. Les entraves à la justice, comme le démontrent les faits d’un premier ministre qui est allé jusqu’à menacer de démissionner en cas d’arrestation d’un gouverneur de la Banque du Liban, le refus par les FSI de l’execution du mandat d’arrêt visant les banques, le refus du procureur de la république Ghassan Oweidat de permettre au juge Jean Tannous de coopérer au dossier des enquêteurs européens, le refus du même procureur appuyé par le premier ministre qui est allé jusqu’à comparer la descente d’officiers de police aux sièges des banques libanaises en vue d’obtenir des informations concernant les transferts à l’étranger des frères Salamé et d’autres, constituent autant de preuves pour la communauté internationale que le système politico-banco-mafieux libanais tente d’entraver le risque.

Cela aurait d’ailleurs justifier la réception par le procureur de la république, d’une lettre de ses homologues étrangers, l’accusant d’entrave à la justice. Ghassan Oweidat a beau se justifier estimant le dossier sensible et soutenant la stabilité publique, il agit tout de même en montrant que son rôle n’est pas indépendant par rapport au pouvoir politique.

Conséquence locale, désormais aussi sous le viseur de la justice européenne pour leur manque de coopération, les banques libanaises – déjà “victimes” selon elles de procès de déposants résidant dans certains pays européens en vue d’obtenir le déblocage de leurs dépôts gelés depuis l’imposition d’un contrôle informel des capitaux – pourraient également être confrontées à des décisions de gels de biens jusqu’à l’obtention des informations demandées par les justices européennes dans le cadre de l’affaire Salamé.

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