Un cortège de manifestants se dirigeant vers la place des canons, le 14 Mars 2005. Crédit Photo: François el Bacha, tous droits réservés.
Un cortège de manifestants se dirigeant vers la place des canons, le 14 Mars 2005. Crédit Photo: François el Bacha, tous droits réservés.

19 ans après, les héritiers du 14 mars 2005 sont bien silencieux. Il est vrai que le Liban est passé par de nombreuses crises, les unes pires que les autres, entre la guerre de juillet 2006, les vides présidentiels à répétitions, les crises économiques qui n’en finissent plus, financières, structurelles et l’absence de l’État sur les points cruciaux… C’est précisément cet État auquel les personnes ayant manifesté aspiraient de tout leur cœur.

Le 14 Mars 2005 était avant tout un mouvement pour un état de droit, soucieux de défendre ses citoyens face aux menaces externes, face aux menaces internes, face à l’injustice. On en est loin aujourd’hui entre menaces d’un conflit ouvert avec Israël, menaces internes multiples avec la présence armée, incidents et accidents, comme l’explosion du 4 août 2020 à Beyrouth, des réfugiés plus que jamais présents et perturbant les équilibres démographiques et politiques, et surtout l’injustice profonde comme le refus de faire justice aux victimes de l’explosion du port de la capitale, coeur même de cet état, et des inégalités socio-économiques avec un taux de pauvreté touchant désormais plus de 90% de la population. On ne sait au final quoi de pire choisir.

Le constat est sévère. Est-ce la faute de nos dirigeants ? Ceux qui ont été reconduits élection après élection au pouvoir par cette même population et qui en ont abusé ou justement la faute de la population, qui, de guerre lasse, au sens propre comme au figuré, une guerre qui est tant menée par des ennemis externes que par des ennemis internes et autres mafias qui ont fini par nous reprendre le pouvoir.

Au million et demi de personnes ayant manifesté, c’est presque un doigt d’honneur qu’on leur fait aujourd’hui. Un état inexistant, incapable de se protéger et encore moins de protéger la population. Un Etat devant lequel des personnes demandées par la Justice défilent, un état dont les caisses sont vides et dont les mafias souhaiteraient s’accaparer les dernières richesses.

Des états dans l’état se sont constitués les uns après les autres sous divers prétextes et chacun semble aujourd’hui jouir de ses propres lois, à coup de parades armées pour certains comme ceux qui en 2019 ou 2020 tabassaient des manifestants au coeur même de la capitale, à coup de circulaires pour d’autres inventant de nouveaux concepts mais érodant un peu plus les symboles régaliens comme la monnaie nationale elle-aussi, protégés même par des services de l’état parfois qui ont de drôles de notion de servir la population, à moins de cela soit de se servir soi-même avant tout.

L’Etat de droit, l’Etat permettant à vivre dans la dignité, côte à côte conformément au serment dit du 14 Mars 2005… cela n’était qu’un rêve sans lendemain au final et une réalité bien différente, bien plus triste, bien plus cruelle surtout, a fini par nous rattraper.

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