Sa Béatitude, Mgr Bechara Raï, entouré des professeurs Mirna Abboud Mzawak (à droite) et Souraya Bechealany (à gauche). © Nathalie Duplan - Valérie Raulin
Sa Béatitude, Mgr Bechara Raï, entouré des professeurs Mirna Abboud Mzawak (à droite) et Souraya Bechealany (à gauche). © Nathalie Duplan - Valérie Raulin

Le 9 septembre dernier, le patriarche maronite, Mgr Bechara Boutros Raï, a officiellement lancé, depuis Bkerké, un document dit « fondateur » sur les femmes. Une première historique pour une Église orientale. Et l’occasion de rendre hommage au Dr Jocelyne Khoueiry.

Rien de moins qu’une première historique en ce qui concerne les Églises orientales. Avec le lancement, ce 9 septembre à Bkerké, du document « Vocation et mission de la femme dans l’économie de Dieu, la vie de l’Église, et la société », le patriarcat maronite frappe fort et pourra s’enorgueillir d’être pionnier dans la place faite aux femmes dans l’Église.

Au cours de la célébration, présidée par Sa Béatitude Mgr Bechara Raï, le professeur Mirna Abboud Mzawak, coordinatrice du Bureau pour la Pastorale de la femme à la curie patriarcale, a rappelé les étapes qui ont jalonné ce parcours synodal unique (jamais au sein d’une Église orientale, il n’y avait eu de synode consacré à la présence et à la mission de la femme) et abouti à l’adoption de ce document.

Mme Mzawak n’a pas manqué de rappeler le rôle essentiel joué par le Dr Jocelyne Khoueiry, membre de l’Académie pontificale mariale, co-fondatrice du mouvement marial La Libanaise – Femme du 31 mai, décédée le 31 juillet 2020. Jocelyne Khoueiry avait relevé qu’il n’existait aucun texte sur la femme dans les Églises orientales, d’où son engagement. À l’évocation de son seul nom, un tonnerre d’applaudissements a jailli de l’assistance nombreuse et variée: évêques, prêtres, religieux, Supérieurs et membres de congrégations, laïcs – issus des différentes confessions chrétiennes –, mais également des représentants des communautés musulmanes, sunnites et chiites, telle Rabab al-Sadr, sœur de l’imam disparu et présidente de la Fondation Imam al-Sadr, chaleureusement saluée par le patriarche Raï, etc.

Durant le synode de juin, le Pr Mzawak avait confié : « Jocelyne Khoueiry est à l’origine de cette initiative : elle a été le levain dans la pâte. Nous lui devons, entre autres, le fait de commencer avec un texte fondateur à dimension synodale. En effet, elle a considéré, et nous avec, qu’il fallait un processus synodal pour ce texte qui serait la base, processus à travers lequel apparaîtraient tous les défis que la femme est en train de vivre au Liban et dans le monde entier. Ainsi, toutes les instances de la société, civile ou ecclésiale, seraient impliquées. »

En hommage au Dr Jocelyne Khoueiry (photo de droite), le patriarche remet le document final à Mme Chiraz Aouad, présidente de La Libanaise – Femme du 31 mai. Durant sa douloureuse maladie, Jocelyne Khoueiry n’a pas cessé de se pencher sur ce texte et de participer aux séances de travail, alors même qu’elle était à bout de force.
© Nathalie Duplan – Valérie Raulin

Après la disparition de Jocelyne Khoueiry, le Bureau pour la Pastorale de la femme a continué ce projet ambitieux, avec une équipe de 9 experts (un comité stratégique œcuménique constitué de théologiens, biblistes, anthropologues, philosophes) parmi lesquels le Pr Souraya Bechealany, professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et directrice du Centre de Recherches, ancienne Secrétaire générale du Conseil œcuménique des Églises du Moyen-Orient, et membre du mouvement marial La Libanaise-Femme du 31 mai. Artisan de ce travail, le Pr Bechealany a précisé et développé, en marge de la célébration, ce que le Pr Mzawak exposait dans sa présentation : « Nous avons soumis ce texte, profond, consistant, solide en termes biblique, théologique, anthropologique, philosophique, au Synode des évêques et au patriarche en juin 2023 pour ratification et validation. Il n’est pas féministe au sens occidental du terme, mais en faveur de la femme, selon les aspirations du pape François. »

Le document « Vocation et mission de la femme dans l’économie de Dieu, la vie de l’Église, et la société » s’ouvre sur la lettre de bénédiction du patriarche, suivie d’un préambule dans lequel il est fait mention de l’apport de Jocelyne Khoueiry à l’origine, et du contexte. Le texte lui-même est constitué de 3 chapitres (74 articles et 4 annexes) : 1- défis ; 2- fondement : le plus long et le plus dense avec les fondements bibliques, anthropologiques et théologiques qui démontrent sa richesse ; 3- politiques et orientations: qui aborde, entre autres, la question des tribunaux ecclésiastiques.

En expertes des enjeux qui attendent l’Église de demain, les deux professeurs mettent en avant les axes de ce texte, comme la question du leadership des femmes, de leur association aux prises de décisions, de leur accession au diaconat d’autel et sacramentel (et plus uniquement de service), etc. Autant de thèmes qui ont parfois rencontré des oppositions de la part de certains évêques. Il n’en demeure pas moins que ce 9 septembre, l’acte de réception de ce document a été entériné par le patriarche Raï qui, par ce lancement, envoie, en quelque sorte, le message suivant à l’ensemble de l’Église universelle : voici ce que nous allons entreprendre dans l’Église maronite ; nous invitons les autres Églises à agir de même.

Le travail ne fait que commencer : le Pr Mzawak a annoncé une prochaine phase académique, avec la tenue d’un colloque international en mars 2024 à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et à l’Université du Saint-Esprit de Kaslik auquel participeront des experts.   

Quant au Pr Bechealany, elle conclut : « Nous avons l’ambition de soumettre ce document également à l’inter-religieux dans la région. » À l’issue de la cérémonie, chaque participant devait d’ailleurs recevoir une copie du document et des rendez-vous étaient en train de s’organiser entre Mmes Mzawak et Bechealany et des spécialistes musulmanes pour discuter du contenu de ce texte dont l’existence débute seulement.

Un document qui devrait, à l’avenir, susciter des échanges entre chrétiens et des non-chrétiens, femmes et hommes.
© Nathalie Duplan – Valérie Raulin
Nathalie Duplan et Valérie Raulin
Grands reporters spécialistes du Liban, Nathalie DUPLAN et Valérie RAULIN sont les auteurs de "Jocelyne Khoueiry l’indomptable" (Le Passeur), "Le Camp oublié de Dbayeh" (Grand Prix littéraire 2014 de L’Œuvre d’Orient), et "Un café à Beyrouth" (Magellan & Cie). Avec Fouad Abou Nader, elles ont publié "Liban : les défis de la liberté", aux Éditions de L’Observatoire. Nathalie Duplan a débuté au Figaro Magazine ; elle est rédactrice en chef de la revue mensuelle Les Annales d’Issoudun et correspondante au Liban du trimestriel Codex. Valérie Raulin a commencé sa carrière au Figaro et a été "accréditée Défense". Également réalisatrice, elle a participé au lancement de la chaîne KTO. Elles sont également les auteurs, aux Presses de la Renaissance, de "Le Cèdre et la Croix", "Tenir et se tenir, entretiens avec Patrick Poivre d’Arvor", "Les Grandes Heures de Solesmes" et "Confidences d’un exorciste".

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