Riad Salamé, le sorcier maudit des libanais quitte la Banque du Liban en fanfare

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Une page se tourne pour la Banque du Liban, avec le départ de son gouverneur, Riad Salamé, figure très controversé en raison de la politique monétaire menée depuis son accession à son poste en 1993. Trente ans après, l’homme qui fut à l’origine d’une grande mansuétude vis-à-vis des banques privées au détriment des déposants quitte enfin ses fonctions, avec même une fanfare et l’acclamation de ses partisans.

Depuis sa nomination, sa politique d’encrage de la livre libanaise au dollars à un taux fixe de 1507 LL/USD a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des spécialistes et universitaires, tout en bénéficiant du soutien d’hommes politiques ou encore des milieux bancaires, principaux bénéficiaires.

Ainsi, selon les observateurs économiques indépendants, Riad Salamé a contribué à mettre en place ce qu’ils considèrent être un schéma de fraude Ponzi, attirant les fonds, détruisant les secteurs productifs, transformant l’économie libanaise en économie rentière au détriment des investissements privés qui ne pouvaient bénéficier de tels rendements malheureusement fictifs.

Pire encore, la surévaluation de la parité de la livre libanaise par rapport à sa parité réelle depuis 30 ans a fini par emporter la majorité des dépôts dans un pays où le taux de dollarisation était élevé. Ainsi, l’un des principaux foyers de pertes du secteur financier est induit par le transfert par les banques privées des devises étrangères auprès de la Banque du Liban sous forme de certificats de dépôts. Ces devises ainsi récoltées par la BdL étaient principalement utilisées pour soutenir une livre libanaise bien mal en point en plus de financer l’état sous forme d’eurobonds.

Si les signaux d’alarme concernant la politique monétaire menée par la BdL existaient, ils étaient inaudibles face à une propagande médiatique du “tout va bien, ne vous inquiétez pas” en plus des conflits d’intérêts locaux entre économistes travaillant dans des banques qui bénéficiaient indirectement des largesses du gouverneur.

En effet, dès 2015, les réserves nettes de la Banque du Liban étaient négatives. Les pertes de la banque centrale étaient soigneusement dissimulées sous couvert des profits fiduciaires, l’argent qu’on imprime, sans toutefois que cela ne se reflète sur la parité de la livre libanaise, jusqu’à ce que les tensions monétaires soient si intenses que le système Salamé ne casse en mai et juin 2019, avec l’apparition du fameux marché noir et les pénuries de devises nécessaires provoquant notamment le début des pénuries de carburant ou de médicaments jusqu’à l’officialisation du crash financier en novembre 2019, avec la mise en place d’un contrôle informel des capitaux par les banques privées.

Dès lors, l’ampleur de la crise libanaise ne faisait que révéler l’illusion que le maitre sorcier nous a fait vivre durant 30 ans.

Riad Salamé n’a alors pris aucune des mesures qui s’imposent, protégeant ceux qui ont bénéficié de ses largesses, notamment des banques considérées pourtant en état de défaut depuis novembre 2019 par les agences de notation internationales, mettant la crise sur le dos du gouvernement Diad qui n’a pourtant déclaré l’état de défaut de l’état qu’en avril 2020, 6 mois après.

Il a ainsi multiplié les différentes circulaires faisant porter les pertes d’un secteur bancaire soit sur les déposants eux même imposant une forte décote de leurs comptes en dollars, ou sur l’état, non pas le gouvernement mais l’état au sens de la population dans son ensemble et sur les générations à venir.

Sous couvert d’un pseudo acte humanitaire, il n’a fait que prolonger voir même d’aggraver la crise financière en sabotant les estimations des pertes du secteur financier creusant parallèlement les réserves monétaires pourtant indispensables avec son invention d’une plateforme électronique Sayrafa au détriment – ce qui était alors possible à moindre dégât – de la livre libanaise, au bénéfice des opérateurs. Les déposants ou encore la population ne comprenait pas qu’on leurs vendait ainsi leurs propres dollars avec une décôte importante.

Parallèlement, les dossiers judiciaires commençaient à sortir, d’abord par le courage d’une femme, la juge Ghada Aoun, procureur du Mont Liban, une femme quasiment seule face à tout cet établissement qui s’est saisie d’une empêche concernant les manipulations du cour de la livre libanaise puis des enquêtes concernant des détournements de fonds.

Comme les économistes et les spécialistes du secteur dans les années 1990 qui dénonçaient la folie de cette politique monétaire qui aurait tôt ou tard mené à la crise, elle fut attaquée par ces mêmes personnes, je devrais dire bénéficiaires d’un système au bout de ses limites.

Dès 2007, l’ambassadeur des Etats-Unis Jeffrey Feltman évoquait aussi, dans ses notes révélées par Wikileaks, de possibles détournements de fonds “en famille” avec Raja Salamé selon ses informations reçues de sources bien informées, des faits aujourd’hui bien confirmés par le dossier Forry Associates, servant, selon les informations disponibles actuellement à détourner et blanchir des fonds de la BdL au bénéfice des siens et de lui-même

Certains sont bien tentés dès à present, de glorifier un héritage pourtant lourd… Après tout eux, en ont encore les moyens, voire même encore plus les moyens contrairement à l’immense majorité de la population qui s’est retrouvée ruinée.

Mais dès à présent, ils devraient pourtant reconnaitre que ce sont les dégâts infligés ces dernières trente années qui seront à l’origine de la poursuite de l’effondrement à venir. Ses successeurs devront en effet gérer une situation bien difficile, devant mener une guerre sans les munitions pourtant nécessaires, Riad Salamé les ayant dépensées comme nos réserves monétaires…

Et pourtant, ces derniers sont présents, comme pour célébrer les malheurs dont il est en grande partie responsable et dont ils finiront, eux aussi, à en payer le prix.

En effet, au final, la Vérité fini toujours par sortir, avec l’ouvertures d’enquêtes non pas au Liban en raison du blocage persistant du système judiciaire par des ingérences politiques manifestes, mais à l’étranger, en France, en Suisse, au Luxembourg, en Allemagne et ainsi de suite amenant les enquêteurs à déposer une fiche rouge auprès d’Interpol. Au Liban meme, mieux vaut se taire sinon à se préparer à en payer le prix… un prix lourd pour l’ensemble de la population, avec des pertes financières qui pourraient désormais égaler les dépôts, une livre libanaise qui ne pourrait finir que par dégringoler un peu plus encore, des drames avec des personnes, 90% de la population, tout de même poussées dans la pauvreté… et mieux vaut pas encore plus évoquer les conséquences de cette folie d’un homme d’un égo sans égal, qui a poussé le vice jusqu’à célébrer son départ en fanfare, avec la présence de ceux qui ont probablement bénéficié de son appui.

Quel culot !

Francois El Bacha

Focus

Qui est Riad Salamé?

Riad Salamé est un banquier libanais qui a été gouverneur de la Banque du Liban depuis 1993. Il est le plus ancien gouverneur de la Banque du Liban depuis sa création en 1964.

Salamé est né à Antélias, au Liban, en 1950. Il a étudié à l’Université américaine de Beyrouth, où il a obtenu un diplôme en économie. Après l’université, il a travaillé comme banquier d’investissement chez Merrill Lynch à Paris et à Beyrouth.

En 1993, Salamé a été nommé gouverneur de la Banque du Liban. Il a été renommé à ce poste en 1999, 2005, 2011 et 2017.

En tant que gouverneur de la Banque du Liban, Salamé a été responsable de la gestion de l’économie libanaise. Il a été crédité d’avoir contribué à stabiliser l’économie libanaise après la guerre civile libanaise. Cependant, il a également été critiqué pour sa gestion de la crise financière libanaise de 2020.

En 2021, Salamé a été inculpé par la justice française pour corruption et blanchiment d’argent. Il a également été accusé de malversations financières par le gouvernement libanais.

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