Dans un contexte de crise économique profonde, marquée par une inflation galopante et une érosion dramatique du pouvoir d’achat, le Liban fait face à des défis sans précédent. Le 28 février 2024, le Conseil des Ministres (COM) a approuvé un nouveau paquet de salaires publics, rétroactif au 1er décembre 2023, dans une tentative audacieuse de stabiliser la situation financière des employés du secteur public et des retraités.

Ce nouveau paquet salarial propose une augmentation substantielle des revenus pour les employés publics et les retraités, multipliant par trois le salaire de base pour tous les retraités ainsi que pour les membres actifs des forces de sécurité et armées, et par deux pour les membres actifs des administrations publiques. Cette mesure porte le total des salaires à neuf fois le salaire de base.

Parmi les mesures supplémentaires, on note une allocation minimale de 8 millions de livres libanaises (LBP) pour les retraités, une allocation de transport de 9 millions de LBP pour les membres des forces de sécurité, et une allocation variant entre 8 et 16 réservoirs d’essence pour les membres des administrations publiques, en fonction de leur grade. De plus, une allocation de productivité mensuelle comprise entre 150 et 250 USD est également prévue.

Cependant, cette générosité a un coût. L’augmentation des salaires devrait coûter environ 3 trillions de LBP, portant la masse salariale mensuelle totale à environ 10 trillions de LBP. Ces dépenses, qui seront effectuées en USD, représenteront un défi majeur pour la Banque du Liban (BDL), notamment dans un environnement politique et sécuritaire instable. La réussite de cette initiative dépendra largement de la capacité du pays à attirer des flux de devises (provenant des remises, du tourisme, des organisations internationales, etc.) et à augmenter les recettes fiscales.

Cette stratégie salariale, bien qu’ambitieuse, est loin d’être une solution miracle. Elle survient après le désastreux paquet de hausse salariale de 2017, qui avait vu une augmentation de 50 à 100% des salaires publics, contribuant à l’augmentation de la dette publique, à la perte de réserves en devises étrangères et à l’aggravation de la crise actuelle. La question demeure : cette nouvelle initiative marquera-t-elle un tournant dans la gestion de la crise économique au Liban, ou ne fera-t-elle qu’ajouter à la complexité des défis à relever?

Face à une inflation dévorante, ces mesures peuvent offrir un soulagement temporaire aux employés du secteur public et aux retraités. Cependant, elles soulèvent des inquiétudes quant à leur viabilité à long terme et leur impact sur l’économie libanaise déjà fragilisée. Seul le temps dira si cette stratégie audacieuse portera ses fruits ou si elle entraînera le pays dans un cercle vicieux de dépendance financière et d’instabilité économique.

FocusLiban

L’augmentation des salaires au Liban, en particulier celle approuvée en 2017, a eu des conséquences significatives sur l’économie du pays, exacerbant les tensions monétaires et l’inflation. Cette décision, qui visait à améliorer le pouvoir d’achat des employés du secteur public à travers une hausse de 50 à 100% des salaires, a été prise dans un contexte déjà fragile, marqué par un endettement élevé et une gestion économique précaire.

Impact sur l’inflation

L’augmentation des salaires a contribué à une hausse de la demande de biens et services alors que l’offre restait relativement inchangeable à court terme, ce qui a entraîné une pression inflationniste. L’inflation réduit le pouvoir d’achat, annulant partiellement les effets positifs des augmentations de salaires. De plus, le Liban étant fortement dépendant des importations, l’inflation importée a également joué un rôle, avec des coûts plus élevés pour les biens et services étrangers.

Effets sur la monnaie et les réserves de change

Le financement de l’augmentation des salaires a mis sous pression les finances publiques et la Banque du Liban (BDL), la banque centrale du pays. Pour couvrir ces dépenses, la BDL a dû puiser dans ses réserves de devises étrangères, ce qui a affaibli sa position et réduit sa capacité à stabiliser la livre libanaise. La dépendance accrue aux injections de devises pour financer les déficits du secteur public a contribué à une dévaluation de la monnaie et à une volatilité accrue sur le marché des changes.

Conséquences sur la dette publique

Les mesures d’augmentation des salaires ont également eu un impact sur la dette publique du Liban, qui était déjà parmi les plus élevées au monde en proportion du PIB. Le financement des augmentations salariales par l’emprunt a aggravé le fardeau de la dette, limitant la marge de manœuvre fiscale du gouvernement et augmentant les coûts de service de la dette.

Effets à long terme

À long terme, ces politiques ont contribué à éroder la confiance des investisseurs et des institutions financières internationales dans l’économie libanaise. La croissance économique a été entravée par l’instabilité monétaire et fiscale, et le pays a été confronté à des défis croissants pour attirer les investissements étrangers nécessaires à la revitalisation de son économie.

En résumé, bien que les augmentations de salaires aient été envisagées comme une mesure pour améliorer le bien-être des employés du secteur public, elles ont eu des effets pervers, exacerbant les problèmes économiques existants du Liban. Ces décisions ont contribué à une spirale de dévaluation monétaire, d’inflation et de dette publique, mettant en évidence les défis de la mise en œuvre de politiques fiscales et monétaires dans un contexte économique fragile.

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