Souveraineté, ils n’ont plus que ce mot à la bouche les politiques, les journalistes, les essayistes, les pamphlétistes éclairés qui défilent sur nos écrans plats …
Pourtant, souveraineté, depuis Maastricht, était un mot qui renvoyait à quelque chose de rance et de passéiste pour des élites européennes qui méprisaient l’Europe gaullienne, celle des nations, et ne juraient que par l’Europe supranationale, plus affranchie et plus moderne à leurs yeux, donc forcément atlantiste.
En 2020, confrontés à l’imprévisible épreuve du Covid, les pays européens ont réalisé à quel point le délabrement de leur souveraineté sanitaire révélait au grand jour leur vulnérabilité et l’étendue de leur dépendance.
En 2025, après la menace récurrente de Donald Trump de se désengager de l’OTAN, après son coup de massue des taxes douanières brandi face à l’Europe, qu’il suspecte d’ailleurs d’avoir été créée « pour entuber les USA », les limites et la duperie de l’inconditionnel atlantisme européen furent révélés au grand jour.
Dans un monde soumis à la résurgence des empires et aux chocs sanglants des titans, les pays de la planète sont diversement outillés pour y résister et tenter de sauver leur intégrité.
Certes l’Europe dispose en la matière de quelques atouts non négligeables face à l’Amérique de Trump et à la Chine de Xi Jinping, mais les pays qui, de par le monde, comptent sur le soutien et la protection de l’Europe, ne pourront probablement pas échapper à la brutalité de la croisade Trumpiste menée tous azimuts.
La revendication décomplexée de Donald Trump qui veut coloniser le Groenland, annexer le Canada, gérer le Panama, créer une Riviera, rebaptiser le golfe du Mexique, exploiter les terres rares de l’Ukraine, en dit long sur une vision cataclysmique débridée de la gestion géopolitique du monde du président américain.
En 1987, dans son livre « The art of the deal », Donald Trump assumait déjà le choix des tarifs douaniers comme arme redoutable dans la négociation.
Aujourd’hui, les droits de douane voulus par le président américain n’épargnent personne, ni les grands ni les petits, ni les adversaires, ni les amis, ni les riches, ni les pauvres.
Ne tenant compte d’aucun critère de proportionnalité, Donald Trump réclame par exemple aux pays d’Asie du Sud-Est comme le Vietnam, le Cambodge, ou le Laos…
Les droits de douane réciproques les plus exorbitants (plus de 45%) portant de fait un coup de grâce à leur industrie textile qui leur est vitale.
Mais il ne faut pas croire que le président américain est juste un homme d’affaires rusé, pragmatique et ambitieux aujourd’hui aux commandes de la première puissance mondiale.Donald Trump est bien plus que cela. Il avait revendiqué, dès son premier mandat, une vision idéologique de son Amérique.
Il a volontairement repris à son compte la stratégie du fou, jadis élaborée par Richard Nixon qui consistait à faire croire aux dirigeants des pays hostiles du bloc de l’Est qu’ils ont en face d’eux un dirigeant au comportement imprévisible, disposant d’une énorme capacité de nuire.
Au cœur de cette vision une détestation de la mondialisation, cause de tous les tourments et humiliations de son Amérique.
Une détestation de l’abolition des frontières qui a « livré son pays aux vents mauvais », qui a rouillé les bassins ouvriers de la construction automobile, symbole de l’âge d’or du rêve américain.
Une détestation de tous ces nouveaux ensembles, pays émergents, et empires conquérants qui,comme dans un vase communiquant, se sont enrichis alors que l’Amérique périphérique s’appauvrissait.
Donald Trump est animé par un besoin de revanche qu’il peine à masquer.
Il veut être celui qui redonne à son Amérique la souveraineté et la suprématie d’une puissance incontestée et incontestable, quitte à piétiner la souveraineté des autres pour y parvenir.
Toutefois Trump n’a pas été élu, puis réélu, par hasard. Il n’est pas la cause mais le symptôme d’une nouvelle ère qui veut s’affranchir de la réalité et de la rationalité économique, une ère qui mêle nostalgie et frustration, qui confond peuples et populismes, favorable à un désordre mondial.
Productrice magazine télévisé Espace francophone
Réalisatrice
