Le 9 avril 2025, Fayez Rassamni, ministre libanais des Travaux publics, s’exprime depuis le port de Beyrouth avec une fermeté assumée. Face aux récentes allégations sur une reprise en main du site par le Hezbollah, il martèle : la sécurité est « tenue d’une main de fer », et aucune remise en question médiatique ne sera tolérée sans preuves. Cette déclaration intervient dans un climat tendu, marqué par des soupçons de trafic d’armes et une pression internationale croissante. Entre renforcement des contrôles, révision des lois et défis institutionnels, Rassamni promet une gestion rigoureuse, calquée sur celle de l’aéroport. Le port, poumon économique du Liban, reste au cœur des enjeux de souveraineté et de stabilité.
Une réponse aux doutes sur la sécurité portuaire
Le ministre ne cache pas son irritation. La veille, des allégations ont circulé, affirmant que le Hezbollah aurait repris le contrôle du port de Beyrouth, augmentant ses activités maritimes après la fermeture de canaux aériens et terrestres. Ces accusations, relayées par des sources occidentales, visent à discréditer la capacité de l’État à sécuriser cet espace stratégique. Rassamni balaie ces propos d’un revers de main : « Nous ne tolérons aucun discours médiatique qui met en doute la sécurité sans preuves tangibles. Si quelqu’un a des éléments, qu’il les présente. »
Cette mise au point intervient dans un contexte délicat. Depuis le cessez-le-feu de novembre 2024 avec Israël, le Liban navigue entre reconstruction et suspicions. Les frappes israéliennes de 2024 ont ravagé des infrastructures, et le port, déjà meurtri par l’explosion de 2020, reste un symbole de résilience autant qu’un point de vulnérabilité. Les 50 raids enregistrés depuis mars 2025 sur le Sud-Liban rappellent la fragilité de la paix. Dans ce climat, toute rumeur sur une faille sécuritaire prend une ampleur particulière.
Rassamni insiste : la sécurité est une priorité absolue. Il annonce avoir requis un renforcement immédiat des mesures de surveillance au port, s’inspirant des protocoles stricts appliqués à l’aéroport international Rafic Hariri. « Nous travaillerons avec la même force qu’à l’aéroport », promet-il, soulignant une volonté de restaurer la confiance dans les institutions.
Un port sous haute surveillance
Le ministre détaille ses ambitions. Les contrôles seront intensifiés, avec des inspections systématiques des cargaisons et une coordination renforcée entre les services de sécurité. Cette décision fait écho aux récents efforts pour sécuriser l’aéroport, où des fouilles rigoureuses ont été instaurées face aux menaces d’infiltration. Le port, qui traite encore 60 % des importations libanaises malgré les dégâts passés, ne peut se permettre de fléchir.
Les déclarations répondent aussi à un besoin économique. Avec une dette publique dépassant 150 % du PIB et une inflation galopante, le Liban dépend de ce hub pour ses échanges commerciaux. Une perte de crédibilité risquerait de détourner les flux vers des ports secondaires comme Tripoli ou Saïda, déjà saturés. Rassamni le sait : chaque conteneur qui transite par Beyrouth est une bouffée d’oxygène pour une économie exsangue.
Pourtant, les défis abondent. Le ministre reconnaît un « chevauchement des compétences » entre les différentes agences responsables de la sécurité portuaire. Douanes, armée, forces de sécurité intérieure : les rôles se brouillent, créant des failles potentielles. Cette admission, rare dans le discours officiel, ouvre la porte à une refonte nécessaire, mais complexe dans un système marqué par le clientélisme.
Réformer pour rassurer
Rassamni ne se contente pas de défendre l’existant. Il annonce une révision des lois régissant le port et son conseil d’administration. « Nous devons clarifier la légalité des opérations, moderniser les textes et les appliquer avec rigueur », explique-t-il. Une commission temporaire, mise en place récemment, lui rendra compte des priorités à court terme. L’objectif : transformer le port en un modèle de gouvernance et d’efficacité.
Ce projet s’inscrit dans un contexte de pressions internationales. Les États-Unis, via Morgan Ortagus, ont exigé le désarmement du Hezbollah et des réformes économiques comme conditions à une aide financière. Les 11 milliards de dollars promis par le FMI restent suspendus à ces avancées. Rassamni semble vouloir prouver que le Liban peut reprendre le contrôle, sans céder entièrement aux injonctions extérieures.
La tâche est titanesque. L’explosion de 2020, qui a tué plus de 200 personnes et détruit une partie du port, a révélé des années de corruption et de négligence. Les 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, stockées sans précaution, ont exposé les failles d’un système où les partis politiques se partageaient les revenus. Aujourd’hui, Rassamni promet une rupture avec ce passé, mais les doutes subsistent.
Une riposte aux accusations
Les allégations sur le Hezbollah ne sont pas anodines. Elles ravivent les craintes d’un trafic d’armes via le port, un scénario évoqué depuis des décennies. En 2024, des frappes israéliennes ont visé des dépôts soupçonnés d’abriter des roquettes du mouvement chiite. Les récentes rumeurs amplifient ces soupçons, suggérant une reprise d’activités maritimes après la fermeture de routes terrestres par la Syrie post-Assad.
Rassamni rejette ces accusations comme une campagne de dénigrement. « Nous ne permettrons pas qu’on remette en cause la capacité du port à fonctionner », assène-t-il. Il défie ses détracteurs de fournir des preuves, un défi qui vise autant les médias que les chancelleries étrangères. Cette fermeté traduit une volonté de souveraineté, dans un pays souvent tiraillé entre influences extérieures.
Le Hezbollah, affaibli par la perte de Nasrallah et des frappes de 2024, reste un acteur incontournable. Son influence au Parlement, via l’alliance avec Amal, complique toute tentative de réforme. Rassamni évite de nommer le mouvement, mais son appel à des preuves vise implicitement à désamorcer les tensions internes autant qu’à rassurer l’étranger.
Un port au cœur des enjeux
Le port de Beyrouth n’est pas qu’une infrastructure. Il incarne la résilience libanaise, mais aussi ses failles. Avant 2020, il gérait 745 000 conteneurs par an, un chiffre tombé à 500 000 après l’explosion. Sa remise en service, dès août 2020, a été un exploit, mais les cicatrices persistent. Les silos à grains, effondrés en 2022, symbolisent encore ce traumatisme.
Aujourd’hui, Rassamni veut en faire un modèle. Il promet des investissements pour moderniser les quais et renforcer les capacités logistiques. Ces ambitions dépendent toutefois de fonds extérieurs, dans un pays où les caisses sont vides. Les 500 millions d’euros promis par l’UE en avril 2025 pourraient jouer un rôle, mais ils sont liés à des réformes que le Liban peine à concrétiser.
Les défis sécuritaires s’ajoutent à l’équation. Les 100 000 déplacés du sud, fuyant les frappes de 2025, surchargent les infrastructures. Le port doit rester opérationnel pour acheminer l’aide humanitaire, tout en évitant de devenir une cible. Rassamni le sait : chaque faille risque d’alimenter les critiques.
Perspectives et incertitudes
Les déclarations du ministre dessinent plusieurs scénarios. Une sécurité renforcée pourrait restaurer la confiance, attirant navires et investisseurs. Une commission efficace et des lois modernisées consolideraient cette dynamique, rapprochant le Liban d’une aide internationale vitale.
Mais les obstacles abondent. Le chevauchement des compétences, dénoncé par Rassamni, reflète un système politique fragmenté. Réformer sans consensus risque de heurter des intérêts puissants, notamment ceux liés au Hezbollah. Une escalade avec Israël, toujours possible vu les tensions au sud, pourrait aussi réduire à néant ces efforts.
Pour l’heure, Rassamni joue la carte de l’autorité. Sa promesse d’une main de fer vise à rassurer autant qu’à défier. Le port de Beyrouth, entre passé douloureux et avenir incertain, reste un test pour un Liban en quête de stabilité et de souveraineté.