Le monde de la musique pleure la disparition de Quincy Jones, décédé le 3 novembre 2024 à Los Angeles à l’âge de 91 ans. Producteur légendaire, compositeur et arrangeur de génie, Jones a laissé une empreinte indélébile dans l’industrie musicale mondiale, avec une carrière s’étendant sur plus de sept décennies et marquée par des collaborations avec les plus grands noms. Mais au-delà de ses succès internationaux, l’icône américaine avait également tissé des liens étroits avec le monde arabe et, en particulier, avec le Liban, par le biais de son soutien à des artistes émergents de la région.
Une carrière marquée par l’excellence et l’innovation
Né le 14 mars 1933 à Chicago, Quincy Delight Jones a su imposer son nom dans l’industrie dès son plus jeune âge. D’abord trompettiste, il s’oriente vers la composition et l’arrangement, collaborant avec des légendes comme Frank Sinatra, Ray Charles, et surtout Michael Jackson, pour lequel il produira les albums mythiques Off the Wall, Thriller et Bad. Ces albums, véritables monuments de la pop, ont été parmi les plus vendus de tous les temps, faisant de Jones l’un des producteurs les plus influents du XXe siècle.
Avec 28 Grammy Awards, Jones est l’un des artistes les plus récompensés de l’histoire de la musique, cumulant également un nombre incalculable de distinctions pour son travail. Son succès s’étend au-delà des frontières des États-Unis, touchant et influençant de nombreux artistes à travers le monde, y compris au Liban.
Soutien aux talents libanais : l’engagement de Quincy Jones pour la diversité culturelle
Quincy Jones a toujours eu un regard bienveillant pour les talents émergents et une ouverture d’esprit vis-à-vis de la diversité culturelle. C’est dans cet esprit qu’il s’est rapproché de certains artistes libanais, qu’il a soutenus et aidés à s’épanouir sur la scène internationale.
L’une des premières initiatives concrètes de Quincy Jones au Moyen-Orient remonte à 2013, lors de la Semaine de la musique de Dubaï. Jones était membre du jury d’un concours de talents lors de cet événement et a rapidement été impressionné par une jeune chanteuse libanaise nommée Xriss Jor. Remportant la compétition, Jor a vu sa carrière décoller grâce au soutien de Quincy Jones, qui a pris en charge la production de son premier single et de son premier clip. Cet acte de mentorat a offert à Xriss Jor une visibilité internationale et lui a permis de lancer sa carrière de façon significative, un rêve pour beaucoup d’artistes du Moyen-Orient qui aspirent à se faire connaître au-delà des frontières de leur région.
En plus de cette expérience, Quincy Jones a exprimé à plusieurs reprises son admiration pour la musique et la culture du monde arabe, reconnaissant le riche patrimoine artistique de la région. Son implication auprès de jeunes talents montre son désir de promouvoir une scène artistique inclusive et diversifiée.
Collaboration avec Ibrahim Maalouf : la rencontre de deux virtuoses
Un autre moment marquant de l’implication de Quincy Jones auprès des artistes libanais a eu lieu en 2017 lors du Montreux Jazz Festival. C’est à cette occasion qu’il rencontre le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf, dont la réputation grandissait sur la scène internationale. Ce festival, qui rassemble des musiciens de tous horizons, a permis à Jones de découvrir le talent unique de Maalouf, dont le style mêle jazz et influences orientales.
Cette rencontre a mené à une collaboration mémorable lors de la célébration des 85 ans de Quincy Jones, organisée au Montreux Jazz Club. Ibrahim Maalouf y a interprété plusieurs classiques de Michael Jackson en hommage à la contribution de Jones dans la musique pop. Cette prestation a marqué les esprits, soulignant à la fois le talent d’Ibrahim Maalouf et la capacité de Quincy Jones à connecter des artistes de différents continents et styles. Cette relation avec Maalouf témoigne de l’ouverture d’esprit de Jones et de son engagement à mettre en avant les talents de divers horizons culturels.
Quincy Jones et le Liban : une relation au-delà de la musique
La relation de Quincy Jones avec le Liban et ses artistes ne s’est pas limitée à des événements ponctuels. Jones a souvent exprimé son désir d’encourager les jeunes talents des régions défavorisées et de promouvoir des causes sociales importantes. En 2015, il a été l’un des soutiens du concert caritatif « Global Citizen Festival », dont une partie des fonds étaient destinée à aider les réfugiés syriens, incluant ceux ayant trouvé refuge au Liban. Cette implication humanitaire renforce l’image de Jones non seulement comme un musicien de talent, mais aussi comme un philanthrope engagé, conscient des enjeux mondiaux et des besoins de solidarité.
Un héritage qui perdure : l’impact de Quincy Jones sur les artistes libanais
Quincy Jones restera dans les mémoires comme un pionnier de la musique, un visionnaire et un mentor pour de nombreux artistes, y compris libanais. Sa capacité à repérer et à soutenir les talents en dehors des circuits traditionnels de l’industrie américaine en fait une figure unique. En aidant des artistes comme Xriss Jor et en collaborant avec Ibrahim Maalouf, Jones a permis à une nouvelle génération de musiciens libanais de s’exprimer sur la scène internationale, démontrant que la musique est un langage universel qui transcende les frontières et les cultures.
Le soutien de Jones a aussi ouvert la voie pour que d’autres artistes libanais accèdent à une reconnaissance mondiale, inspirant des initiatives locales et internationales pour la promotion des talents émergents de la région. À travers ses actes, Quincy Jones a démontré que le succès artistique ne réside pas seulement dans les performances personnelles, mais aussi dans la capacité à donner aux autres les moyens de réussir.
En 2015, au cœur de la crise des ordures au Liban, qui a suscité un profond mécontentement populaire en raison de l’accumulation de déchets non ramassés dans les rues de Beyrouth et des villes environnantes, la chanteuse libanaise Xriss Jor a voulu se servir de son art pour faire passer un message fort. Cette crise, emblématique de la paralysie des services publics et de la corruption qui gangrenait les institutions libanaises, a marqué un tournant dans l’opinion publique et a conduit de nombreux Libanais à descendre dans la rue pour exprimer leur frustration face à l’inaction du gouvernement.
Face à cette situation alarmante, Xriss Jor a décidé de reprendre la chanson emblématique de Michael Jackson, They Don’t Care About Us, une chanson engagée qui dénonçait les injustices sociales. En utilisant cette chanson, elle espérait attirer l’attention sur les défis auxquels les Libanais faisaient face et sur l’indifférence apparente des autorités. Cette reprise a rapidement attiré l’attention, non seulement pour son message puissant, mais aussi pour la qualité de l’interprétation de Jor.
Quincy Jones, un pont entre les cultures
Le décès de Quincy Jones laisse un vide immense dans l’industrie musicale, mais son héritage perdurera à travers les nombreux artistes qu’il a inspirés et soutenus. Son engagement envers le Liban et les artistes libanais témoigne de sa conviction que la musique peut être un vecteur de paix et de dialogue entre les cultures. En honorant sa mémoire, la scène musicale libanaise et internationale peut continuer à construire sur les bases qu’il a posées pour promouvoir l’inclusion, la diversité et l’excellence artistique. Quincy Jones n’était pas seulement une icône de la musique, mais aussi un ambassadeur de la culture et un modèle de bienveillance.