Le monde traverse une période de profondes mutations géopolitiques et économiques. La montée en puissance de la Chine, l’érosion progressive de l’influence américaine, ainsi que l’émergence d’un nouvel ordre multipolaire redéfinissent les rapports de force au niveau mondial. Dans ce contexte, le Liban, petit État fragilisé par une crise interne prolongée, doit trouver sa place et ses opportunités dans un paysage global en recomposition.
La montée en puissance de la Chine
La Chine consolide progressivement sa position comme puissance mondiale. L’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, son influence croissante au sein des institutions internationales et ses investissements massifs dans les infrastructures mondiales redéfinissent les relations entre les nations. Au Moyen-Orient, la Chine s’est imposée comme un acteur incontournable, établissant des partenariats économiques stratégiques avec des États du Golfe et intensifiant ses relations commerciales avec l’Iran. Cette dynamique pose des questions cruciales pour le Liban.
Pour un pays comme le Liban, qui souffre d’un isolement économique croissant, les investissements chinois pourraient représenter une opportunité pour moderniser ses infrastructures et attirer de nouveaux capitaux. Les projets d’infrastructure, tels que des routes, des ports ou des équipements énergétiques, pourraient aider à stimuler l’économie locale. Cependant, cette ouverture comporte des risques, notamment une dépendance accrue envers une puissance étrangère et une éventuelle érosion de sa souveraineté dans les décisions économiques stratégiques.
Par ailleurs, la position stratégique du Liban, au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Asie, pourrait le rendre attractif pour des projets reliant la région à ces nouvelles routes commerciales. Cependant, les conflits internes, la corruption et l’instabilité politique pourraient dissuader des acteurs économiques clés.
L’érosion de l’influence américaine
Depuis plusieurs décennies, les États-Unis jouent un rôle dominant au Moyen-Orient, à travers leur présence militaire et leurs alliances stratégiques. Cependant, leur influence semble s’éroder face à des défis internes et à la concurrence de nouvelles puissances comme la Chine et la Russie. Ce retrait progressif a des conséquences majeures pour des pays comme le Liban.
L’aide américaine au Liban, qu’elle soit militaire ou humanitaire, a été un pilier de la stabilité relative du pays. Toutefois, la réduction de cette assistance, combinée à une focalisation accrue des États-Unis sur leurs intérêts domestiques et la concurrence avec la Chine, pourrait laisser le Liban encore plus vulnérable aux pressions extérieures. Cette situation pourrait également renforcer la mainmise de l’Iran via le Hezbollah, accentuant les divisions internes du pays.
Le retrait américain ouvre aussi la voie à de nouvelles alliances émergentes. Des acteurs comme la Russie ou la Turquie tentent de combler le vide laissé par les États-Unis en établissant des relations plus profondes avec certains pays de la région. Pour le Liban, cela signifie une opportunité de diversifier ses partenariats, mais aussi un risque de devenir un terrain d’affrontement pour ces nouvelles puissances.
Multipolarité et nouveaux équilibres
La multipolarité émergente offre à des États comme le Liban la possibilité de diversifier leurs partenariats économiques et stratégiques. La Russie, par exemple, cherche à accroître son influence dans la région, notamment par le biais de coopérations militaires et énergétiques. De son côté, l’Union européenne, bien que divisée sur certains dossiers, reste un acteur économique majeur pour le Liban.
Cependant, cette multipolarité impose aussi des défis. Le Liban risque d’être pris dans un jeu d’influences croisées, où les différentes puissances tentent d’imposer leur agenda, souvent au détriment des priorités nationales libanaises. De plus, la fragmentation des alliances internationales complique la recherche de soutiens coordonnés pour résoudre la crise libanaise.
Transition énergétique et positionnement du Liban
La transition énergétique mondiale, marquée par le développement des énergies renouvelables et la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles, redessine l’économie énergétique mondiale. Les pays du Golfe investissent massivement dans les énergies propres pour diversifier leurs économies. Cependant, le Liban reste largement à la traîne dans ce domaine.
Malgré des ressources gazières offshore prometteuses, le Liban est incapacité par des luttes internes et un manque de volonté politique pour exploiter ces richesses. Dans un contexte de transition énergétique, cette inaction pourrait isoler économiquement le pays et le rendre encore plus dépendant des importations énergétiques, augmentant ainsi sa vulnérabilité économique.
Les projets énergétiques au Liban sont souvent marqués par une mauvaise gestion et des retards dans leur mise en œuvre. Le potentiel inexploitable des énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, est un exemple flagrant de ces dysfonctionnements. Pourtant, ces sources pourraient offrir une alternative viable à la dépendance actuelle du pays envers des combustibles importés.
Opportunités pour le Liban dans un monde en mutation
Malgré les défis, un monde en transition présente également des opportunités pour le Liban. Le positionnement stratégique du pays, au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Asie, pourrait être exploité pour attirer des investissements internationaux. Par ailleurs, la diaspora libanaise, présente dans le monde entier, constitue un atout pour créer des ponts économiques et culturels avec les grandes puissances émergentes.
Un monde multipolaire pourrait offrir au Liban des marges de manœuvre stratégiques. En jouant un rôle de médiateur ou de facilitateur dans des partenariats régionaux, le pays pourrait renforcer son importance géopolitique. Cependant, cela nécessite une vision politique claire et une volonté de réformes qui font actuellement défaut.
Si le Liban parvient à diversifier ses partenariats sans s’aliéner de nouvelles dépendances, il pourrait trouver des leviers pour atténuer sa vulnérabilité. Les mutations mondiales, bien qu’incertaines, offrent aussi des fenêtres d’action potentielles que le pays pourrait exploiter avec une stratégie avisée.
