Dans le paysage géopolitique contemporain, une réalité récurrente se dessine : les peuples ayant subi répression, colonisation ou discrimination tendent à s’identifier à la cause palestinienne. Cette dynamique, à la fois émotionnelle et politique, dépasse les simples frontières géographiques et culturelles pour devenir une solidarité universelle. L’Irlande, les minorités ethniques aux États-Unis et bien d’autres exemples illustrent cette tendance. Alors, pourquoi une telle identification ? Et que dit-elle du monde dans lequel nous vivons ?
L’Irlande : une histoire de lutte et de résistance
L’exemple de l’Irlande est emblématique. Pendant des siècles, les Irlandais ont enduré une colonisation britannique brutale, marquée par des expropriations, des famines organisées et une répression culturelle féroce. La lutte pour la souveraineté, incarnée par des figures comme Michael Collins, a forgé une identité nationale profondément ancrée dans la résistance.
Aujourd’hui, de nombreux Irlandais, particulièrement ceux de gauche ou liés à des mouvements nationalistes, voient dans la situation palestinienne un écho de leur propre histoire. Les murs séparant les territoires palestiniens rappellent aux Irlandais ceux de Belfast, érigés pour diviser communautés catholiques et protestantes. Des fresques murales à Derry ou à Dublin expriment clairement ce parallèle : le drapeau palestinien y côtoie celui de l’Irlande, et les slogans dénonçant l’oppression israélienne s’inscrivent dans la continuité d’une solidarité historique.
Les minorités aux États-Unis : de Ferguson à Gaza
De l’autre côté de l’Atlantique, une autre solidarité s’est construite. Les Afro-Américains, victimes de siècles d’esclavage et de ségrégation, s’identifient souvent aux Palestiniens. En 2014, lors des manifestations de Ferguson après la mort de Michael Brown, des militants palestiniens ont envoyé des messages de soutien et des conseils pour résister aux gaz lacrymogènes. Ce geste, qui pourrait sembler anecdotique, a eu un effet symbolique majeur : il a renforcé l’idée d’une lutte commune contre des formes d’oppression systémiques.
Ce parallèle n’est pas qu’un effet de perception. Les pratiques militarisées des forces de l’ordre américaines, notamment leur recours à des technologies et des méthodes développées par Israël dans les territoires occupés, alimentent cette identification. Des figures comme Angela Davis, militante emblématique des droits civiques, n’hésitent pas à relier les luttes contre le racisme aux États-Unis à la cause palestinienne, dénonçant ce qu’elle qualifie de « solidarité internationale de l’oppression » qu’il faut contrer par une « solidarité internationale des opprimés ».
L’Amérique latine : une terre de résonance
En Amérique latine, la cause palestinienne trouve également un écho particulier. Des pays comme le Chili, qui abrite l’une des plus grandes diasporas palestiniennes au monde, ont été des soutiens constants des droits des Palestiniens. Cette solidarité est également nourrie par l’histoire coloniale de la région, marquée par la domination espagnole et les luttes d’indépendance.
Des dirigeants comme l’ancien président bolivien Evo Morales ou le président vénézuélien Nicolás Maduro ont exprimé un soutien clair à la Palestine, dénonçant ce qu’ils considèrent comme une forme de colonialisme moderne. Pour eux, la lutte palestinienne s’inscrit dans une continuité historique : celle des peuples indigènes d’Amérique latine, qui ont été spoliés de leurs terres et marginalisés pendant des siècles.
L’Afrique : un continent de blessures ouvertes
En Afrique, le soutien à la Palestine est également fort, notamment dans les pays ayant souffert du colonialisme ou de l’apartheid. En Afrique du Sud, Nelson Mandela lui-même avait déclaré : « Nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. »
Ce lien est particulièrement visible dans les comparaisons entre l’apartheid sud-africain et la situation des territoires palestiniens. Des militants sud-africains, ayant combattu la ségrégation raciale, établissent des parallèles explicites entre les lois discriminatoires en vigueur en Israël et celles imposées par le régime de Pretoria. Cette identification repose sur une compréhension partagée des mécanismes d’oppression : occupation, discrimination légalisée et spoliation des terres.
Une solidarité qui dépasse les frontières
Au-delà de ces exemples précis, la solidarité envers la Palestine s’inscrit dans une dynamique plus vaste. Chaque peuple ayant connu des injustices systémiques reconnaît dans la lutte palestinienne des éléments familiers : des expulsions forcées, des murs, des checkpoints, et une résistance souvent criminalisée. Ce processus d’identification n’est pas toujours rationnel, mais il repose sur des récits historiques et des émotions partagées.
Cependant, cette solidarité n’est pas sans susciter des débats. Certains accusent ces mouvements de simplifier des réalités complexes ou d’adopter des postures idéologiques. Pourtant, ces critiques peinent à effacer la profondeur des liens qui se tissent entre les opprimés du monde entier.
L’universalité de la lutte palestinienne
L’identité de la Palestine comme symbole universel de résistance s’est construite au fil des décennies, non seulement par la réalité du conflit, mais aussi par la façon dont elle est perçue dans l’imaginaire collectif. Si la situation au Moyen-Orient reste spécifique, elle agit comme un miroir pour d’autres peuples. En retour, cette solidarité donne à la cause palestinienne une résonance planétaire, qui transcende les frontières culturelles et politiques.
En fin de compte, soutenir la Palestine, pour ces peuples, ce n’est pas seulement se positionner contre l’injustice israélienne. C’est également revendiquer leur propre histoire, leurs propres blessures, et réaffirmer un principe fondamental : la dignité humaine est universelle, et la liberté de l’un ne peut exister sans celle des autres.
