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Publié le 24 novembre 2013, quelques mois après son élection, Evangelii Gaudium marque la première grande orientation doctrinale du pontificat du pape François. Cette exhortation apostolique synthétise sa vision d’une Église missionnaire, décentrée, proche des pauvres et critique face aux dérives du capitalisme contemporain. Ce texte fondateur anticipe les principales réformes qui rythmeront son magistère jusqu’à sa mort.
Une Église “en sortie” : vers les périphéries
François y développe le concept central d’“Église en sortie”. Il s’agit d’un appel explicite à rompre avec l’autoréférentialité ecclésiale pour aller au-devant des “périphéries” : quartiers marginalisés, zones de conflit, populations exclues. Le pape y critique une Église installée dans la routine ou préoccupée de sa propre survie. Il plaide pour une action pastorale risquée, mais enracinée dans la rencontre directe avec les personnes. Il affirme préférer une “Église accidentée, blessée et sale pour être sortie dans la rue” à une Église “malade de la fermeture”.
Une réforme des structures ecclésiales
L’exhortation appelle à renouveler en profondeur les structures de l’Église. François y souligne l’inadéquation de nombreux organes paroissiaux et diocésains avec les réalités contemporaines. Il souhaite une décentralisation effective, notamment au profit des conférences épiscopales, trop souvent marginalisées par Rome. Il ouvre aussi la voie à une valorisation du rôle des laïcs, y compris des femmes, même si la question du sacerdoce féminin n’est pas abordée. Le ton est direct : “Une conversion du papauté est nécessaire”.
Un discours incisif sur l’économie
François ne se contente pas de réformer l’Église : il attaque aussi de front les mécanismes économiques mondiaux. Evangelii Gaudium contient certaines des critiques les plus sévères jamais formulées par un pape contre le libéralisme économique. Il y affirme que “cette économie tue”, dénonce la “culture du déchet” et rejette la théorie du ruissellement. Il accuse le système dominant d’exclure les plus faibles et appelle à une “économie sociale et inclusive” fondée sur la dignité humaine, la redistribution et la justice.
Priorité aux pauvres et aux exclus
L’option préférentielle pour les pauvres n’est pas un principe théorique dans le texte. Elle structure l’ensemble du raisonnement. François insiste pour que les pauvres ne soient pas simplement l’objet de l’attention pastorale, mais deviennent des acteurs à part entière de la vie ecclésiale. Il appelle à une écoute des peuples indigènes, des populations migrantes, des marginaux. L’Église doit, selon lui, apprendre d’eux une autre manière de lire l’Évangile. “Leur clameur est aussi la nôtre”, écrit-il.
La joie comme moteur pastoral
Le ton de l’exhortation est tout sauf plaintif ou institutionnel. Il est traversé par un appel constant à la joie. Une joie évangélique, fondée sur la rencontre avec le Christ et le service du prochain. Contre une religion triste ou figée dans la norme, François défend une foi dynamique, ancrée dans la réalité, et portée par une spiritualité simple. L’évangélisation, selon lui, ne peut être efficace que si elle est portée par cette “joie contagieuse”.
Une autorité assumée mais ouverte
L’exhortation marque aussi une évolution du style magistériel. François ne dicte pas de dogme. Il oriente, interpelle, interpelle même ses frères dans l’épiscopat. Mais il ne renonce pas à sa charge de gouvernement. Il assume d’emblée sa responsabilité d’unité, tout en confiant plus de latitude aux Églises locales. Le texte est donc à la fois un programme d’action, un diagnostic théologique et un outil de réforme. Il pose les fondations de tout ce qui suivra : synodalité, réforme de la Curie, écologie intégrale.
