Le 22 avril 2025, Al Sharq Al Awsat consacre un dossier détaillé à l’arrestation par les services de renseignement militaire libanais d’un groupe désigné comme la « cellule mère » responsable de tirs de roquettes vers Israël en mars dernier. Cette opération, menée dans la région de Nabatiyeh, au sud du Liban, aurait permis de démanteler une structure organisée, disposant d’un important stock d’armes et de plateformes de lancement.
D’après les informations publiées, l’arrestation a eu lieu à l’aube, lors d’une descente coordonnée impliquant l’armée libanaise, les services du renseignement et des équipes spécialisées dans la neutralisation d’engins explosifs. Les membres de la cellule, dont le nombre précis n’a pas été communiqué, sont d’origines libanaise et palestinienne. Certains résidaient dans les camps de réfugiés voisins tandis que d’autres étaient installés dans des zones rurales proches de la frontière.
Les sites d’interception des tirs avaient été repérés au début du mois de mars par les radars israéliens, mais leur origine exacte avait été sujette à débat. Les tirs visaient Kiryat Shmona et Metoula, dans le nord d’Israël. Le système Iron Dome avait intercepté la majorité des roquettes. À l’époque, aucun groupe n’avait revendiqué l’action. Al Sharq Al Awsat indique que les enquêteurs libanais ont découvert des rampes de lancement artisanales dissimulées dans des vergers et des zones agricoles peu surveillées, entre Kfar Tibnit et Arnoun.
La perquisition a permis la saisie de six roquettes de type 107 mm, trois plateformes de lancement, des détonateurs, ainsi qu’un lot de documents manuscrits et de cartes. Les plateformes, montées sur des structures rudimentaires mais efficaces, étaient dissimulées sous des bâches agricoles. L’assemblage laisse penser à une fabrication locale, avec un savoir-faire typique des milices de la région. Le matériel saisi a été transféré au centre de déminage de l’armée libanaise pour analyse.
Selon une source militaire anonyme citée par Al Sharq Al Awsat, les suspects ont avoué être liés à une structure plus vaste, possiblement articulée avec des éléments actifs en Syrie. L’un des membres aurait reconnu avoir été en contact avec un intermédiaire basé à Damas, responsable de la coordination logistique. Ce point reste sujet à vérification. L’armée libanaise n’a pas souhaité commenter publiquement l’identité des suspects ni les résultats de leurs interrogatoires, mais indique que « les investigations se poursuivent sous l’autorité du parquet militaire ».
La nouvelle a provoqué une onde de choc dans le milieu politique libanais. Le président de la Chambre, Nabih Berri, cité dans le même article, déclare que cette affaire montre à quel point « certains cherchent à instrumentaliser le territoire libanais pour déclencher une guerre élargie ». Il appelle à « une réponse ferme contre toutes les formes de provocation armée opérant en dehors de l’État ».
La question centrale demeure : cette cellule agissait-elle de manière autonome ou pour le compte d’un groupe structuré comme le Hezbollah, ou encore d’organisations palestiniennes présentes au Liban ? Al Sharq Al Awsat affirme que, selon les enquêteurs, aucune preuve directe ne relie les suspects au Hezbollah. Toutefois, la proximité géographique des caches avec des zones traditionnellement sous influence chiite soulève des interrogations.
Le Hezbollah, de son côté, n’a pas réagi officiellement. Mais des sources proches du parti, interrogées sous couvert d’anonymat, soulignent qu’il n’a aucun intérêt à ouvrir un front au sud à ce stade, dans un contexte de guerre intense à Gaza. Le mouvement opère actuellement une stratégie de retenue calculée, afin de ne pas fournir à Israël de justification pour élargir le théâtre d’opérations.
L’Autorité palestinienne, par la voix d’un diplomate en poste à Beyrouth, s’est déclarée préoccupée par « toute action militaire non coordonnée pouvant porter atteinte à la cause palestinienne ». Cette déclaration, rapportée par Al Sharq Al Awsat, marque une volonté d’apaisement dans un contexte de haute tension.
Sur le plan sécuritaire, l’armée libanaise a depuis renforcé ses dispositifs dans le sud, en collaboration avec la FINUL. Des patrouilles mixtes ont été observées à proximité des villages de Qaaqaia, Deir Qanoun, et Marjayoun. Les autorités locales, notamment les municipalités de la région de Nabatiyeh, ont été appelées à coopérer avec les forces de sécurité et à signaler toute activité suspecte.
Al Sharq Al Awsat mentionne également que des drones israéliens ont été repérés au-dessus de plusieurs localités au sud du Litani durant les jours suivant l’arrestation. Bien qu’aucune frappe n’ait été rapportée, la population locale vit dans un climat d’inquiétude. Les écoles publiques de plusieurs villages ont suspendu leurs cours, et les marchés hebdomadaires ont été annulés.
L’analyse du mode opératoire de la cellule révèle une connaissance du terrain et des habitudes d’évitement sophistiquées. Les membres ne communiquaient pas par téléphone portable mais via des notes manuscrites, échangées lors de rendez-vous prédéfinis. Les véhicules utilisés étaient immatriculés sous des identités falsifiées. Certains documents saisis indiqueraient la planification d’une nouvelle série de tirs à la fin du mois d’avril, probablement en coordination avec des événements à Gaza.
Des experts en sécurité interrogés dans Al Sharq Al Awsat soulignent que cette affaire est révélatrice d’un risque récurrent pour le Liban : celui de devenir une plateforme secondaire de confrontation israélo-palestinienne. Le pays, déjà fragilisé par sa crise économique et institutionnelle, ne dispose pas des moyens de surveillance électronique suffisants pour contrôler efficacement les zones rurales de son sud.
Le ministre de la Défense par intérim, contacté par le journal, déclare sous réserve d’anonymat : « Nous avons des lacunes structurelles en matière de renseignement humain. Il faut repenser entièrement la coordination entre les différentes branches de la sécurité. » Cette déclaration, inhabituelle par sa franchise, témoigne d’une prise de conscience au sein de l’appareil sécuritaire.
La société civile libanaise exprime également ses craintes. Plusieurs ONG basées à Tyr et à Saïda appellent à la vigilance et dénoncent les risques de représailles israéliennes. Une manifestation symbolique a eu lieu le 23 avril à Nabatiyeh, avec des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « Notre terre n’est pas un champ de tir » et « Non à la guerre par procuration ».
Enfin, la presse israélienne, selon Al Sharq Al Awsat, suit l’affaire de près. Des analystes militaires affirment que l’armée israélienne n’écarte pas la possibilité de frappes préventives sur des sites présumés de stockage d’armement au Liban, en cas de nouvelle tentative de tir. L’état-major israélien considère la région de Nabatiyeh comme une zone de surveillance prioritaire.