Le rapport publié par la BLOM Bank sur l’indice des directeurs d’achat (PMI) pour le mois d’octobre 2024 révèle une dégradation marquée des conditions économiques dans le secteur privé libanais. En chutant à 45, l’indice atteint son plus bas niveau depuis février 2021, bien en dessous du seuil de 50 qui sépare l’expansion de la contraction. Ce recul, principalement dû à l’escalade du conflit avec Israël et à la pression inflationniste exacerbée, témoigne d’une économie déjà fragile et d’un secteur privé en difficulté face à de multiples défis. Ce déclin affecte non seulement les entreprises mais aussi la population libanaise qui subit directement les conséquences économiques et sociales de cette instabilité.
Un climat de demande en chute libre : les nouvelles commandes s’effondrent
L’indice des nouvelles commandes a plongé de 44,5 en septembre à 40,7 en octobre 2024, signalant une forte réduction de la demande pour les biens et services libanais. Cette baisse est attribuée à la fois à la faible demande interne et au recul des commandes d’exportation, dans un contexte où la crise sécuritaire a miné la confiance des consommateurs et des partenaires internationaux. Les entreprises libanaises, qui dépendent en grande partie de la demande locale, font face à une baisse de pouvoir d’achat des consommateurs, déjà affaiblis par des années de crise économique et de dévaluation monétaire.
Les commandes d’exportation, quant à elles, ont atteint leur plus bas niveau depuis mai 2020, avec un indice tombant à 31,2. La baisse de la demande étrangère est alimentée par la perception d’un environnement à haut risque au Liban, qui dissuade les clients internationaux. Pour les entreprises libanaises qui comptent sur les marchés extérieurs pour compenser la faiblesse de la demande locale, cette situation accentue encore leur vulnérabilité et réduit leur capacité de survie dans un contexte instable.
Un impact direct sur la production : la chute de l’indice de production
L’indice de production a également connu une baisse rapide, passant de 44,5 en septembre à 41,5 en octobre 2024, marquant le plus fort déclin mensuel observé depuis février 2021. La baisse de la production traduit non seulement une demande insuffisante, mais aussi des difficultés croissantes d’approvisionnement et une logistique perturbée par le conflit. Les entreprises libanaises peinent à maintenir des niveaux de production stables, affectées par l’incertitude sécuritaire, l’augmentation des coûts de production liée à l’inflation, et la difficulté d’accès aux matières premières.
L’impact sur l’emploi : baisse des effectifs et gel des embauches
Face à cette baisse d’activité, l’indice de l’emploi a également enregistré une légère baisse, de 49,9 en septembre à 49,6 en octobre. Bien que la majorité des entreprises aient conservé leurs effectifs, la baisse continue de la demande et les conditions économiques incertaines poussent certaines d’entre elles à réduire leur personnel ou à geler les nouvelles embauches. Cette situation est particulièrement préoccupante pour un pays qui connaît déjà un chômage élevé et une émigration importante, avec de nombreux jeunes talents cherchant des opportunités à l’étranger.
Le ralentissement des embauches et la diminution progressive des effectifs risquent d’avoir des répercussions sociales profondes, car les ménages perdent des sources de revenus stables. La diminution des opportunités d’emploi crée également un effet domino, où la baisse de consommation domestique réduit encore davantage la demande locale, exacerbant ainsi la contraction économique.
Problèmes de chaîne d’approvisionnement et de gestion des stocks
L’indice des délais de livraison des fournisseurs a chuté à 48,5 en octobre, marquant une deuxième baisse consécutive sous le seuil de 50 depuis mai 2024. Les retards dans la chaîne d’approvisionnement sont dus à des problèmes logistiques accentués par l’escalade du conflit et par les contrôles de sécurité dans le pays, ralentissant ainsi l’acheminement des produits et des matières premières. Ce climat incertain a également un impact sur les stocks, avec un indice des stocks d’achats à 47,4 en octobre. Les entreprises préfèrent limiter leurs stocks en raison de l’incertitude sur les délais d’approvisionnement et de la demande, ce qui compromet davantage leur capacité de répondre efficacement aux besoins des clients.
Inflation et pressions sur les coûts : une menace pour la viabilité des entreprises
L’inflation, alimentée par les pressions des fournisseurs, joue un rôle clé dans la dégradation des conditions d’affaires. Avec une monnaie libanaise dépréciée et des coûts d’importation élevés, les fournisseurs sont contraints de répercuter les hausses de coûts sur les entreprises. Cela accroît les coûts de production et pousse les entreprises à augmenter leurs prix, ce qui rend les biens et services moins accessibles pour une population déjà en difficulté. L’inflation ne fait qu’aggraver l’incapacité des entreprises à attirer la clientèle locale et étrangère, mettant en péril la viabilité de nombreuses entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises.
Conséquences pour l’économie libanaise
Le PMI de BLOM Bank, qui reste obstinément sous la barre des 50, met en évidence une contraction continue de l’économie libanaise, avec des implications profondes pour l’ensemble du tissu économique et social du pays. La faiblesse de la demande, les tensions géopolitiques, et les pressions inflationnistes conjuguées freinent toute possibilité de relance économique, créant un cercle vicieux qui pourrait renforcer l’instabilité à long terme.
L’incertitude économique persistante décourage l’investissement, pousse les entreprises à se concentrer sur la survie plutôt que sur la croissance, et contribue à l’érosion de la base industrielle et commerciale du Liban. À mesure que le secteur privé s’affaiblit, la dépendance à l’aide internationale devient plus cruciale, bien que cela ne constitue pas une solution durable pour une reprise économique solide.
