Le Liban s’apprête à organiser ses premières élections municipales depuis neuf ans, dans un contexte de crise économique, politique et sociale sans précédent. Ce scrutin local, prévu en mai 2025, dépasse largement le cadre administratif : il constitue un test crucial pour la démocratie libanaise, la gouvernance locale et la capacité du pays à restaurer la confiance de la communauté internationale.
Un contexte de crise multidimensionnelle
Depuis 2019, le Liban est confronté à une série de crises : effondrement économique, dévaluation de la monnaie, explosion du port de Beyrouth en 2020, et paralysie politique avec une vacance présidentielle prolongée. Ces événements ont érodé la confiance des citoyens dans leurs institutions et ont exacerbé les tensions sociales.
La communauté internationale, notamment l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), conditionne son aide à la mise en œuvre de réformes structurelles, à la transparence et à la tenue d’élections démocratiques. La tenue des élections municipales est donc perçue comme un pas essentiel vers la restauration de la confiance et la relance de l’aide internationale.
Les audits des comptes publics : une exigence internationale
L’un des points clés des réformes exigées par les bailleurs de fonds est la réalisation d’audits des comptes publics, notamment de la Banque du Liban (BDL). Ces audits sont essentiels pour évaluer l’ampleur de la corruption et de la mauvaise gestion financière qui ont contribué à la crise actuelle.
En 2020, le cabinet Alvarez & Marsal avait été mandaté pour réaliser un audit juricomptable de la BDL, mais a dû se retirer en raison du refus de la banque centrale de fournir les documents nécessaires, invoquant le secret bancaire. Face à la pression de la rue et de la communauté internationale, le Parlement a adopté une loi levant temporairement le secret bancaire pour permettre ces audits. Cependant, la mise en œuvre effective de ces audits reste incertaine, et aucun nouveau cabinet n’a encore été désigné pour les mener à bien.
Partis traditionnels vs société civile : une recomposition politique en cours
Les élections municipales de 2025 pourraient marquer un tournant dans le paysage politique libanais. L’absence du Courant du Futur de Saad Hariri, qui a annoncé ne pas participer au scrutin, ouvre la voie à une compétition plus ouverte, notamment à Beyrouth. Cette situation pourrait bénéficier aux mouvements de la société civile, tels que « Beyrouth Madinati », qui ont déjà annoncé leur participation aux élections. Ces mouvements, portés par des citoyens engagés, aspirent à renouveler la classe politique et à instaurer une gouvernance plus transparente et efficace.
Cependant, les partis traditionnels, bien que fragilisés, conservent des réseaux clientélistes solides et une influence significative, notamment dans les régions rurales. La capacité de la société civile à s’imposer face à ces structures établies reste donc à démontrer.
L’aide internationale conditionnée à des réformes concrètes
La communauté internationale a clairement indiqué que toute aide financière substantielle au Liban serait conditionnée à la mise en œuvre de réformes structurelles, y compris la tenue d’élections libres et transparentes. L’Union européenne, par exemple, a annoncé une aide d’un milliard d’euros, dont 500 millions sont conditionnés à la restructuration du secteur bancaire et à la conclusion d’un accord avec le FMI. De même, le FMI exige des audits complets des institutions financières et une transparence accrue dans la gestion des finances publiques.
Les élections municipales de 2025 au Liban représentent bien plus qu’un simple exercice démocratique local. Elles constituent un test décisif pour la stabilité politique, la gouvernance locale, la mobilisation de l’aide internationale et la reconstruction du pays. Leur réussite ou leur échec aura des répercussions majeures sur l’avenir du Liban, tant sur le plan national qu’international.
