Une révélation explosive venue d’un groupe Signal
Le 25 mars 2025, une fuite d’une ampleur rare a ébranlé Washington, exposant une faille de sécurité majeure au sein de l’administration de Donald Trump, réélu en novembre 2024. Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef de The Atlantic, a révélé dans un article publié le lundi précédent avoir été accidentellement inclus dans un groupe de discussion sur l’application Signal, où des hauts responsables américains échangeaient des détails sensibles sur des frappes imminentes contre les rebelles Houthis au Yémen. Ce groupe, nommé « Houthi PC small group », incluait des figures comme le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, le vice-président JD Vance, et le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz. La Maison Blanche, via le porte-parole du Conseil national de sécurité (NSC) Brian Hughes, a confirmé l’authenticité des messages, déclenchant une tempête politique.
L’incident a débuté le 11 mars, lorsque Goldberg a reçu une demande de connexion sur Signal de la part d’un utilisateur identifié comme « Michael Waltz ». Sceptique, il a accepté sans certitude qu’il s’agissait du véritable conseiller de Trump. Le 13 mars, il a été ajouté au groupe, où 18 participants, dont des comptes portant les noms de Vance, Hegseth, et d’autres officiels de premier plan, discutaient des préparatifs d’une opération militaire annoncée par Trump le 15 mars. Les messages, riches en détails opérationnels et en débats stratégiques, ont offert une vue inédite sur les coulisses de la prise de décision – et sur l’imprudence de l’équipe Trump.
Le contenu des messages : un débat stratégique dévoilé
Les échanges dans le groupe Signal, qui ont duré plusieurs jours, ont révélé à la fois les plans précis des frappes et les divergences au sein de l’administration. Le 13 mars, un message initial attribué à Mike Waltz lançait la discussion : « Équipe – mise en place d’un groupe restreint pour coordonner sur les Houthis, particulièrement pour les 72 prochaines heures. Mon adjoint Alex Wong constitue une équipe technique au niveau des chefs d’état-major des agences suite à la réunion de ce matin en salle de crise pour les actions à suivre. » Ce texte, pragmatique, visait à structurer les préparatifs, désignant des représentants comme Andy Baker pour Vance et Dan Caldwell pour le Pentagone.
Le 14 mars, les échanges ont pris une tournure plus stratégique. À 8h15 (heure de l’Est), JD Vance a exprimé des réserves marquées : « Je pense qu’on fait une erreur. Seulement 3 % du commerce américain passe par Suez, contre 40 % pour les Européens. Je ne suis pas sûr que le président réalise à quel point cela contredit son message sur l’Europe en ce moment. Il y a aussi un risque modéré à sévère d’une hausse des prix du pétrole. Je suis prêt à suivre le consensus de l’équipe et à garder mes inquiétudes pour moi, mais il y a un argument solide pour reporter cela d’un mois, travailler le message sur son importance, et voir où en est l’économie. » Ce message, long et réfléchi, trahissait une frustration face à une intervention perçue comme un service rendu à l’Europe, un thème récurrent dans la rhétorique de Trump.
Quelques minutes plus tard, Mike Waltz a répondu avec une analyse des capacités militaires : « Que ce soit maintenant ou dans quelques semaines, ce sera aux États-Unis de rouvrir ces voies maritimes. Les marines européennes n’ont ni les moyens ni la volonté. Sur demande du président, nous collaborons avec le DoD [Département de la Défense] et le Département d’État pour calculer les coûts et les facturer aux Européens. » Ce texte soulignait une volonté de faire payer les alliés, tout en affirmant la suprématie américaine, un point repris par Hegseth : « VP : je comprends tes inquiétudes et je te soutiens pleinement pour en parler au président. Mais Mike a raison, nous sommes les seuls capables de le faire. J’ai la même aversion que toi pour le parasitisme européen – c’est PATHÉTIQUE. Cela dit, si on attend, on risque une fuite ou une frappe israélienne qui nous volerait l’initiative. »
À 8h45, Vance a conclu ce débat : «
@PeteHegseth, si tu penses qu’on doit le faire, allons-y. Je déteste juste renflouer l’Europe encore une fois. Assurons-nous que notre message soit clair. » Ce compromis montrait une tension entre ses réticences personnelles et sa loyauté envers l’équipe, un équilibre délicat pour le vice-président.
Les détails opérationnels : un plan exposé
Le point culminant est survenu le 15 mars à 11h44 (heure de l’Est), lorsque Pete Hegseth a envoyé un « TEAM UPDATE » détaillant le plan d’attaque. Goldberg, dans son article, a choisi de ne pas citer intégralement ce message pour des raisons de sécurité nationale, mais il a décrit son contenu : « Hegseth a partagé des détails opérationnels sur les frappes imminentes au Yémen, incluant les cibles spécifiques, les types d’armes déployées par les États-Unis, et la séquence des attaques. Il a écrit que les premières détonations seraient ressenties à 13h45, heure de l’Est. » Ce niveau de précision – noms de sites au Yémen, armements comme des missiles Tomahawk ou des bombes guidées, et chronologie – aurait pu, s’il avait été intercepté par un adversaire, compromettre l’opération et mettre en danger les forces américaines au Moyen-Orient.
Hegseth a ajouté une note sur la sécurité opérationnelle (OPSEC) : « Nous sommes actuellement clean sur l’OPSEC. Prêts à exécuter. Si j’avais le vote décisif, je dirais go. Ce n’est pas juste les Houthis, c’est 1) restaurer la liberté de navigation, un intérêt national clé, et 2) rétablir la dissuasion que Biden a laissée s’effondrer. Mais on peut faire une pause si besoin. » Ce message révélait une confiance dans la discrétion du groupe – ironique, vu la présence de Goldberg – et un mépris pour l’héritage de l’administration précédente.
Après ce texte, Vance a répondu sobrement : « Je prierai pour la victoire », suivi de deux émojis de prière d’autres participants. Cette touche personnelle contrastait avec la gravité des informations partagées, ajoutant une note presque surréaliste à l’échange.
La confirmation en temps réel et les réactions post-frappes
Goldberg, sceptique jusqu’au bout, a attendu dans sa voiture sur un parking de supermarché pour vérifier la réalité des plans. À 13h55, il a consulté X et constaté des rapports d’explosions à Sanaa, la capitale yéménite, alignés avec l’horaire annoncé par Hegseth. À 13h48, Waltz a écrit : « Travail incroyable, équipe », accompagné de trois émojis – un poing, un drapeau américain, et une flamme. Peu après, un compte attribué à John Ratcliffe, directeur de la CIA, a ajouté : « Un bon début », tandis qu’un autre participant félicitait « Pete et son équipe ». Ces messages post-frappes, empreints de satisfaction, montraient une équipe soudée célébrant le succès, ignorant encore la présence d’un intrus.
Goldberg, convaincu de l’authenticité du groupe, s’est retiré de la conversation, déclenchant une notification automatique pour Waltz. Aucun suivi n’a eu lieu, renforçant l’idée d’une négligence persistante.
Contexte : les Houthis et la réponse américaine
Les Houthis, soutenus par l’Iran et partie de l’« axe de résistance » anti-Israël et anti-américain, contrôlent une grande partie du Yémen depuis plus d’une décennie. Depuis octobre 2023, ils ont intensifié leurs attaques par drones et missiles sur les navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, en solidarité avec les Palestiniens durant la guerre à Gaza. Ces actions ont paralysé une route représentant 12 % du trafic maritime mondial, affectant particulièrement l’Europe. Sous Biden, les États-Unis avaient déjà lancé des frappes contre les Houthis, parfois avec le Royaume-Uni. Trump, en 2025, a amplifié cette campagne, promettant une « force létale écrasante » pour rétablir la navigation.
Réactions politiques : indignation et déni
La révélation a provoqué une tempête bipartisan. Chuck Schumer, leader démocrate au Sénat, a dénoncé « l’une des violations les plus stupéfiantes du renseignement militaire » qu’il ait vues, exigeant une enquête approfondie. Elizabeth Warren a suggéré que l’usage de Signal pour des informations classifiées pourrait enfreindre l’Espionage Act. Hillary Clinton, ancienne cible de Trump pour son serveur privé, a ironisé sur X : « Vous plaisantez, j’imagine ? » John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale, a critiqué sur CNN : « Ces sujets ne devraient être abordés qu’en personne. »
Les républicains ont cherché à minimiser l’incident. Mike Johnson, président de la Chambre, a qualifié cela d’« erreur » sans conséquence, tandis que Hegseth, interrogé tard lundi à Hawaï, a attaqué Goldberg : « Personne n’envoyait des plans de guerre. Ce type est un journaliste discrédité qui colporte des déchets. » Confronté aux preuves, il a éludé, vantant le succès des frappes. Le NSC a défendu l’équipe, Hughes affirmant que « le fil montre une coordination réfléchie » et que l’opération réussie prouvait l’absence de risque.
Implications : une administration sous pression
Cette fuite expose plusieurs failles : l’utilisation d’une application commerciale non sécurisée pour des données classifiées, l’ajout accidentel d’un journaliste, et des dissensions internes rendues publiques. Si Goldberg avait publié les détails avant les frappes, les Houthis auraient pu ajuster leurs défenses, avec des conséquences potentiellement graves pour les forces américaines. L’incident met aussi en lumière l’inexpérience de figures comme Hegseth, ancien animateur de Fox News, dans la gestion de crises complexes.
Alors que les frappes contre les Houthis se poursuivent, la Maison Blanche fait face à une crise de crédibilité. Une enquête du NSC est en cours, mais la confiance en l’équipe de sécurité nationale de Trump, vantée par le président, est sérieusement ébranlée.