Le retour inattendu de Saad Hariri : un bouleversement politique
Après une longue absence, Saad Hariri est rentré à Beyrouth à bord d’un jet privé, suscitant une onde de choc sur la scène politique libanaise. L’ancien Premier ministre, qui s’était volontairement retiré de la vie politique en 2022, revient à un moment crucial pour le bloc sunnite, marqué par une fragmentation interne et un affaiblissement institutionnel.
Selon Al Quds (12 février 2025), Hariri a immédiatement entamé une série de consultations avec des figures politiques majeures, dont l’actuel Premier ministre Nawaf Salam et des membres influents du bloc sunnite parlementaire. Son objectif ? Évaluer les opportunités d’un retour en politique et éventuellement reprendre le leadership de la communauté sunnite au Liban.
Toutefois, son retour ne fait pas l’unanimité. Le bloc sunnite, affaibli et divisé, est aujourd’hui éclaté entre différentes figures politiques, dont certaines rejettent catégoriquement un retour de Hariri aux commandes.
Des réactions contrastées : entre soutien et opposition
Le retour de Saad Hariri a immédiatement suscité des réactions divergentes au sein du bloc sunnite et au-delà. Pour certains, son retour est perçu comme un espoir de réorganisation et de consolidation de la communauté sunnite, affaiblie depuis son retrait en 2022. Selon Nida’ Al Watan (12 février 2025), plusieurs figures politiques, notamment l’ancien ministre Ahmad Fatfat et le député Fouad Makhzoumi, ont exprimé un accueil prudent mais favorable, estimant que Hariri reste une figure légitime pour représenter les sunnites sur la scène nationale.
D’autres, en revanche, voient en son retour une tentative désespérée de reprendre le contrôle d’un courant qui l’a dépassé. Al Bina’ (12 février 2025) rapporte que des députés du bloc sunnite indépendant, notamment Bilal Abdallah et Ashraf Rifi, s’opposent à un retour de Hariri, qu’ils accusent d’avoir abandonné la communauté sunnite à un moment critique. Rifi, qui a consolidé une base de soutien à Tripoli, a même déclaré :
« Nous n’avons pas besoin d’un leader qui revient seulement lorsqu’il sent que le terrain politique lui échappe. »
Ces tensions internes fragilisent encore davantage la position du bloc sunnite, déjà affaibli face aux autres forces politiques du pays.
L’impact du retour de Hariri sur l’équilibre politique national
Le retour de Saad Hariri ne concerne pas seulement le bloc sunnite, mais redessine également l’équilibre politique libanais. Son absence avait permis à d’autres forces politiques d’occuper le vide laissé dans la représentation sunnite, notamment Nawaf Salam, les indépendants et même certaines figures proches du Hezbollah.
Selon Al Joumhouriyat (12 février 2025), le Premier ministre Nawaf Salam voit ce retour avec prudence, sachant que Hariri pourrait chercher à reconstituer son influence sur l’exécutif. Salam, qui bénéficie d’un soutien international, notamment français et saoudien, tente d’éviter une confrontation directe avec Hariri, préférant une approche pragmatique pour préserver son propre équilibre politique.
Du côté du Courant du Futur, ancien parti de Hariri, le retour de son chef complique encore davantage la situation. Certains cadres historiques, restés fidèles à son héritage politique, espèrent une relance du mouvement, tandis que d’autres ont déjà tourné la page et intégré d’autres formations.
Les alliés traditionnels de Hariri, comme Walid Joumblatt, se montrent plus mesurés. Selon Nahar (12 février 2025), le leader druze a accueilli favorablement son retour, tout en réaffirmant son attachement à une dynamique politique nouvelle, plus inclusive. Joumblatt sait que le Hariri de 2025 n’a plus le même poids politique qu’avant son retrait et que sa capacité à rassembler est incertaine.
Le Hezbollah et les forces chiites face au retour de Hariri
Le retour de Saad Hariri pose également la question de sa relation avec le Hezbollah et ses alliés, notamment le mouvement Amal de Nabih Berri. Lors de son dernier mandat, Hariri avait tenté de maintenir un équilibre fragileavec le Hezbollah, tout en subissant des pressions de la communauté internationale pour s’éloigner de l’influence du parti chiite.
Selon Al Akhbar (12 février 2025), la direction du Hezbollah n’a pas officiellement réagi au retour de Hariri, mais des sources internes au parti estiment que son retour n’est pas une menace immédiate. Certains membres du Hezbollah voient même une opportunité, considérant Hariri comme un interlocuteur pragmatique, comparé à des figures sunnites plus radicales comme Ashraf Rifi, qui plaident pour un affrontement direct avec le parti chiite.
En revanche, le mouvement Amal de Nabih Berri, traditionnellement plus modéré, semble plus favorable à une réintégration de Hariri dans le jeu politique. Selon Al Liwa’ (12 février 2025), Berri aurait déjà pris contact avec Hariri pour discuter de la recomposition du paysage politique et voir dans quelle mesure une collaboration future pourrait être envisagée.
Quelles perspectives pour Hariri et le bloc sunnite ?
Le retour de Saad Hariri soulève une question centrale : peut-il réellement redevenir le leader incontesté du bloc sunnite ou son temps est-il révolu ? Si certaines figures politiques lui restent loyales, la fragmentation actuelle de la communauté sunnite complique son éventuelle reconsolidation.
Selon Nida’ Al Watan (12 février 2025), Hariri pourrait opter pour trois scénarios :
- Une reconquête progressive du leadership sunnite
- Cette option nécessiterait une réorganisation du Courant du Futur, avec un retour progressif de ses anciens alliés et une mobilisation populaire.
- Il lui faudrait également rétablir des relations solides avec l’Arabie saoudite, qui a pris ses distances avec lui après son retrait.
- Un rôle de faiseur de rois sans chercher à reprendre le pouvoir
- Hariri pourrait choisir une stratégie d’influence, en soutenant un candidat sunnite capable de rassembler sans diviser.
- Cela lui permettrait de préserver son image sans s’exposer directement aux luttes politiques actuelles.
- Un retour avorté faute d’appuis suffisants
- Si Hariri ne parvient pas à rassembler les sunnites et convaincre ses anciens alliés, son retour pourrait être un échec rapide.
- Il risquerait alors de se retrouver marginalisé, tandis que d’autres figures comme Nawaf Salam ou Ashraf Rifi prendraient définitivement le relais.
Selon Al Bina’ (12 février 2025), plusieurs éléments seront déterminants pour l’avenir de Hariri : sa capacité à rallier les financements saoudiens, son positionnement face au gouvernement actuel et sa gestion des tensions internes au sein du bloc sunnite.
L’impact international du retour de Hariri : un test pour les relations régionales
Le retour de Saad Hariri ne concerne pas seulement le Liban, mais aussi ses alliés régionaux et la scène internationale. Son retrait en 2022 avait coïncidé avec un désengagement progressif de l’Arabie saoudite de la politique libanaise, laissant place à une influence croissante du Hezbollah et de l’Iran.
Selon Al Sharq Al Awsat (12 février 2025), Riyad n’a pas officiellement réagi à son retour, mais plusieurs observateurs estiment que l’Arabie saoudite pourrait hésiter à lui accorder un soutien immédiat. Après son départ, les Saoudiens ont cherché à promouvoir d’autres figures sunnites, notamment Nawaf Salam, jugé plus neutre et plus apte à maintenir un équilibre politique.
En revanche, la France suit avec attention l’évolution de la situation. Paris a toujours vu en Hariri un interlocuteur fiable pour garantir une stabilité minimale au Liban. Selon Nahar Int’l (12 février 2025), l’Élysée aurait déjà pris contact avec Hariri, cherchant à évaluer son rôle potentiel dans les prochains mois.
De son côté, Washington, sous l’administration Trump, observe également ce retour avec prudence. Selon Al Akhbar (12 février 2025), des responsables américains considèrent toujours Hariri comme un acteur modéré, mais l’administration Trump préfère actuellement soutenir les efforts de stabilisation du gouvernement Nawaf Salam plutôt que de favoriser un retour précipité de Hariri au pouvoir.
Enfin, les Émirats arabes unis et d’autres pays du Golfe attendent de voir si Hariri peut réellement reconstruire son réseau politique avant d’envisager un quelconque soutien financier ou diplomatique.
Dans ce contexte, le retour de Hariri constitue un test pour les relations régionales du Liban. S’il parvient à rétablir sa crédibilité auprès des puissances sunnites, il pourrait jouer un rôle clé dans la recomposition du paysage politique. En revanche, s’il ne parvient pas à convaincre ses anciens alliés, il risque de devenir une figure politique secondaire dans une scène déjà fragmentée.