La justice est nécessairement lente, et ceux qui l’attendent légitimement la trouve toujours trop lente.

Elle peut, par elle-même, être effectivement trop lente à se manifester, voire se perdre quelquefois, pour des raisons précises et bien intéressées, dans des dédales sans fin.

Souvent, au Liban, elle se perd effectivement dans ces dédales sans fin. Elle sait s’y perdre et sait se faire perdre.

De nombreux manifestants reprochent au Président Aoun de s’engager à lutter soit disant contre la corruption alors qu’aucune sanction n’est encore intervenue. Ils lui disent toute leur défiance quand lui, au contraire, salue leur exigence et les appelle à son secours pour enfin secouer le cocotier et obliger toutes les parties, sous le poids de cette pression populaire, à se soumettre à la justice. Et de rappeler qu’il a déjà transmis quelques dix-huit dossiers aux mains de la justice, et que d’autres dossiers sont en cours de constitution. De demander enfin aux juges de faire leur travail résolument et sans crainte, et de les assurer de sa protection, et de demander aux citoyens de faire confiance à la justice et de lui donner le temps de pouvoir s’exercer.

Le Président Aoun est très certainement sincère dans sa volonté d’éradiquer la corruption, il est sincère lorsqu’il dit les blocages qu’il a subi pour parvenir à la réalisation de cette volonté et remercie le mouvement de mobilisation d’être venu à son secours dans ce combat.

Il se trompe pourtant s’il pense que les juges, forts de ces soutiens, mèneront dorénavant leur mission à bon port maintenant qu’ils sont sur les bons rails.

Le mouvement retombé, la vigilance relâchée, les lenteurs et les écueils, les lourdeurs et les blocages emprunteraient de nouveau les dédales et labyrinthes où viendront s’échouer les meilleures volontés, tant la corruption de toutes natures à travers les valises de dollars, et toutes sortes d’autres moyens, des monarchies du Golfe d’une part et le système de l'”aide” internationale d’autre part, a gangrené bien des strates de la société.

Oser l’honneur d’un acte sacrificiel

La corruption est trop ancrée, massive, si largement partagée au Liban. Son éradication nécessitera une exemplarité dans le cours de la justice, une coopération sacrificielle de leurs auteurs au nom du bien commun, acte qui agirait comme une abréaction qui libérerait dès lors une immense partie du tissu social libanais englué dans cette chappe corruptrice en une forme de ruissellement qui a fini par l’envahir, mais aussi et surtout une vigilance et un contrôle permanents de la part du mouvement de mobilisation à travers des associations indépendantes, non confessionnelles et inter-régionales sans lesquelles les vieilles pratiques finiraient par reprendre progressivement droit de cité.

Le peuple libanais ne demande pas vengeance, il réclame justice. Il en saura gré à ceux qui ont participé à cette corruption de coopérer, de rendre ce dont ils se sont appropriés indûment et de se soumettre à la justice, “devant Dieu et devant les hommes”, dit-on. Ils s’en trouveraient grandis. Ils en seraient d’autant plus grandis qu’ils renonceraient d’eux-mêmes à tout prochain mandat électif au profit de membres de leurs partis respectifs qui auront eu dès lors l’expérience du sacrifice consenti et l’occasion de mesurer l’importance primordiale de la probité. Ils ne cesseraient pas pour autant de continuer à servir leur pays. Ils se donneraient au contraire, lestés de leur fardeau, les moyens de mieux le servir.

Scandre Hachem

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