Porter son histoire !

426

« Tu sais, tous les vêtements me vont bien; et les histoires, c’est pareil. Il y a des gens qui savent porter les histoires, et moi je suis quelqu’un comme ça »
Jabbour Douaihy (Pluie de juin – Actes Sud p.77)


La découverte de cette phrase me fut offerte au cours de ma randonnée de lecteur curieux de Pluie de juin de Jabbour Douaihy. Je la répétais en moi plusieurs fois ne pouvant aller plus loin tant elle m’interpelait. C’était la semaine passée alors que parcourais cet ouvrage qui ne m’a pas laissé insensible jusqu’au dernier mot!

J’ai souligné au crayon les mots qui ne m’ont point laissés en paix depuis leur découverte et me suis mis à penser à l’histoire, celle de chacun de nous. Porter mon histoire ! Je n’y avais jamais pensé avec autant d’intimité personnelle, lorsque dans mes réflexions je m’isole du reste de l’humanité non pour ressasser ou regretter mais voir où je suis rendu dans mon histoire.

Quoi de plus naturel de porter de beaux habits, les habits de fête ou ceux de sortie, mais aussi les habits de chaque jour, ceux du week-end, etc. Dans tout ceci nos vêtements, je veux dire le style, la coupe, les couleurs, reflètent nos caractères et nos personnalités. Je suis un grand amateur de tenues décontractées, les jeans il m’en faut pas moins de 3 ou 4 de couleur bleue, mais en noir autant… mes chemises sont confortables et non trop serrées, souliers chapeaux et autres coquetteries masculines… C’est mon style, dailleurs ceux qui me connaissent me disent que c’est moi, que je porte mes vêtements, un ancien collègue me disait qu’il me reconnaitrait dans une foule sans problème.

Nous écrivons souvent notre histoire, souvent nous la relatons avec force de détails et d’éléments pour embarquer le lecteur avec nous dans cette promenade sur les sentiers que nous voulons bien lui montrer. Ce sentier caché, témoin de notre passage dans le bois qu’un jour nous avons trouvé, ce bois devenu depuis notre demeure.

Que de choses nous vivons, apprenons et partageons, parfois nous nous empressons de taire certains détails d’autres nous en relatons plus qu’il n’en soit nécessaire, et nous nous posons la question à savoir pourquoi écrire son histoire ?

Depuis les acquis de notre héritage de la vie, que ce soient les traditions ancestrales, familiales, sociales ou culturelles nous découvrons le sens de l’éternité. Ce fameux « pour toujours » de l’enfant alors qu’il entoure le cou de sa maman en lui disant son amour éternel, ou lors des grandes séparations ce serment de ne jamais oublier l’être cher pour toujours.

Cette soif d’éternité nous l’abreuvons de nos petits pas humains tout en jetant ce regard au ciel étoilé d’une merveilleuse nuit claire d’un mois d’août… Me reviennent les paroles d’une chanson que j’aime fredonner alors que mon existence entière est en harmonie avec l’univers : Regarde les étoiles et tu verras plus loin, tu sentiras la main de qui a peint la toile caresser ta jeunesse avec un rien de vent… Notre regard ne se satisfait plus des limites trop courtes d’une simple ligne d’horizon face à l’immensité de la mer. Nous voulons retrouver en nous un avant-goût de cette éternité qui nous manque tant !

Les peuples des nations qui vivent de leur histoire ou pour celles qu’ils sont en train d’écrire, devraient au lieu de se figer dans le temps de l’histoire de leurs ancêtres, savoir porter la leur, celle de leur temps qui continue la mémoire non plus de l’individu mais de tout un peuple.

Tant que nous ne cesserons pas de revenir sur le passé, celui des gloires et des grandeurs de temps mémoriaux, nous manquons l’occasion d’en assurer la pérennité en nous dénudant de la nôtre !

Porter l’histoire d’une autre personne est chose facile, surtout celle de ceux qui ne sont plus là, cependant porter la nôtre serait un acte d’honnêteté humain envers la mémoire de nos aïeux et par respect pour les générations de la relève.

J’ose penser qu’un peuple qui porte son histoire finalement est celui qui chemine vers son émancipation en préparant la continuité face à l’histoire du genre humain. Une histoire qui n’omet rien et n’oublie rien.

Autant que cette dernière cite le courage d’une nation qui aura su se réaliser par les faits et non par une simple nostalgie de son passé !

À la prochaine

Michel, 3 novembre, 2015

Michel J. Boustani
Michel J Boustani, spécialiste en gestion du savoir et des connaissances. Animateur de communautés et réseaux du savoir, blogueur et promoteur de la culture citoyenne. Michel a travaillé durant 25 ans dans le domaine de l'éducation traditionnelle, la formation professionnelle et le développement de programmes d'éducation virtuelle. Vit depuis 25 ans au Canada (Montréal) - Originaire du Liban (Chouf)

Un commentaire?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.