L’histoire regorge d’exemples d’hommes médiocres devenus dictateurs par peur de perdre leur pouvoir. Ils détournent la démocratie pour instaurer un régime totalitaire où l’État de droit devient une coquille vide. Aux États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, cette menace a pris forme de manière inquiétante. Le passage d’un État démocratique à un régime autoritaire n’est pas soudain : il est insidieux, se nourrit de la peur, de la manipulation de la vérité et de la destruction méthodique des droits fondamentaux, notamment l’Habeas Corpus, socle des libertés individuelles.
L’Habeas Corpus est l’un des piliers de la justice anglo-saxonne. Il protège les citoyens contre les arrestations arbitraires et les détentions illégales. Dans une démocratie, l’État de droit garantit que personne, pas même le président, n’est au-dessus des lois. Mais dans la logique totalitaire, ce principe est perçu comme un obstacle. Trump, en cultivant le culte de sa personnalité et en attisant les peurs collectives, a amorcé une dangereuse érosion des fondements démocratiques. Il a semé le doute sur l’intégrité du système judiciaire, désigné des ennemis intérieurs, vilipendé les médias, attaqué les juges indépendants. La logique est simple : il faut discréditer toute voix dissidente, rendre les institutions suspectes, polariser la société pour se présenter comme le seul sauveur possible.
La manipulation de l’Habeas Corpus passe par une banalisation de l’exception. Pour « protéger la nation », on justifie l’arrestation de manifestants, la répression brutale des opposants, la surveillance accrue des citoyens. La lutte contre le terrorisme ou les troubles civils devient un prétexte pour réduire les libertés. Sous couvert d’urgence nationale, on contourne les garde-fous constitutionnels. Trump a régulièrement flirté avec cette tentation : des appels à l’usage de la force contre les manifestations de Black Lives Matter aux menaces de ne pas reconnaître les résultats d’une élection défavorable, la frontière entre démocratie et autoritarisme s’est dangereusement estompée.
Le mécanisme totalitaire est toujours le même : d’abord, la peur légitime d’un danger est amplifiée, puis on concentre le pouvoir exécutif pour répondre à la crise. Enfin, l’opposition est muselée sous prétexte de préserver l’ordre public. La médiocrité totalitaire prospère sur l’angoisse populaire, sur le besoin de sécurité que l’on exacerbe jusqu’à légitimer l’arbitraire. Ceux qui contestent cette dérive deviennent des traîtres, des ennemis de la nation. Le discours politique se radicalise, s’éloigne du débat rationnel pour se transformer en croisade contre les « corrompus » et les « ennemis du peuple ».
Trump incarne cette dérive totalitaire par sa volonté obsessionnelle de conserver le pouvoir coûte que coûte. Le processus est glaçant dans sa banalité : il suffit de quelques dérives tolérées, d’un peuple divisé, d’une opposition affaiblie pour que la démocratie vacille. Ce n’est pas l’homme providentiel qui menace l’État de droit, mais sa peur irrationnelle de perdre sa prééminence. Lorsque la médiocrité politique épouse la peur de l’échec, elle devient dangereusement totalitaire. L’Habeas Corpus, ce droit essentiel, se dilue dans le discours sécuritaire, et avec lui disparaît l’esprit démocratique. La folie totalitaire ne connaît pas de limites, sauf une : la terreur de ceux qui gouvernent de se voir destitués. C’est cette crainte qui pousse les médiocres à se transformer en tyrans.