Le classement IMD Smart City 2025, publié par l’International Institute for Management Development en partenariat avec le Global Data Lab, positionne la ville de Beyrouth au 143e rang mondial sur 146 villes évaluées. Cette performance place la capitale libanaise à la 18e position sur 19 dans la région MENA, juste devant Sanaa. En comparaison, Dubaï et Abou Dhabi occupent respectivement les 4e et 5e places mondiales, confirmant la polarisation croissante entre les capitales du Golfe et le reste du monde arabe en termes de gouvernance urbaine et d’infrastructures intelligentes.
Le classement repose sur une analyse croisant données quantitatives et perceptions citoyennes. Cinq dimensions sont retenues : la santé et la sécurité, la mobilité, les activités, les opportunités économiques et la gouvernance. La méthodologie du Smart City Index intègre un étalonnage statistique par l’indice SHDI (Subnational Human Development Index), permettant une mise en perspective par rapport au niveau de développement local.
Tableau : Extrait du classement Smart City 2025 – Région MENA
MENA Rank | Ville | Rang mondial | SHDI |
---|---|---|---|
1 | Dubaï | 4 | 0,937 |
2 | Abou Dhabi | 5 | 0,937 |
3 | Riyad | 27 | 0,899 |
4 | Doha | 33 | 0,875 |
5 | Tunis | 142 | 0,777 |
6 | Beyrouth | 143 | 0,693 |
7 | Sanaa | 145 | 0,466 |
Le score faible de Beyrouth est le reflet de carences structurelles dans la gestion urbaine. Les résidents interrogés signalent en priorité la défaillance des transports publics, l’accès limité aux données administratives, la perception d’insécurité dans l’espace public et la faiblesse de l’offre de services en ligne. Plus de 70 % des répondants à Beyrouth estiment que la ville n’offre pas un accès équitable au logement et aux services sociaux.
Le système de gouvernance fragmenté du Grand Beyrouth, avec ses compétences éparpillées entre plusieurs municipalités, empêche une coordination efficace des politiques urbaines. L’absence de stratégie métropolitaine, de plan d’urbanisme actualisé et de données ouvertes freine le développement de projets intelligents. Le budget alloué à la numérisation urbaine représente moins de 0,2 % du budget national, soit environ 8 millions USD en 2024, contre 4,5 % à Riyad et 3,8 % à Dubaï.
Selon les données de l’Institut de Statistique du Liban, Beyrouth affiche un taux de pénétration Internet de 62 %, bien en deça de la moyenne régionale qui atteint 86 %. La ville compte moins de 30 services publics accessibles numériquement, et aucun portail unique pour les démarches administratives. Le réseau de transport public est constitué de lignes de minibus informelles sans horaires fixes ni système de billetterie moderne.
Le déficit d’investissements dans l’infrastructure urbaine intelligente est aggravé par l’incertitude politique et l’instabilité réglementaire. Les projets de modernisation sont souvent interrompus par des blocages institutionnels. Aucun dispositif d’évaluation publique de la qualité des services municipaux n’est en place, et la perception de la corruption administrative reste élevée : 64 % des résidents considèrent les processus d’autorisation comme opaques ou arbitraires.
Les données de l’IMD indiquent que la satisfaction globale des citoyens de Beyrouth, toutes dimensions confondues, est inférieure de 36 % à la moyenne des villes comparables. En matière de mobilité, seuls 11 % des usagers considèrent les trajets domicile-travail comme efficaces. En matière de sécurité, 58 % jugent les rues mal éclairées ou dangereuses après 20h.
L’IMD recommande aux villes faiblement classées de définir une stratégie d’intégration des données urbaines, d’encourager la participation citoyenne dans la gouvernance locale et de prioriser les services essentiels numériques. En dépit de la faiblesse des résultats, l’adhésion du Liban au classement IMD est perçue par les partenaires internationaux comme un signal d’engagement vers plus de transparence et de réforme.
Sources : International Institute for Management Development (IMD), Global Data Lab, Central Administration of Statistics, Banque mondiale