En dépit de l’adoption par le parlement d’une levée du secret bancaire pour une durée d’une année pour que soit mené l’audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban, le cabinet Alvarez & Marsal aurait posé certaines questions et conditions pour la reprise de la procédure qui avait été interrompue après que la BdL ait répondu à moins de 50% des questions nécessaires.

Le ministère des finances indique ainsi avoir répondu aux interrogations du cabinet sans toutefois donner plus de détail. Il s’agit également de signer un nouveau contrat.

Pour rappel, le cabinet d’Alvarez & Marsal a annonce son retrait de la procédure d’audit juricomptable, le 20 novembre 2020 après que la Banque du Liban ait refusé de répondre à 57% des questions posées, sous le prétexte du code du crédit et de la monnaie ou encore des législations liées au secret bancaire, plongeant le Liban dans l’incertitude. En effet, cet audit est désormais considéré comme essentiel pour l’obtention de l’aide de la communauté internationale. Le ministère des finances ou encore celui de la justice estimaient que le contrat ne violait pas les textes en vigueur.

Cette annonce intervienait alors que les négociations avec le Fonds Monétaire International sont toujours suspendues et que se déroule un audit juricomptable de la Banque du Liban.

Pour l’heure, en effet, le déblocage de l’aide internationale est conditionné au résultat des négociations entreprises avec le FMI qui exige que se soient mises en place des réformes nécessaires, les réformes économiques et monétaires notamment. En effet, de nombreuses sources ou encore personnalités impliquées dans le dossier multiplient les déclarations indiquant que la communauté internationale n’accordera “pas de chèque en blanc au Liban”, suite au non-respect par Beyrouth de ses promesses et de son engagement à effectuer les réformes nécessaires à la relance économique déjà lors des conférences Paris I, II et III dans les années 2000.

La crise du secteur bancaire, bien que maquillée par les opérations d’ingénieries financières menées par la Banque du Liban, avait débuté bien plus tôt, en dépit des profits colossaux annoncés par les banques libanaises jusqu’à l’année dernière. En réalité, la Banque du Liban a ainsi reversé près de 16 milliards de dollars entre 2016 et 2018, vidant ainsi une grande partie de ses réserve monétaires en faveur des établissements bancaires.

Sur le plan économique, la crise qui a débuté en 2018 s’est révélée au grand jour durant l’été 2019 avec une pénurie en devises étrangères pourtant nécessaires à l’achat de produits de première nécessité notamment. Cependant, un inversement des flux financiers avait été constaté dès janvier 2019. Cette crise s’est ensuite accentuée suite à l’imposition de manière unilatérale par les banques libanaises d’un contrôle des capitaux, bloquant ainsi l’accès aux comptes.

Après la démission de l’ancien premier ministre Saad Hariri, le 29 octobre 2019, un nouveau gouvernement présidé par son successeur Hassan Diab a été constitué le 17 janvier 2020. Dès mars, les autorités libanaises ont annoncé un état de défaut de paiement sur les eurobonds arrivant à maturité. Par ailleurs, le Liban a ouvert les négociations avec le FMI en vue d’obtenir une aide économique d’un montant espéré de 10 milliards de dollars.

Cependant, les négociations, aujourd’hui suspendues, ont rapidement achoppé sur la capacité des autorités libanaises à mener les réformes nécessaires pour le déblocage de l’aide internationale ainsi que sur le dossier du chiffrage des pertes du secteur financier. Les autorités libanaises estiment ainsi que ses pertes atteindraient 241 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 3600 LL/USD, soit 80 milliards de dollars environ, ce que refusent les banques locales via l’association des banques du Liban ou encore la Banque du Liban elle-même.

L’association des banques du Liban a ainsi activé ses relais présents au sein du parlement via la commission parlementaire des finances et du budget. Cette dernière, où sont présents certains actionnaires et représentants de banques locales, n’ont chiffré les pertes financières qu’à 81 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 1507 LL/USD.

Désormais, ce chiffrage des comptes de la Banque du Liban devrait être mené par les cabinets Alvarez & Marsal pour l’audit juricomptable et par KPMG et Oliver Wyman pour l’audit normal. Pressenti dans un premier temps pour mener l’audit juricomptable, le cabinet Kroll, spécialisé dans la matière a été écarté suite aux pressions du président de la chambre Nabih Berri, estimant l’entreprise liée à l’état hébreu.

Parallèlement, l’association des banques du Liban a présenté un plan de sauvetage rejeté par le FMI et les autorités libanaises, prévoyant la vente d’une partie de l’or du Liban et la session pour une durée déterminée de biens publics. Ce plan est également rejeté par les spécialistes qui estiment que la vente de biens publics ne pourrait se faire qu’en les bradant en raison des circonstances actuelles.

Certaines sources évoquent désormais des pertes pour le secteur financier qui dépassent les 100 milliards de dollars, estimant que le Liban nécessiterait désormais un plan de relance de 63 milliards de dollars mais que seulement 26 milliards au maximum sont disponibles. Selon ces mêmes sources, toutes les banques libanaises sont aujourd’hui insolvables.

La situation économique s’est, par ailleurs, encore dégradée avec la détérioration de la valeur de la livre libanaise et la mise en place de différents taux de change : taux de change officiel à 1507 LL/USD, taux de change dit du-marché pour les agents de change ou encore certaines entreprises fixées par la banque du Liban, aujourd’hui à 3900 LL/USD et taux de change au marché noir, qui a fluctué jusqu’à atteindre les 9000 LL/USD, au mois de juin.

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