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Baroque… Un masque qui me transportait vers Bernini et l’extase de Sainte Thérèse! Cuivre. Or. Une lune suspendue. Le rêve. Le sien. Sa bataille. Ses guerres. Sa résurrection. Son art. Ses prises de vues. Et un silence dans la salle. Assourdissant ! On se penche un peu pour découvrir un danseur à terre. Le respect du corps. Des palpitations. Et la musique qui arrive… Les coups de tambours.  Le souffle coupé d’une salle qui attendait! La surprise. La liberté de se créer et de se recréer sans cesse. L’artiste est créateur de beauté. Oscar Wilde a toujours raison! Mais le talent reste inné.  Il y a des choses qui ne s’apprennent pas!

Loin de tout. Des embouteillages aux poubelles qui jonchent les rues de Beyrouth. Loin des réseaux sociaux, du militantisme de la dernière heure, des cris, des m’as-tu vu, m’as-tu reconnu. Des hashtags et compagnie. Et surtout loin de cette  masse qui se shoote au Prozac pour continuer son train-train de vie. Quelques miroirs voilés exigeaient sortir leurs tripes.  Au détour des mots, il nous invitait à pénétrer son antre. Là où le spectacle ressemble à un journal intime. Bras ouverts. Généreux. Sans demi-teintes ni calembours. Vierge de tout mensonge. Lui, c’est Anwar Azzi.  Le reste n’est que le résultat d’une guerre, d’une révolte, et d’une résistance. Et sur les planches du théâtre Al Madina, il réconcilie Foucault et Beyrouth. Le pouvoir et l’art. La démesure et l’humilité. Soljenitsyne et  l’archipel du Goulag. Les guerres et toutes les paix avortées.

Parce que justement… Nous sommes les enfants de la guerre. Celle qui nous a obligé à quitter Beyrouth, ou à s’enterrer en attendant les cessez le feu. Nous avons vécu avec des livres, des histoires, Oui-Oui et Martine, Tintin et les nains bleus de Peyo. Nous avons appris à jouer aux échecs ou au Monopoly, à manger des tartines de Ramek, à écouter la radio en  plaçant le vieux transistor juste sur l’oreille. On a adulé Grendizer, et chanté « Bécassine, c’est ma cousine » pour éviter les cauchemars de la nuit. On a appris à se faire tout petit pour ne pas déranger les grands trop anxieux face aux lendemains obscurs. On n’avait pas d’iPhone7, pas de Facebook, et on s’en foutait de sortir le samedi soir en boite pour prendre un selfie avec les copains-copines. On a su s’y faire, et grandir avec un brin de fantaisie, et beaucoup d’humour souvent cynique.

Le temps a beau passer depuis la fin des conflits, on n’entend rarement un coup de feu, de temps un temps une bombe, mais les antagonismes restent et se camouflent d’hypocrisies. A défaut de changer, le pays théocrate qui nous héberge,  s’engouffre jour après jour dans le frivole. On éduque mal, ou pas assez. On privilégie l’image au contenu. On surfe sur le net pour s’instruire. On partage les images d’une bimbo, imparfait sosie de Pamela Anderson super maxi-vulgaire, qui se veut chanteuse ;  sans se rendre compte que nous sommes les instruments de son triomphe. Non ! Tu ne partageras pas !  Zeina Ziadeh s’indigne, et lance un appel national! Il ne nous manquait plus qu’Elie Marouni sorte une connerie. Et Bam ! Le viol par connerie. Le machisme par connerie. Que les femmes soient en jupes, ça choque les hommes. Qu’on croule sous les poubelles…. M’en fous. Il n’y a que la jupe et les paires de seins qui terrorisent.

On s’offusque pour un rien, et on oublie l’essentiel ! Ceux qui essayent de percer, de faire, d’imaginer. Ceux qui accomplissent au lieu de dire, qui se réveillent au milieu de la nuit pour rédiger un texte ou peindre une toile, ceux qui puisent dans le vrai pour produire. Ceux qui osent, qui se débattent, qui sortent de la norme. Ceux qui nous invitent à leur pièce de théâtre pour nous parler d’une souffrance, d’une relation toxique, des droits de l’être humain à la vie, du vagin de la femme, de tout ce que vous ne voulez pas entendre. Ceux la même qui s’en foutent d’être cités. Parce que l’œuvre perdure, l’humain n’est que mortel.

Entre temps, je garde sous ma peau l’opus d’une révolte qui éclore !  Anwar et  ses danseurs dans une cage. Nous sommes tous dans cette même cage !

Il est un peu guérilleros Anwar Azzi. Un brin poète. Mais surtout vrai ! Tellement, tellement vrai !

Hala Moubarak
Trentenaire aux cheveux rouges. Hier, un cri. Aujourd’hui, elle est «À cor et à cri ». Ambidextre. Architecte d’intérieur. Enseignante. Designer à ses heures perdues. Dévoreuse de livres d’histoire et de littérature. Mordue d’art. Râleuse au second degré. Vit une relation ambigüe avec Beyrouth. Se promène souvent avec l’énergie d’une étoile. Aime manger de la glace à la vanille. Grande rêveuse idéaliste. Atteinte d’une folie passagère. Fut le chat de Toulouse Lautrec dans une vie antérieure ! Si, si… je vous le jure !

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