Lors de la conférence d’aide au Liban qui s’est tenue ce 24 octobre, les autorités politiques et militaires libanaises ont abordé plusieurs points clés dont la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en 2006 après la guerre entre Israël et le Hezbollah, et qui constitue l’un des piliers de la stabilité relative au Liban, notamment dans la zone du Sud-Liban. Elle exige notamment un cessez-le-feu durable, le retrait des forces israéliennes du Liban, et le désarmement de toutes les milices, y compris le Hezbollah. Cependant, sa mise en œuvre complète reste un sujet de tension entre les différents acteurs de la région.
1. La résolution 1701 : Un cadre pour la paix, mais des difficultés d’application
La résolution 1701 a été conçue pour ramener une paix durable dans une région instable. Elle a d’abord permis la fin des hostilités entre Israël et le Hezbollah, tout en consolidant le rôle de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) dans le maintien de la paix. En plus de l’arrêt des combats, elle a fixé des objectifs clairs : la restauration de l’autorité de l’État libanais dans tout le Sud du Liban et le retrait des forces israéliennes. Pourtant, près de deux décennies après son adoption, la situation reste complexe.
Israël continue de considérer la présence du Hezbollah au Sud-Liban comme une menace directe à sa sécurité nationale. Le Hezbollah, qui justifie son arsenal militaire comme une protection contre Israël, refuse de se désarmer tant que le Liban ne dispose pas d’une armée capable de défendre efficacement ses frontières. Cette impasse a compliqué la mise en œuvre totale de la résolution 1701, et a mené à une situation où la paix n’est que relative, avec des risques d’escalades à tout moment.
2. Le Hezbollah : Entre milice et acteur politique
Le Hezbollah, bien qu’inscrit comme groupe terroriste par plusieurs pays, notamment les États-Unis, reste un acteur central au Liban. Il combine une double identité : celle de milice armée et celle de parti politique. Cela complique toute tentative de désarmement. D’un côté, il a une influence militaire au Sud-Liban, d’où il opère sous la justification de défendre le pays contre Israël. De l’autre, il participe activement à la politique libanaise, avec des députés et des ministres au sein du gouvernement.
Dans ce contexte, la résolution 1701 se heurte à une réalité politique complexe : désarmer le Hezbollah ne dépend pas seulement de la volonté libanaise ou des pressions israéliennes. Cela implique également des dynamiques régionales plus larges, notamment les relations entre l’Iran, soutien majeur du Hezbollah, et les puissances occidentales. Tant que cette situation ne change pas, le Hezbollah continuera de se présenter comme un acteur nécessaire à la protection du Liban, rendant difficile la pleine mise en œuvre de la résolution 1701.
3. La demande israélienne : Un désarmement complet du Hezbollah
Du côté israélien, les demandes sont claires : le désarmement total du Hezbollah, considéré comme un acteur déstabilisateur. Israël soutient que la présence d’une force militaire non étatique à ses frontières représente une menace constante, et la pression internationale en faveur du désarmement du Hezbollah est cruciale à ses yeux. Cependant, cette exigence entre en conflit direct avec la réalité politique du Liban.
Le Hezbollah, par son poids politique et son réseau social bien ancré dans la communauté chiite du Liban, représente plus qu’une simple force armée. Il s’agit également d’une institution fournissant des services de base à une partie de la population libanaise, notamment dans des zones où l’État libanais a historiquement été absent. Cela crée une situation où la pression israélienne pour un désarmement semble en décalage avec la réalité sur le terrain.
Israël exige également un renforcement significatif de la FINUL, arguant que celle-ci n’est pas assez efficace dans sa mission de maintenir la paix et de limiter l’influence du Hezbollah. Toutefois, le mandat de la FINUL reste limité, et ses actions sont soumises à des restrictions, notamment en ce qui concerne le contrôle des mouvements du Hezbollah. La position d’Israël est donc celle d’une sécurité régionale à tout prix, mais elle se heurte à
des réalités locales et régionales qui rendent le désarmement du Hezbollah difficile à envisager à court terme.
4. Le renforcement de l’armée libanaise : Une alternative au Hezbollah ?
Face à ces défis, une des solutions avancées par le gouvernement libanais est de renforcer les Forces armées libanaises (FAL). Cette option vise à réduire la dépendance du Liban envers le Hezbollah pour la défense nationale, tout en répondant aux exigences de la communauté internationale, notamment celles de la résolution 1701. Lors de la récente conférence de soutien au Liban, le Premier ministre libanais Najib Mikati a souligné l’importance de recruter 8 000 nouveaux soldats pour renforcer la présence de l’armée au Sud-Liban, une zone particulièrement sensible.
Ce renforcement de l’armée libanaise est vu comme un pas vers la souveraineté nationale. Cependant, les défis restent importants. En dépit des efforts pour augmenter les capacités des FAL, ces dernières sont encore loin d’avoir les ressources et l’équipement nécessaires pour contrôler efficacement tout le territoire, et encore moins pour rivaliser avec le Hezbollah en termes d’influence militaire. La FINUL, qui joue un rôle d’accompagnement pour les FAL, n’est également pas équipée pour gérer seule les tensions croissantes dans le Sud du pays.
Cependant, les pressions israéliennes sur la communauté internationales empêchent également le renforcement des capacités de l’armée libanaise et notamment l’obtention de moyens de protection aériens, garantissant la sécurité de la population.
En théorie, un renforcement de l’armée libanaise pourrait permettre de réduire progressivement l’influence du Hezbollah, mais cette transition nécessitera un temps considérable. De plus, elle dépendra du soutien international, notamment en termes de financement et de fourniture d’équipements militaires, et d’une volonté politique au sein du Liban pour assurer une coopération totale entre l’État et l’armée.
5. Les implications régionales : l’Iran et Israël
L’Iran : Un soutien indéfectible au Hezbollah
Le rôle de l’Iran dans cette équation est fondamental. Téhéran voit dans le Hezbollah un acteur stratégique pour préserver son influence au Liban et contrer Israël. L’Iran continue de financer et de fournir des armes au Hezbollah, renforçant ainsi la capacité militaire de l’organisation chiite. Ce soutien, qui est perçu comme une menace existentielle par Israël, rend toute tentative de désarmement du Hezbollah beaucoup plus difficile.
Le renforcement des Forces armées libanaises, tout en étant une solution interne, devra également composer avec le soutien iranien au Hezbollah. Tant que l’Iran continuera de considérer le Hezbollah comme un atout stratégique, toute initiative visant à affaiblir l’organisation se heurtera à des résistances. De ce point de vue, le renforcement de l’armée libanaise pourrait être vu par Téhéran comme une tentative de réduire son influence régionale, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les relations Iran-Liban.
Israël : Une pression constante pour le désarmement du Hezbollah
Pour Israël, la présence du Hezbollah à ses frontières est une menace immédiate. Depuis la guerre de 2006, Israël a plaidé pour le désarmement total de l’organisation chiite, une position renforcée par la résurgence des tensions régionales. La résolution 1701 est vue par Israël comme un cadre qui doit permettre de réduire l’influence militaire du Hezbollah. Cependant, tant que cette résolution ne sera pas pleinement appliquée, Israël continuera de considérer le Sud-Liban comme une zone potentiellement dangereuse.
L’armée israélienne maintient une vigilance constante le long de la frontière libanaise, et ses frappes en territoire libanais, bien que critiquées par la communauté internationale, sont justifiées par la nécessité de prévenir des attaques du Hezbollah. Dans ce contexte, le renforcement des Forces armées libanaises est perçu par Israël comme une étape positive, à condition que cela ne soit pas un simple changement cosmétique. Israël exige des garanties que le Hezbollah ne continuera pas à opérer en parallèle avec l’armée libanaise, une situation qui, pour Tel-Aviv, représente une menace à la stabilité régionale.
6. L’équilibre entre souveraineté et influence externe : Les défis internes du Liban
Le renforcement de l’armée libanaise ne se limite pas seulement à une question de moyens militaires. Il s’agit d’une question politique complexe, qui touche à la souveraineté de l’État et à son indépendance face aux influences externes. Pour de nombreux Libanais, le Hezbollah est à la fois une source de protection contre Israël et une force qui affaiblit l’autorité de l’État. Cette dualité crée une situation délicate pour le gouvernement libanais, qui doit composer avec le poids politique et militaire du Hezbollah, tout en répondant aux attentes internationales.
Le renforcement des FAL pourrait permettre au Liban de restaurer une partie de sa souveraineté militaire, mais ce processus ne se fera pas sans heurts. Il y a des tensions internes, notamment entre les différentes factions politiques libanaises, certaines d’entre elles étant plus proches du Hezbollah, tandis que d’autres soutiennent une armée nationale plus forte et indépendante. Le président Michel Aoun, allié du Hezbollah, a longtemps défendu le rôle de l’organisation en tant que « force de résistance » contre Israël. Cependant, son successeur et les autres acteurs politiques devront trouver un équilibre entre le maintien de la stabilité interne et la réduction de l’influence des milices.
7. La FINUL : Un rôle limité mais crucial
La FINUL, qui opère sous mandat des Nations Unies, joue un rôle fondamental dans la mise en œuvre de la résolution 1701. Cependant, malgré son rôle stabilisateur, elle reste limitée dans ses capacités. Son mandat n’inclut pas le désarmement forcé du Hezbollah, et son autorité est souvent entravée par les restrictions imposées par les réalités politiques sur le terrain. Israël a plusieurs fois exprimé des doutes sur l’efficacité de la FINUL, arguant que ses forces ne sont pas suffisamment proactives pour empêcher les activités du Hezbollah dans le Sud-Liban.
Cependant, la FINUL demeure un acteur essentiel dans la prévention d’un retour à un conflit à grande échelle. En travaillant avec les Forces armées libanaises, elle joue un rôle de tampon qui contribue à limiter les affrontements directs entre Israël et le Hezbollah. Le renforcement de la coopération entre la FINUL et les FAL pourrait être une solution partielle pour stabiliser la situation à court terme. Mais pour garantir une paix durable, il faudra nécessairement une solution politique à la question du Hezbollah, solution qui échappe pour l’instant aux acteurs locaux et internationaux.
Conclusion : Un chemin semé d’embûches pour la résolution 1701
Le positionnement du Liban concernant la résolution 1701 et le renforcement de son armée révèle la complexité des dynamiques internes et externes qui influencent le pays. Alors que le Liban cherche à restaurer son autorité au Sud-Liban, les tensions entre Israël et le Hezbollah, exacerbées par l’influence de l’Iran, continuent de peser lourdement sur la situation. Le renforcement de l’armée libanaise, bien qu’une étape nécessaire, ne suffira pas à résoudre la crise de sécurité tant que les questions politiques plus larges, notamment le désarmement du Hezbollah, ne seront pas abordées.
Le Liban se trouve à la croisée des chemins : d’une part, il aspire à rétablir sa souveraineté et à renforcer ses institutions nationales, mais d’autre part, il est pris dans un jeu d’influences régionales qui rend toute avancée difficile. Les demandes israéliennes pour un désarmement total du Hezbollah semblent irréalistes dans le contexte actuel, et tant que cette organisation conservera son pouvoir militaire et politique, la résolution 1701 restera incomplète. Le soutien international au renforcement des FAL est crucial, mais il devra être accompagné d’une volonté politique forte au Liban pour surmonter les divisions internes et établir une paix durable.
Ainsi, le futur de la résolution 1701 et la stabilité du Sud-Liban dépendront non seulement des évolutions militaires, mais aussi d’un consensus politique à la fois au Liban et dans la région, afin de trouver un équilibre entre sécurité nationale, indépendance, et influence régionale.



