La conférence de soutien au Liban, organisée sous l’égide du président Emmanuel Macron à Paris, s’inscrit dans un contexte de crises multiples qui traversent le Liban, mais aussi la région du Moyen-Orient. La réunion a été l’occasion pour les principaux acteurs internationaux, tels que la France, les Nations Unies et le Liban, de réaffirmer leurs positions politiques et géopolitiques face à la détérioration de la situation dans le pays des Cèdres. L’analyse des discours prononcés par les principaux intervenants, notamment Emmanuel Macron, Antonio Guterres et Najib Mikati, met en lumière des tensions géopolitiques majeures et révèle la complexité des relations entre Israël, le Hezbollah, l’Iran et les acteurs internationaux.
1. La position de la France : entre soutien au Liban et critiques envers Israël et l’Iran
Une relation historique avec le Liban
Emmanuel Macron a, dès l’ouverture de la conférence, rappelé les « liens séculaires » entre la France et le Liban, plaçant son discours dans une perspective historique d’amitié entre les deux pays. La France, ancien pouvoir mandataire du Liban, continue de jouer un rôle de premier plan dans la politique libanaise, tant au niveau des aides humanitaires que dans les initiatives diplomatiques. En organisant cette conférence, la France se positionne une nouvelle fois en tant que « protecteur » du Liban, réaffirmant son engagement à soutenir le pays à la fois sur le plan économique et institutionnel. Macron a souligné que la France fournirait une aide financière de 100 millions d’eurosdans le cadre de l’appel humanitaire des Nations Unies, un geste important en vue de soulager les souffrances de la population libanaise.
Une critique voilée d’Israël
Si Macron a rappelé l’importance de soutenir le Liban dans sa quête de stabilité, il n’a pas hésité à critiquer ouvertement la politique d’Israël dans la région, particulièrement en ce qui concerne les frappes militaires dans le Sud-Liban. L’agression israélienne a été au cœur des préoccupations, non seulement en raison des pertes civiles, mais aussi pour son impact déstabilisateur sur les institutions libanaises. Macron a critiqué les actions israéliennes, affirmant que « plus de frappes ne permettront ni d’en finir avec le terrorisme, ni d’assurer la sécurité de tous ». Cette déclaration reflète une position assez tranchée de la France vis-à-vis de l’escalade militaire israélienne et met en avant l’idée que les solutions militaires ne permettront pas d’établir une paix durable dans la région.
En critiquant l’attitude israélienne, Macron dénonce implicitement l’absence de discernement dans les frappes, notamment dans les zones densément peuplées du Liban, et appelle à la cessation immédiate des hostilités. Cependant, la critique d’Israël n’a pas été aussi véhémente que celle adressée au Hezbollah et à l’Iran, un équilibre qui reflète l’ambition de la France de maintenir un dialogue constructif avec Tel-Aviv, tout en affirmant la nécessité de la paix.
L’Iran et le Hezbollah : des acteurs sous surveillance
Un autre point important du discours de Macron concerne le rôle de l’Iran dans la crise libanaise. Le président français a exprimé son « regret » que l’Iran ait « engagé le Hezbollah contre Israël », soulignant que l’intérêt supérieur du Liban aurait été de rester en dehors du conflit israélo-palestinien. En associant directement l’Iran à l’escalade des tensions via le Hezbollah, Macron envoie un message clair : la situation libanaise ne pourra être résolue sans que Téhéran change de stratégie dans la région. Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, est perçu comme l’un des principaux obstacles à la stabilité au Liban, tant par son pouvoir militaire que par son influence politique.
Cependant, Macron a également appelé le Hezbollah à cesser ses provocations et ses attaques contre Israël, tout en demandant à Tel-Aviv de faire preuve de retenue dans ses opérations militaires. En ce sens, le président français tente de naviguer entre les exigences de la diplomatie et les réalités géopolitiques complexes de la région, où chaque acteur régional, notamment l’Iran et Israël, joue un rôle crucial dans le maintien ou la déstabilisation du Liban.
2. L’ONU : Une vision humanitaire et diplomatique de la crise
L’urgence humanitaire et la protection des civils
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a abordé la crise libanaise sous un angle principalement humanitaire. Son discours a souligné l’urgence de répondre aux besoins de la population libanaise déplacée, en appelant à un cessez-le-feu immédiat et à la pleine mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité, en particulier la résolution 1701. Cette dernière, adoptée en 2006, est cruciale car elle demande un retrait des forces militaires étrangères du Liban et l’établissement d’un cessez-le-feu durable. Guterres a insisté sur le fait que le conflit avait pris une dimension dramatique et qu’il affectait gravement le bien-être des civils des deux côtés de la ligne bleue.
Guterres a également rappelé que plus de 1,2 million de Libanais avaient été déplacés à cause des hostilités, dont de nombreux enfants et femmes, et que le bilan humain continuait de s’alourdir. Il a souligné l’importance de protéger les civils, un point essentiel dans la doctrine des Nations Unies, en rappelant que les infrastructures civiles ne devaient pas être prises pour cible, que ce soit par Israël ou par le Hezbollah.
L’appel au respect des résolutions internationales
Guterres a réaffirmé l’importance des résolutions internationales, notamment la résolution 1559, qui appelle au désarmement des milices, y compris le Hezbollah, et la résolution 1701 pour la sécurisation de la ligne bleue. Ces résolutions, bien qu’adoptées il y a plusieurs années, sont plus que jamais d’actualité dans le contexte actuel. L’ONU, en tant qu’organisation internationale, met un accent particulier sur la diplomatie et le respect des cadres juridiques internationaux pour parvenir à une solution durable.
Toutefois, Guterres a aussi reconnu que la situation actuelle au Liban ne pouvait être dissociée des autres crises régionales. Il a mentionné la montée des tensions entre Israël et l’Iran, une conflagration potentielle qui pourrait avoir des répercussions sur toute la région, y compris sur le Liban. En plaçant le conflit libanais dans un cadre régional plus large, Guterres met en lumière l’interconnexion des crises au Moyen-Orient, et l’urgence d’une approche diplomatique globale pour éviter une déstabilisation encore plus grave.
3. La position du Liban : Un pays pris en otage entre Israël et le Hezbollah
Najib Mikati : Un appel à la paix et à la solidarité
Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a pris la parole pour rappeler les défis monumentaux auxquels son gouvernement est confronté, dans un contexte de crise économique, politique et militaire sans précédent. Mikati a remercié la France pour son soutien constant, soulignant l’importance des valeurs humanistes dans la gestion de la crise libanaise. Il a également insisté sur la nécessité de restaurer les institutions publiques du Liban, tout en appelant à une solidarité internationale accrue.
Mikati a mis en avant l’agression israélienne comme l’une des causes principales de la détérioration de la situation au Liban, tout en soulignant que les frappes militaires avaient déplacé plus de 1,2 million de citoyens libanais, dont 500 000 enfants. Le Premier ministre a également critiqué Israël pour ses attaques contre les infrastructures civiles, affirmant que cela constitue une violation du droit humanitaire international. Son message a été clair : le Liban ne peut supporter seul le fardeau des conséquences de cette guerre.
La complexité du Hezbollah : entre défense et désarmement
Toutefois, Mikati n’a pas ouvertement critiqué le Hezbollah dans son discours, ce qui est révélateur de la complexité des équilibres politiques internes au Liban. Le Hezbollah, qui joue un rôle à la fois militaire et politique majeur dans le pays, est perçu par une partie de la population comme un bouclier contre Israël. Cela complique toute tentative de désarmement, d’autant plus que le Hezbollah est également un acteur politique puissant, ayant une influence directe au sein du gouvernement.
Mikati a néanmoins souligné l’importance de renforcer les Forces armées libanaises (FAL), considérées comme l’un des piliers de la stabilité du pays. Le gouvernement libanais a pris la décision de recruter 8 000 nouveaux soldats, une mesure qui, selon Mikati, est essentielle pour restaurer la sécurité au Sud-Liban. Cependant, cette décision ne pourra être mise en œuvre sans un soutien international accru, en particulier en matière de financement et d’équipement militaire.
4. Les implications géopolitiques : Le Liban, un terrain de jeux pour les puissances régionales
Israël : Une politique de sécurité avant tout
Pour Israël, la menace posée par le Hezbollah justifie ses actions militaires au Liban. L’État hébreu considère la présence armée du Hezbollah au Sud-Liban comme une menace directe pour sa sécurité nationale, et les frappes israéliennes visent à affaiblir la capacité militaire du Hezbollah. Cependant, comme le soulignent les critiques de Macron et de Mikati, cette approche purement militaire a des conséquences dévastatrices pour les civils et risque d’aggraver les tensions dans la région.
L’Iran : Une expansion régionale à travers le Hezbollah
L’Iran, pour sa part, utilise le Hezbollah comme levier pour renforcer son influence au Moyen-Orient. En soutenant le groupe chiite, Téhéran s’assure un rôle stratégique dans le conflit avec Israël, tout en augmentant son emprise sur le Liban. Cependant, la participation du Hezbollah au conflit israélo-palestinien a des répercussions désastreuses pour la stabilité du Liban, et constitue un obstacle majeur à toute solution pacifique durable.
La France et l’ONU : Des médiateurs incontournables
La France et l’ONU, de leur côté, jouent un rôle clé en tant que médiateurs. La position de Macron, bien qu’ambivalente dans sa critique d’Israël et de l’Iran, met en avant la nécessité de solutions diplomatiques et de l’arrêt des violences. L’ONU, quant à elle, reste un acteur indispensable pour coordonner l’aide humanitaire et appliquer les résolutions du Conseil de sécurité.