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La réforme des accords de Taëf : mythe ou nécessité ?

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Signés en 1989, les accords de Taëf ont mis fin à la guerre civile libanaise, redéfinissant le paysage politique du pays. Plus de trois décennies plus tard, ces accords soulèvent une question fondamentale : sont-ils encore adaptés aux défis actuels du Liban, ou doivent-ils être repensés pour répondre aux aspirations d’une société en crise ? Les tensions politiques, l’absence de président et les scandales de corruption semblent indiquer que cette structure, conçue pour stabiliser, engendre aujourd’hui un système ingouvernable.

Contexte historique : de la guerre civile aux accords de Taëf

La guerre civile libanaise, qui a ravagé le pays de 1975 à 1990, a opposé diverses factions religieuses et politiques, entraînant des interventions étrangères et des destructions massives. Face à l’impasse militaire et à l’épuisement général, une solution politique devient impérative.

En octobre 1989, sous l’égide de la Ligue arabe, les députés libanais se réunissent à Taëf, en Arabie saoudite. Ce compromis politique majeur repose sur deux parrains principaux :

  1. La Syrie, en tant que garant militaire et sécuritaire. En échange de sa médiation, Damas obtient une domination politique durable sur le Liban, renforcée par sa présence militaire.
  2. L’Arabie saoudite, avec le soutien de Rafic Hariri, endosse le rôle de sponsor économique, façonnant la reconstruction et le système financier libanais selon ses intérêts.

Les accords marquent un tournant, mais sous cette double tutelle, le Liban reste dépendant des ingérences extérieures, une réalité qui perdure.

Les fondements des accords de Taëf

Les accords redéfinissent la répartition du pouvoir entre les communautés confessionnelles. La présidence de la République, historiquement maronite, voit ses prérogatives considérablement réduites au profit du Premier ministre (sunnite) et du président du Parlement (chiite). Cette réorganisation vise à refléter la diversité libanaise tout en préservant un équilibre fragile entre les communautés.

Toutefois, ce système devient rapidement une source de paralysie. Chaque acteur politique détient un pouvoir de veto, bloquant les réformes et limitant l’efficacité des institutions. Les affaires courantes dominent, tandis que les décisions cruciales nécessitent l’arbitrage d’ingérences extérieures.

Un système gangréné par la compromission

À force de multiplier les compromis pour satisfaire chaque communauté, les accords de Taëf ont donné naissance à un système où la compromission règne. Les élites politiques, accusées de clientélisme et de corruption, exploitent cet équilibre pour préserver leurs intérêts.

Les crises récentes, telles que l’absence prolongée de président ou les scandales financiers, illustrent cette dérive. Sans consensus interne ni volonté politique de réforme, le Liban reste otage d’un modèle ingouvernable.

Les critiques des accords

Pour beaucoup, la répartition confessionnelle des postes de pouvoir est le principal obstacle à la gouvernance. Ce système favorise le clientélisme et renforce les divisions communautaires au lieu de promouvoir une identité nationale unifiée.

« Les accords de Taëf ont gelé la dynamique politique au lieu de la libérer », affirment des intellectuels libanais. Ce modèle, conçu pour garantir la paix, s’avère incapable de relever les défis modernes tels que la crise économique, les tensions sociales et la pression des réfugiés syriens.

Les allégations de corruption lors de leur adoption

L’adoption des accords n’a pas échappé aux allégations de corruption. Certains députés auraient été influencés, voire achetés, pour voter en faveur de ces réformes. Ces accusations, bien que difficiles à prouver, alimentent la méfiance envers le processus politique et renforcent l’idée que les réformes étaient imposées plutôt que consensuelles.

Les attentes populaires et les appels à la réforme

Depuis les manifestations de 2019, une partie croissante de la société civile réclame une refonte complète du système politique. Les citoyens dénoncent le confessionnalisme institutionnalisé et appellent à un État laïc capable de transcender les clivages communautaires.

Toutefois, cette vision heurte une réalité bien ancrée : les élites politiques, enracinées dans ce système confessionnel, résistent farouchement à toute réforme qui menacerait leur pouvoir.

Les enjeux régionaux

Le débat autour de la réforme dépasse les frontières libanaises. Les parrains historiques des accords, comme l’Arabie saoudite et la Syrie, ont vu leur influence évoluer. La montée en puissance de l’Iran via le Hezbollah, et les efforts des puissances occidentales pour renforcer la souveraineté libanaise, reflètent un jeu d’équilibres où le Liban reste un terrain de rivalités géopolitiques.

La décentralisation, un volet oublié

Un des piliers des accords, la décentralisation administrative, reste largement inexploré. Ce volet pourrait pourtant alléger les tensions en donnant davantage d’autonomie aux régions et en renforçant la gouvernance locale. Mais l’absence de volonté politique freine sa mise en œuvre, limitant les opportunités de développement équilibré.

Nouvelle perspective

Plutôt que de s’interroger uniquement sur la pertinence des accords de Taëf, il semble crucial de repenser le cadre institutionnel qui permet leur application. Le Liban ne manque ni d’idées, ni de talents, mais les blocages systémiques et les intérêts étrangers pèsent sur toute tentative de réforme. Peut-être faut-il envisager non pas une rupture brutale avec le passé, mais une évolution progressive où la souveraineté et l’intérêt national guideraient enfin les choix politiques.

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Newsdesk Libnanews
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