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Le Pape François est mort

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Le pape François, 266e souverain pontife de l’Église catholique, s’est éteint aujourd’hui, ce 21 avril à l’âge de 88 ans, emporté par une insuffisance respiratoire sévère, conséquence d’une pneumonie persistante qui s’est aggravée au cours des derniers mois. Cette maladie respiratoire s’ajoutait à une santé déjà fragile, marquée par une opération du côlon en juillet 2021 pour une sténose diverticulaire, des problèmes récurrents de sciatique, et une arthrose du genou qui l’avait contraint à utiliser un fauteuil roulant lors de ses dernières apparitions publiques. Jorge Mario Bergoglio, premier pape jésuite et premier originaire des Amériques, laisse derrière lui un pontificat de près de 12 ans, caractérisé par une quête d’humilité, des réformes ambitieuses, et des controverses qui ont profondément divisé l’Église catholique et suscité des débats à travers le monde.

Une vie forgée dans la simplicité et le service

Jorge Mario Bergoglio naît le 17 décembre 1936 dans le quartier populaire de Flores, à Buenos Aires, en Argentine. Fils d’un comptable italien, Mario José Bergoglio, et de Regina María Sívori, une femme au foyer issue d’une famille d’immigrés piémontais, il grandit dans une famille modeste de cinq enfants, où les valeurs de travail et de foi catholique sont centrales. Adolescent, il envisage une carrière de chimiste et obtient un diplôme de technicien avant qu’une expérience spirituelle, à l’âge de 17 ans, ne le pousse vers la prêtrise. En 1958, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus, attiré par l’engagement social et la discipline intellectuelle des jésuites.

Après des études de philosophie et de théologie, il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969. Son parcours dans l’ordre jésuite le mène à des responsabilités croissantes : en 1973, à 36 ans, il devient provincial des jésuites argentins, un poste qu’il occupe pendant la dictature militaire (1976-1983). Cette période trouble alimente plus tard des soupçons sur son rôle face aux persécutions, bien qu’aucune preuve formelle ne l’implique. En 1992, il est nommé évêque auxiliaire de Buenos Aires, puis archevêque en 1998, et enfin cardinal en 2001 par Jean-Paul II. À Buenos Aires, il se distingue par son mode de vie austère : il renonce à la résidence archiépiscopale pour un petit appartement, cuisine ses repas et préfère le métro aux voitures officielles, gagnant le surnom d’ »évêque des bidonvilles » pour son attention aux pauvres.

Une élection dans un contexte de crise ecclésiale

Le 13 mars 2013, Jorge Mario Bergoglio devient pape sous le nom de François, élu au cinquième tour d’un conclave réuni après un événement historique : la renonciation de Benoît XVI, le 11 février 2013, première abdication volontaire d’un pape depuis Célestin V en 1294. À 76 ans, Bergoglio n’est pas un favori évident. Le conclave se tient dans un climat de désarroi : l’Église catholique est secouée par des scandales d’abus sexuels impliquant des prêtres dans des dizaines de pays, des fuites de documents confidentiels (l’affaire Vatileaks) révélant corruption et luttes de pouvoir au Vatican, et une sécularisation galopante en Europe et en Amérique du Nord. Les cardinaux, divisés entre conservateurs et réformateurs, cherchent un leader capable de restaurer la crédibilité de l’institution.

Lors de sa première apparition au balcon de la basilique Saint-Pierre, François surprend par sa simplicité : vêtu d’une soutane blanche sans ornements, il demande aux fidèles de prier pour lui avant de les bénir, un geste inhabituel. Il annonce venir « du bout du monde », soulignant son identité sud-américaine, une première dans l’histoire papale. Quelques jours plus tard, il révèle pourquoi il a choisi le nom de François : lors du conclave, alors que les votes en sa faveur s’accumulaient, le cardinal brésilien Cláudio Hummes lui murmure : « N’oublie pas les pauvres. » Ce conseil le frappe, et il pense immédiatement à saint François d’Assise, figure du XIIIe siècle connue pour son dénuement, sa dévotion aux déshérités et sa quête de paix. « J’ai voulu un nom qui incarne une Église simple, tournée vers les marges, et qui rompe avec les fastes inutiles », confiera-t-il dans une interview au journal La Civiltà Cattolica en 2013.

Un pontificat marqué par la proximité et les réformes

Dès son arrivée, François impose un style radicalement différent de ses prédécesseurs. Il refuse de s’installer dans les appartements pontificaux du Palais apostolique, jugés trop luxueux, et opte pour une chambre modeste à la maison Sainte-Marthe, une résidence pour prêtres et visiteurs. Lors de sa première Semaine sainte, en 2013, il lave les pieds de détenus, dont des femmes et des musulmans, dans une prison romaine, brisant la tradition qui limitait ce rituel aux hommes dans les églises. Ce geste devient une signature de son pontificat, répété chaque année avec des réfugiés, des handicapés ou des marginalisés.

Sur le plan doctrinal et politique, François agit avec audace. En 2015, il publie l’encyclique Laudato Si’, un texte révolutionnaire qui lie la crise écologique à l’injustice sociale, appelant à une « conversion écologique » mondiale. Ce document, salué par les écologistes mais critiqué par certains milieux économiques, place l’Église au cœur d’un débat contemporain. En 2021, il lance le Synode sur la synodalité, un processus de consultation inédit impliquant évêques, prêtres et laïcs pour repenser la gouvernance ecclésiale, achevé en 2024 avec des propositions encore débattues. Sur la scène internationale, il multiplie les initiatives de dialogue interreligieux : en février 2019, il signe à Abu Dhabi un document historique avec le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, prônant la fraternité humaine, suivi en 2021 d’une visite en Irak où il rencontre l’ayatollah Ali al-Sistani, renforçant les ponts avec l’islam chiite.

François se fait aussi le champion des exclus. En 2016, il ramène trois familles de réfugiés syriens de Lesbos à Rome dans son avion, un acte médiatisé qui défie les politiques migratoires restrictives en Europe. Il ouvre des douches et des services médicaux pour les sans-abris sous les colonnades de Saint-Pierre, et critique sans relâche le capitalisme sauvage, qualifiant l’économie de marché débridée de « culture du déchet » dans son exhortation Evangelii Gaudium (2013). Ces positions, souvent perçues comme progressistes, lui valent l’admiration des uns et l’hostilité des autres.

Controverses : un pape de la rupture face à l’opposition

François n’a jamais caché son ambition de transformer l’Église pour l’adapter au XXIe siècle. « Nous ne pouvons pas rester prisonniers d’un passé révolu ; l’Église doit être vivante, ouverte, et parler au monde d’aujourd’hui », déclarait-il en 2013 dans une interview retentissante. Cette vision de rupture, inspirée par son choix du nom François, s’est heurtée à des résistances internes et externes, générant des controverses qui ont marqué son pontificat.

L’une des premières polémiques concerne sa gestion des scandales d’abus sexuels. Dès 2013, il promet une « tolérance zéro » et crée en 2014 une commission pontificale pour la protection des mineurs. Mais les résultats tardent. En janvier 2018, lors d’un voyage au Chili, il défend publiquement l’évêque Juan Barros, accusé d’avoir couvert les crimes du prêtre pédophile Fernando Karadima, déclarant qu’il n’y avait « aucune preuve ». Face à l’indignation et à un rapport accablant de 2 300 pages commandé par lui-même, il revient sur ses propos, présente des excuses aux victimes et accepte la démission de Barros et d’autres évêques chiliens. Cet épisode ternit son image, beaucoup lui reprochant une réactivité tardive et une sous-estimation initiale de la gravité des abus.

Sur le plan doctrinal, François secoue les fondations conservatrices. En 2016, son exhortation Amoris Laetitia, issue des synodes sur la famille, ouvre prudemment les sacrements aux catholiques divorcés et remariés, une brèche dans la doctrine traditionnelle. En décembre 2023, Fiducia Supplicans autorise les prêtres à bénir les couples de même sexe dans un cadre non liturgique, tout en précisant que cela ne vaut pas reconnaissance du mariage homosexuel. Ces textes provoquent une levée de boucliers : quatre cardinaux, dont l’Américain Raymond Burke, publient en 2016 des dubia (questions formelles) pour contester Amoris Laetitia, tandis que des évêques africains et européens rejettent Fiducia Supplicans, dénonçant une « occidentalisation » de la foi. En 2021, son motu proprio Traditionis Custodes restreint l’usage de la messe tridentine, rite latin préconciliaire cher aux traditionalistes, qui y voient une attaque contre leur identité. Burke, figure de proue des opposants, accuse François de « semer la confusion » et d’ »affaiblir la vérité catholique ».

Mais la controverse la plus persistante concerne son positionnement sur le conflit israélo-palestinien. François hérite d’une Église historiquement impliquée dans cette région sensible. En mai 2014, lors d’un voyage en Terre sainte, il marque les esprits en s’arrêtant pour prier devant le mur de séparation israélien à Bethléem, un geste interprété comme une critique implicite de l’occupation. Le mois suivant, il invite le président palestinien Mahmoud Abbas et le président israélien Shimon Peres à une prière pour la paix dans les jardins du Vatican, un moment symbolique mais sans effet concret. Pourtant, face aux violences qui reprennent en 2021, puis à l’escalade dramatique de 2023-2024 dans la bande de Gaza – où des bombardements israéliens tuent des milliers de civils et où des roquettes palestiniennes visent Israël –, François déçoit par sa retenue.

Ses déclarations se limitent à des appels généraux à « cesser la guerre » et à « protéger les innocents », sans désigner de responsables. En octobre 2023, il condamne « la violence aveugle » mais évite de mentionner l’occupation israélienne ou les attaques du Hamas, contrairement à des ONG ou des leaders religieux locaux qui prennent des positions plus tranchées. Le patriarche latin émérite de Jérusalem, Michel Sabbah, exprime sa frustration dans une lettre ouverte en 2024 : « Nous attendions du Saint-Père une parole claire sur les colonies illégales et les injustices quotidiennes subies par les Palestiniens. » De l’autre côté, des groupes pro-israéliens, comme l’American Jewish Committee, critiquent son silence sur le terrorisme palestinien et rappellent son allusion au mur de séparation comme un « symbole de division » en 2014, qu’ils jugent biaisée.

Cette prudence est analysée comme une stratégie diplomatique. « François a voulu éviter de politiser son rôle, préférant une posture universelle de paix », explique le père David Neuhaus, jésuite israélien et ancien vicaire patriarcal. Mais pour beaucoup, ce manque d’engagement contraste avec son audace sur d’autres dossiers, comme son soutien aux victimes du conflit ukrainien ou ses critiques des puissances économiques. Son absence de second voyage en Terre sainte après 2014, malgré des promesses répétées, renforce l’impression d’un désintérêt relatif, attribué en partie à sa santé déclinante mais perçu comme un échec par les communautés locales.

Le Liban : une sollicitude symbolique mais distante

Les relations de François avec le Liban offrent un autre exemple de ses priorités et de ses limites. Il voit ce pays comme un « message » de coexistence entre chrétiens, musulmans et druzes, un modèle qu’il oppose aux divisions sectaires du Moyen-Orient. En juillet 2021, moins d’un an après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth qui tue plus de 200 personnes et plonge le Liban dans une crise économique sans précédent, François organise une journée de prière et de réflexion au Vatican. Il réunit les patriarches maronite, grec-orthodoxe et melkite, ainsi que des représentants musulmans, pour plaider en faveur d’une aide internationale et d’un renouveau politique. « Le Liban ne doit pas être abandonné », déclare-t-il, promettant une visite dès que possible.

En décembre 2024, lors d’un discours à Ajaccio pour le centenaire d’une association corse, il revient sur cette cause, qualifiant le Liban de « terre martyre écrasée par les épreuves » et appelant à une solidarité mondiale. Pourtant, cette visite tant attendue ne se concrétise jamais. Contrairement à Jean-Paul II, qui se rend à Beyrouth en mai 1997 pour soutenir la reconstruction après la guerre civile (1975-1990) et galvaniser les jeunes catholiques, ou à Benoît XVI, qui visite le Liban en septembre 2012 pour remettre l’exhortation Ecclesia in Medio Oriente et encourager la coexistence face à la guerre en Syrie voisine, François reste à distance. Les raisons sont multiples : sa santé, qui s’aggrave après 2021 avec des infections respiratoires récurrentes et une mobilité réduite, et l’instabilité chronique du Liban, marquée par des tensions politiques et des affrontements sporadiques. Cette absence déçoit profondément les communautés libanaises, qui espéraient un soutien plus tangible de celui qui se présentait comme un « pape des périphéries ».

Funérailles et succession : une transition sous tension

Conformément à ses vœux, François ne reposera pas dans les caveaux pontificaux de la basilique Saint-Pierre, mais dans la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome, près de l’icône de la Vierge Salus Populi Romani qu’il affectionnait. Dans une interview accordée en 2023 au journaliste italien Andrea Tornielli, il avait exprimé son souhait d’une inhumation sobre : « Pas de triple cercueil, juste un en bois, comme pour tout chrétien. Je veux partir simplement. » Cette rupture avec la tradition – les papes sont habituellement inhumés dans trois cercueils emboîtés (bois, plomb, bois) – reflète son rejet des fastes, déjà visible dans son refus des chaussures rouges ou de la mozette papale.

Le rituel suit l’Ordo Exsequiarum Romani Pontificis. Après la constatation officielle de son décès par le cardinal camerlingue, Kevin Farrell, qui gère les affaires courantes durant la vacance du siège, l’Anneau du Pêcheur – symbole de l’autorité papale – est brisé devant témoins pour éviter toute falsification. Les funérailles, prévues dans les neuf jours suivant la mort, se dérouleront à Saint-Pierre, mais sans la cérémonie distincte de fermeture du cercueil, autre simplification voulue par François. Des millions de fidèles, chefs d’État et dignitaires religieux sont attendus pour cet adieu.

Le conclave pour élire son successeur débutera entre 15 et 20 jours plus tard, dans la chapelle Sixtine. François a nommé plus de 70 % des 120 cardinaux électeurs (ceux de moins de 80 ans), un chiffre qui pourrait favoriser un pape dans sa lignée réformatrice – comme le cardinal philippin Luis Antonio Tagle, vu comme progressiste, ou l’Italien Matteo Zuppi, proche des pauvres. Mais les divisions internes, exacerbées par les controverses, risquent de compliquer le processus. Les conservateurs, menés par des figures comme Burke ou le cardinal hongrois Péter Erdő, pourraient pousser un candidat plus doctrinal, tandis que les tensions entre blocs géographiques (Europe, Afrique, Asie, Amériques) ajouteront une couche de complexité. Le scrutin, qui requiert une majorité des deux tiers, promet d’être disputé.

Un héritage contrasté

François a voulu une Église proche des humbles, reflet de saint François d’Assise, dont le nom l’a guidé. Ses réformes – écologie, synodalité, ouverture aux marginalisés – ont redonné un souffle à une institution en perte de vitesse. Mais cette ambition de rupture, censée la projeter dans le XXIe siècle, s’est heurtée à des murs. Les scandales d’abus sexuels ont terni sa crédibilité, ses avancées doctrinales ont fracturé les fidèles, et son silence relatif sur des crises comme le conflit israélo-palestinien ou son absence au Liban ont déçu ceux qui attendaient un pape plus prophétique.

Alors que les cloches de Saint-Pierre sonnent le glas, le monde catholique se trouve à un carrefour. François laisse une Église plus humaine mais plus fragile, un paradoxe qui hantera son successeur. Son rêve d’une Église « pauvre pour les pauvres », ancrée dans la modernité, reste inachevé, suspendu entre espoir et incertitude.

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