Riad Salameh, governor of Lebanon's central bank, speaks to the Financial Times in his office in Beirut, Lebanon, on October 30, 2017. [Sam Tarling for the Financial Times]

La procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun, a porté plainte contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, son frère Raja Salamé mais également contre la mère de la fille de Riad Salamé, Anna Kozakova pour détournement de fonds publics.

Riad Salamé était cependant absent, comme à son habitude, de la session pour laquelle il avait été convoqué dans le cadre d’une confrontation avec son frère.

Cette inculpation amène désormais à une possible destitution du gouverneur de la Banque du Liban qui ne peut jouir dans ce scénario de l’immunité offerte de par sa fonction dont la présence aussi dans l’équipe de négociateurs menant les discussions avec le FMI en vue de débloquer l’aide internationale pourrait s’avérer être difficile.

De source médiatique, on indique en effet que Raja Salamé aurait déjà avoué les malversations commises face aux preuves recueillies par les enquêteurs français et suisses et transmises à la juge Ghada Aoun qui a parallèlement annoncé la saisie des biens de ce dernier. Pour rappel, les biens de Riad Salamé avaient déjà été gelés en début d’année.

La magistrate a également déféré le dossier au juge Nicolas Mansour dans le cadre de la procédure concernant l’enquête Forry Associates.

Le gouverneur de la Banque du Liban se défend toujours de toute malversation, indiquant avoir commandé un audit à la firme BDO, Semaan, Gholam & Co., une firme connue pour être la seule à avoir accepté de signer les comptes de nombreuses banques libanaises ces 2 dernières années.

Pour rappel, le site Mediapart a révélé dans un article en date du 18 mars de nouveaux aspects des enquêtes en cours en France dans le cadre du dossier Salamé. Il note ainsi que l’avocat du gouverneur de la Banque du Liban aurait changé la version des faits de son client ou encore que d’importants transferts ont eu lieu suite au dépôt de plaintes à son encontre et à l’encontre de ses proches. Sa fortune fait aussi l’objet d’interrogations: “l’avocat assure que son client disposait d’un patrimoine de 23 millions de dollars lors de sa prise de fonction à la BDL en 1993, en partie le fruit d’un héritage de «la fin des années 1970, composé d’actifs immobiliers au Liban, lesquels ont été évalués en 2015 à 11 millions de dollars», des sommes aujourd’hui très éloignées du patrimoine dont il dispose et qui serait estimé à plus d’un milliard de dollars.

Parallèlement, son frère Raja bénéficiait de transferts de fonds de la Banque du Liban à ses comptes personnels en Suisse: “La justice helvète s’intéresse aux mouvements qui ont eu lieu entre 2001 et 2016 avec la banque HSBC basée à Genève. Le parquet suisse estime que près de 326 millions de dollars ont transité en 310 opérations bancaires. Officiellement censées être des « commissions » la quasi-totalité de ces sommes était transférée de nouveau sur le compte de Raja Salamé, le frère de Riad, qui a reçu 248 millions de dollars”, notait le site français.

Quant à Anna Kozakova, qui a eu une fille adultérine avec le gouverneur qui l’a ensuite reconnu, il lui serait reproché d’avoir obtenu du gouverneur de la Banque du Liban, des sommes conséquentes via la location par la Banque du Liban, sans contrats de biens immobiliers à Paris, biens achetés via les fonds déjà obtenus via Forry Associates.

En décembre, la justice helvétique aurait ainsi remis au Liban des documents prouvant la culpabilité de plusieurs personnes dans le cadre de ce dossier. Ils sont tous 2 accusés d’avoir détourné 326 millions de dollars sous couvert de commissions via la vente d’Eurobonds de la Banque du Liban.

Cependant, ces montants auraient été transférés à un compte au nom de Raja Salamé en Suisse.

Plusieurs dirigeants de banque dont le président de l’Association des Banques du Liban Salim Sfeir, dont les noms sont également cités dans l’enquête, ont vu leurs biens et ceux de leurs établissements gelés sur décision de la procureur du Mont Liban dans le cadre du même dossier.

Parmi les autres dirigeants de banque visés par une nouvelle plainte localement déposée par le groupe “People want to reform the Regime”, fin du mois de février, ceux de la Banque Audi Samir Hanna, de la SGBL Antoun Sehnaoui propriétaire aussi d’un nouveau site d’information francophone entre autre, de Saad Azhari pour la Blom Bank et de l’ancienne ministre de l’intérieur Raya Hassan, dirigeante de la Bank Med dont la famille de l’ancien premier ministre Rafic Hariri est le principal actionnaire. 

D’autres plaintes sont aussi déposées en France ou encore en Suisse.

Pour rappel, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt cependant non exécuté par les Forces de Sécurité Intérieure du général Imad Othman, proche comme lui de l’ancien premier ministre Saad Hariri, après avoir refusé à plusieurs reprises de se présenter devant la juge dans le cadre de l’enquête.

Le procureur de la république, le juge Ghassan Oweidat, un proche comme Riad Salamé de l’ancien premier ministre Saad Hariri, aurait empêché le magistrat Jean Tannous en charge de l’enquête Forry Associates de communiquer avec ses homologues étrangers.

Selon les termes du contrat, Forry Estate recevait ainsi une commission des 3/8ème des 1% commissions sur l’achat des certificats de dépôts de l’état via la Banque du Liban par les banques privées entre 2004 et 2014.

Ces montants qui atteignaient ainsi ensuite plusieurs millions de dollars étaient reversés et redistribués, selon les aveux même de Riad Salamé, en connaissance de la commission centrale de la Banque du Liban.

Cependant, le contrat signé par la Banque du Liban avec les banques locales ne stipule pas le nom de Forry Associates, ce qui amène les experts judiciaires à s’interroger sur les versements effectués au bénéfice de cette entreprise et transférés en connaissance de cause par 6 banques locales à l’étranger.

Il s’agit désormais de déterminer les rôles de ces établissements et de ces proches dans des transferts qui sont dérivés de la corruption, note la plainte.

Pour rappel, le gouverneur de la Banque du Liban est arrivé dans les valises de l’ancien premier ministre Rafic Hariri en 1993. Il était précédemment son chargé de compte à la Merril Lynch. Considéré comme proche de nombreux hommes politiques, il jouirait de leur soutien tout comme celui des Etats-unis, alors que 6 pays ont ouvert des enquêtes à son encontre. 

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