Depuis le début de l’offensive terrestre israélienne contre le Hezbollah au sud du Liban, lancée le 1er octobre 2024, Israël est confronté à des difficultés majeures pour avancer en territoire libanais. Plusieurs facteurs, à la fois militaires, stratégiques et politiques, expliquent pourquoi l’armée israélienne peine à progresser face à une résistance aussi farouche. Les avancées sont donc relatives et très médiatisées par Israël en vue de saper le moral au Liban.
La résistance asymétrique et l’avantage géographique du Hezbollah
Hezbollah utilise une stratégie militaire asymétrique, exploitant pleinement le terrain montagneux et accidenté du sud du Liban. Ce terrain difficile, caractérisé par des routes sinueuses et étroites, ralentit les mouvements de l’armée israélienne. Cette géographie est particulièrement adaptée aux tactiques de guérilla employées par le Hezbollah, qui connaît parfaitement les routes et les reliefs. L’organisation a installé un réseau sophistiqué de tunnels souterrains, utilisés pour stocker des armes et pour permettre le déplacement des combattants sans être repérés par les drones et les avions israéliens
Ces tunnels, combinés aux caches souterraines d’armement, permettent au Hezbollah de mener des attaques surprises contre les forces israéliennes, de se dissimuler rapidement, et de frapper durement les convois terrestres israéliens. Cela oblige l’armée israélienne à opérer avec une grande prudence, exposant les soldats à des embuscades continues. En parallèle, le Hezbollah a intensifié l’usage de missiles antichars et de drones kamikazes, des armes efficaces contre les tanks et l’artillerie israélienne. Cette capacité de nuisance prolongée affaiblit les forces israéliennes et ralentit toute tentative d’avancée majeure.
Un soutien populaire et une guerre d’usure
Hezbollah bénéficie également d’un important soutien populaire dans les régions qu’il contrôle, notamment dans les zones chiites du sud du Liban. Contrairement à d’autres conflits asymétriques, où les forces insurgées peuvent être coupées de leur base de soutien, Hezbollah est profondément enraciné dans le tissu social et politique libanais. Cette acceptation, voire ce soutien, complique les opérations israéliennes, puisque les combattants de Hezbollah opèrent souvent au milieu des populations civiles, augmentant ainsi le risque de pertes civiles en cas de frappes israéliennes.
Cette présence parmi les civils met Israël face à un dilemme moral et stratégique. Alors que l’armée israélienne cherche à limiter les pertes civiles, sa stratégie de frappes dites « de précision » ne parvient pas à neutraliser complètement les infrastructures militaires de Hezbollah. L’organisation libanaise utilise cette situation à son avantage pour mener une guerre d’usure, infligeant des pertes régulières à Israël, tout en prolongeant le conflit. Cette stratégie n’a pas pour but de gagner rapidement, mais d’épuiser les ressources et la volonté politique d’Israël.
L’absence de solutions politiques et le refus d’appliquer la résolution 1701
Un autre facteur clé dans la prolongation du conflit est l’absence de volonté politique du côté israélien pour trouver une solution diplomatique. Depuis la guerre de 2006, la Résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies reste une pierre d’achoppement. Cette résolution appelait à un cessez-le-feu durable et au retrait des forces non-gouvernementales armées du Liban, mais elle n’a jamais été pleinement mise en œuvre. Israël continue de mener des survols réguliers du territoire libanais et de violer cette résolution par des frappes ponctuelles.
Au lieu de s’engager dans des négociations pour une désescalade durable, Israël semble opter pour une stratégie militaire de contrôle partiel du territoire. Actuellement, l’un des objectifs déclarés de l’offensive israélienne est la création d’une zone de sécurité de 10 kilomètres à l’intérieur du Liban, avec 3 kilomètres sous contrôle direct israélien. Cette politique rappelle celle de l’occupation israélienne du sud Liban entre 1982 et 2000, lorsque l’armée israélienne avait installé une zone tampon pour protéger son territoire des attaques du Hezbollah.
Cependant, cette stratégie de zone tampon n’est pas seulement inefficace à long terme, elle exacerbe également les tensions. Toute présence prolongée de troupes israéliennes au Liban est perçue par le Hezbollah et une grande partie de la population libanaise comme une agression et une occupation illégitime. Ce type de politique ne fait que renforcer le soutien populaire à Hezbollah et justifier ses actions militaires contre Israël.
La prolongation du conflit et les coûts humains
Le refus d’Israël d’appliquer pleinement la résolution 1701 et sa volonté d’établir une zone de sécurité au sud du Liban sont des signes clairs que ce conflit est destiné à se prolonger. L’absence de solutions politiques et diplomatiques efficaces ouvre la voie à une guerre d’usure où les pertes humaines, civiles comme militaires, augmentent. D’un côté, plus d’un million de Libanais ont déjà été déplacés par les combats, tandis que des milliers de civils sont réfugiés dans des abris improvisés à Beyrouth ou dans d’autres villes.
Sur le plan militaire, bien que l’armée israélienne ait infligé des pertes importantes à Hezbollah, elle a également subi de lourdes pertes. Le nombre de soldats israéliens tués lors des affrontements dans les premiers jours de l’offensive a suscité des interrogations sur la viabilité de cette guerre prolongée. Ces pertes renforcent le sentiment de lassitude chez l’opinion publique israélienne, mais aussi dans la communauté internationale, qui commence à réclamer des efforts diplomatiques pour mettre fin aux hostilités.
Guerre psychologique et opérations de propagande
Dans ce contexte, la guerre psychologique joue un rôle crucial des deux côtés. Le Hezbollah, à travers des réseaux médiatiques, diffuse régulièrement des vidéos de ses succès militaires, exagérant parfois l’ampleur de ses victoires pour décourager les forces israéliennes. De l’autre côté, Israël mène également des campagnes de désinformation pour démoraliser les soutiens du Hezbollah et convaincre les civils libanais de quitter les zones de combat. Cependant, cette tactique a pour effet de créer davantage de chaos et d’incertitude chez les populations locales, renforçant indirectement le soutien au Hezbollah dans certaines zones.
L’offensive terrestre israélienne au sud du Liban, lancée en octobre 2024, illustre les défis complexes auxquels Israël fait face lorsqu’il affronte une force non conventionnelle comme le Hezbollah. Entre la guérilla parfaitement maîtrisée par Hezbollah, l’utilisation des tunnels souterrains, les attaques par drones et missiles, et le soutien populaire dans les zones contrôlées par le groupe, l’avancée israélienne est grandement limitée. De plus, l’absence de solutions politiques, le refus d’appliquer la résolution 1701, et la volonté d’établir une zone de sécurité ne font qu’ajouter à la prolongation d’un conflit qui semble destiné à s’intensifier. Si aucune solution diplomatique n’est trouvée, cette offensive pourrait déboucher sur une nouvelle phase de guerre d’usure, avec des répercussions potentiellement désastreuses pour la stabilité de la région.
Références :
- What we know about Israel’s ground offensive in Lebanon | Gulf News
- Israel-Lebanon conflict explained in charts and maps – DW


