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Les citoyens ne paieront pas pour les banques ! La promesse explosive de Nawaf Salam

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Un engagement fort contre les dérives bancaires

Le 8 février 2025, au lendemain de la formation de son gouvernement, Nawaf Salam a tenu une conférence de presse très attendue. Face aux journalistes, le Premier ministre libanais a tenu à clarifier sa position sur le rôle des banques dans la crise économique qui frappe le pays depuis 2019.

D’un ton ferme et direct, il a lâché une phrase qui a immédiatement fait la une des médias libanais et internationaux :
« Nous n’accepterons jamais que les banques fassent porter la crise aux citoyens. »

Cette déclaration a été perçue comme un acte de défiance envers le secteur bancaire, qui domine une large partie de l’économie libanaise et qui, depuis des années, refuse d’assumer sa part de responsabilité dans l’effondrement du système financier.

Pourquoi cette déclaration est-elle explosive ?

Depuis le début de la crise, les banques libanaises ont adopté une stratégie de protection en gelant les fonds des déposants et en tentant de transférer leurs pertes à l’État. Cette approche a exacerbé la colère de la population, qui voit son épargne bloquée alors que les élites financières continuent d’agir en toute impunité.

Avec cette déclaration, Nawaf Salam se positionne clairement contre les banques, envoyant un message fort aux citoyens libanais : son gouvernement n’entend pas céder aux pressions des grands groupes financiers.

Mais cette promesse est-elle réaliste ? Le Premier ministre dispose-t-il des leviers politiques et économiques pour imposer sa vision à un système bancaire qui contrôle une grande partie du gouvernement et des institutions ?

Un système bancaire en faillite qui refuse d’assumer ses pertes

Depuis 2019, le Liban traverse une crise financière sans précédent, marquée par l’effondrement de sa monnaie, le gel des dépôts bancaires et la paralysie de l’économie.

Au cœur de cette crise, le secteur bancaire, pilier de l’économie libanaise, est en situation de faillite, mais refuse d’en assumer les conséquences. Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), les pertes bancaires cumulées dépassent 72 milliards de dollars. Pourtant, les banques libanaises ont jusqu’ici refusé de reconnaître officiellement ces pertes, préférant négocier un plan dans lequel l’État libanais absorberait une grande partie de ces dettes.

Un secteur bancaire protégé par le pouvoir politique

L’une des principales raisons expliquant l’absence de réformes dans le secteur bancaire réside dans les liens étroits entre le monde politique et les grandes institutions financièresLe nouveau gouvernement dirigé par Nawaf Salam ne fait pas exception.

Onze ministres du cabinet actuel entretiennent des liens directs avec des banques libanaises. Certains ont siégé dans des conseils d’administration, d’autres ont été actionnaires ou conseillers d’établissements financiers. Parmi eux, trois ont occupé des postes de direction à la Saradar Bank.

Parmi les figures les plus proches du secteur bancaire figurent :

  • Yassine Jaber, ministre des Finances, ancien cadre d’une banque libanaise, qui avait déjà cherché à sous-évaluer les pertes bancaires lorsqu’il siégeait à la commission parlementaire sur la crise financière.
  • Joseph Al-Sadi, ministre de l’Énergie, ancien membre du conseil d’administration de Saradar Bank.
  • Joe Issa Al-Khoury, ministre de l’Industrie, actionnaire et ancien administrateur d’une banque libanaise.
  • Laura El Khazen, ministre du Tourisme, ancienne administratrice de Saradar Bank.

Ces nominations soulèvent des doutes sur la capacité du gouvernement Nawaf Salam à imposer une restructuration bancaire conforme aux demandes du FMI.

Les stratégies des banques pour éviter d’assumer leurs pertes

Depuis quatre ans, les banques libanaises mettent en place plusieurs stratégies pour minimiser leur responsabilité dans l’effondrement du système financier.

Premièrement, elles ont gelé les dépôts des citoyens en mettant en place des restrictions informelles sur les retraits, particulièrement en devises étrangères. Cette politique a empêché des millions de Libanais d’accéder à leur propre épargne, créant une situation de précarité économique généralisée.

Deuxièmement, les banques ont plaidé pour un plan de recapitalisation financé par l’État. En d’autres termes, elles souhaitent que l’argent public soit utilisé pour absorber une partie de leurs pertes au lieu que celles-ci soient directement supportées par leurs actionnaires et créanciers.

Troisièmement, les banques continuent à exercer une influence sur les décisions économiques du gouvernement. Plusieurs propositions législatives visant à imposer des contrôles de capitaux stricts et transparents ont été bloquées sous la pression des institutions bancaires, qui veulent conserver la possibilité d’effectuer des transferts internationaux pour les plus grandes fortunes libanaises.

Un refus d’audit et une bataille avec le FMI

Le FMI a exigé qu’un audit complet du secteur bancaire soit mené avant toute négociation sur un plan d’aide au Liban. Cependant, les banques libanaises ont systématiquement refusé de fournir des données complètes sur leurs pertes.

Les discussions avec l’institution financière internationale sont au point mort, car les banques et certains responsables politiques, dont plusieurs membres du gouvernement, tentent d’imposer une version édulcorée de la restructuration du secteur bancaire.

Le FMI refuse de signer un accord tant que les pertes réelles ne seront pas reconnues et que les banques n’accepteront pas de prendre leur part de responsabilité. Nawaf Salam, avec son engagement à protéger les citoyens de la crise bancaire, devra trancher entre les exigences du FMI et la pression des élites financières qui contrôlent une partie de son propre gouvernement.

La suite de la réforme bancaire dépendra de la capacité du Premier ministre à imposer des mesures courageuses, malgré les résistances internes.

Les exigences du FMI et la position de Nawaf Salam

Depuis le début de la crise financière libanaise, le Fonds monétaire international (FMI) est présenté comme l’un des seuls acteurs capables d’apporter une solution économique viable au pays. Après des années de blocage, les discussions entre le Liban et l’institution financière ont repris, mais elles restent complexes et incertaines.

Le FMI exige des réformes structurelles profondes avant de débloquer une aide financière qui pourrait atteindre 3 à 5 milliards de dollars, nécessaires pour stabiliser l’économie libanaise et restaurer la confiance des investisseurs.

Les conditions imposées par le FMI

L’accord avec le FMI repose sur quatre grandes exigences, qui sont au cœur des tensions entre l’institution et les autorités libanaises :

  1. Un audit complet et transparent des banques :
    Le FMI exige que les banques libanaises fournissent des données précises sur l’état réel de leurs finances, ce qui inclut une évaluation détaillée des 72 milliards de dollars de pertes.Or, jusqu’ici, les banques ont refusé de se soumettre à un tel audit, ce qui bloque une grande partie des négociations. Les pressions politiques, exercées par les élites financières au sein du gouvernement Nawaf Salam, compliquent encore plus cette tâche.
  2. Une restructuration du secteur bancaire :
    L’institution demande une reconnaissance officielle des pertes bancaires et un plan de restructuration, qui implique des sacrifices pour les actionnaires et les créanciers des banques.Les banques s’y opposent fortement, préférant que l’État absorbe une partie des pertes grâce à l’argent public, ce que Nawaf Salam a rejeté publiquement dans sa déclaration.
  3. L’instauration d’un contrôle strict des capitaux :
    Depuis le début de la crise, des milliards de dollars ont été transférés à l’étranger par des personnalités politiques et financières, alors que les citoyens libanais voient leurs dépôts bloqués.Le FMI exige une loi de contrôle des capitaux claire et transparente, ce qui permettrait de limiter les fuites de capitaux et d’instaurer une égalité de traitement entre petits déposants et grandes fortunes.
  4. Une réforme monétaire et budgétaire :
    Le FMI souhaite voir le Liban adopter une politique monétaire plus stable, ce qui implique la fin des multiples taux de change qui régissent actuellement l’économie libanaise et favorisent les spéculations financières.Il exige aussi une réduction des déficits publics, ce qui obligerait l’État à adopter des réformes budgétaires douloureuses, notamment en matière de fiscalité et de subventions.

Quelle est la position de Nawaf Salam ?

Nawaf Salam a clairement exprimé son engagement en faveur d’un accord avec le FMI, mais il refuse que cet accord soit conclu aux dépens des citoyens libanais.

En déclarant que « les banques ne feront pas porter la crise aux citoyens », il a envoyé un message fort à la fois à l’opinion publique et aux négociateurs du FMI.

Cependant, sa capacité à imposer cette ligne politique est incertaine, car plusieurs membres influents de son gouvernement sont liés aux banques et pourraient chercher à édulcorer les réformes.

D’après des sources diplomatiques citées par Al Sharq Al Awsat (8 février 2025), Nawaf Salam serait sous pression de la communauté internationale pour accélérer les négociations avec le FMI, mais il fait face à une résistance interne, notamment de la part des ministres proches des banques.

Les obstacles qui se dressent devant Nawaf Salam

Trois principaux obstacles compliquent la mise en œuvre des réformes demandées par le FMI :

  1. L’opposition des banques à toute restructuration profonde :
    Les banques refusent de reconnaître l’intégralité des pertes et cherchent à minimiser leur contribution au redressement économique. Cette position est relayée au sein du gouvernement par plusieurs ministres qui entretiennent des liens étroits avec le secteur bancaire.
  2. Les divisions au sein du gouvernement :
    Certains membres du cabinet soutiennent l’approche du FMI, tandis que d’autres préfèrent protéger le statu quo bancaire, rendant difficile toute décision politique forte.
  3. Les tensions sociales et la crise politique :
    La population libanaise est exaspérée par la crise économique, et toute réforme perçue comme une nouvelle charge pour les citoyens pourrait provoquer une explosion sociale.

Une bataille diplomatique et politique en cours

Nawaf Salam a entamé une série de discussions avec des responsables occidentaux et arabes afin d’obtenir des soutiens pour renforcer sa position dans les négociations avec le FMI.

Selon Al Quds (8 février 2025), le Premier ministre a reçu des assurances de la part de la France et des États-Unis, qui souhaitent voir le Liban engager des réformes profondes et durables.

Cependant, les pays du Golfe restent prudents, attendant de voir si le gouvernement Nawaf Salam est réellement capable de mener à bien ces réformes avant d’envisager un soutien financier.

Le Premier ministre se retrouve donc face à un dilemme :

  • S’il impose une restructuration bancaire ambitieuse, il risque un affrontement direct avec les banques et leurs alliés politiques.
  • S’il cède aux pressions du secteur financier, il perdra sa crédibilité et l’accord avec le FMI pourrait échouer.

Son avenir politique dépendra de sa capacité à naviguer entre ces pressions et à imposer un compromis viable.

Un gouvernement sous tension face aux lobbies bancaires

Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, Nawaf Salam se heurte à des résistances internes qui risquent de compromettre son engagement à ne pas faire payer la crise bancaire aux citoyens.

Malgré sa volonté de négocier avec le Fonds monétaire international (FMI) et d’imposer des réformes structurelles, il doit composer avec une équipe ministérielle largement influencée par les milieux bancairesOnze ministres de son gouvernement entretiennent des liens directs avec des banques libanaises, ce qui affaiblit sa marge de manœuvre.

Une fracture au sein du gouvernement Nawaf Salam

Le cabinet ministériel est divisé en deux camps sur la question de la réforme du secteur bancaire :

  1. Les partisans d’une restructuration rapide :
    Une minorité de ministres soutient l’approche du FMI et plaide pour une reconnaissance totale des pertes bancaires, une restructuration et une redistribution équitable du fardeau financier.Ces ministres sont soutenus par Nawaf Salam et considèrent que retarder la réforme ne ferait qu’aggraver la crise et prolonger la paralysie économique du Liban.
  2. Les défenseurs du secteur bancaire :
    Ce groupe, plus influent, regroupe des ministres qui ont des liens étroits avec les grandes banques et qui tentent d’adoucir les réformes pour protéger les intérêts des institutions financières.Parmi eux, Yassine Jaber, ministre des Finances, est l’un des principaux opposants à une restructuration brutale. Il avait déjà tenté de minimiser les pertes des banques à 20 milliards de dollars au lieu des 72 milliards estimés par le FMI, ce qui fragilise sa crédibilité dans les négociations en cours.D’autres ministres, comme Joseph Al-Sadi (Énergie), Joe Issa Al-Khoury (Industrie) et Laura El Khazen (Tourisme), sont également perçus comme des relais des intérêts bancaires au sein du gouvernement.

Un bras de fer entre Nawaf Salam et son propre gouvernement

La première épreuve de force entre Nawaf Salam et son équipe est liée à l’audit du secteur bancaire, exigé par le FMI.

Le Premier ministre veut imposer un audit approfondi et indépendant, qui permettrait de clarifier les pertes réelles des banques et d’établir une base transparente pour la restructuration.

Cependant, plusieurs ministres liés au secteur bancaire freinent cette initiative, invoquant des raisons techniques et juridiques pour retarder la publication des résultats.

D’après Al Sharq Al Awsat (8 février 2025), Nawaf Salam a exprimé sa frustration en privé, affirmant que « tant que nous n’aurons pas de transparence, aucune réforme ne pourra aboutir ».

Mais il ne peut pas se permettre une crise gouvernementale dès le début de son mandat. L’opposition des ministres favorables aux banques ralentit les discussions avec le FMI et retarde la mise en œuvre des mesures urgentes pour stabiliser l’économie.

L’influence des banques dans le blocage des réformes

Les banques libanaises, qui ont déjà évité toute forme de restructuration depuis 2019, continuent d’exercer une pression considérable sur le pouvoir exécutif.

Elles disposent de trois moyens d’action majeurs pour bloquer les réformes :

  1. Le lobbying direct au sein du gouvernement :
    Les ministres liés aux banques s’opposent aux propositions trop contraignantes pour le secteur financier et tentent d’atténuer les mesures demandées par le FMI.
  2. Le contrôle des institutions financières et judiciaires :
    Le secteur bancaire bénéficie d’un réseau d’influence au sein de la Banque du Liban et du système judiciaire, qui permet de retarder les décisions politiques hostiles aux banques.
  3. La menace économique et financière :
    Certaines banques ont menacé d’aggraver la crise monétaire en réduisant encore l’accès aux liquidités, ce qui pourrait plonger le pays dans une situation encore plus critique si les réformes sont imposées trop brutalement.

Une pression croissante sur Nawaf Salam

Les négociations entre le Liban et le FMI sont directement impactées par ces divisions internesLes pays donateurs et les institutions financières internationales suivent de près l’évolution du dossier, et plusieurs diplomates occidentaux ont exprimé leurs inquiétudes quant à la capacité de Nawaf Salam à imposer des réformes réelles.

D’après Al Quds (8 février 2025)les bailleurs de fonds internationaux conditionnent leur soutien financier à des réformes concrètes et visibles. Ils exigent notamment des garanties sur l’audit bancaire et sur la mise en place de lois empêchant les banques de fuir leurs responsabilités.

Nawaf Salam se retrouve donc face à un choix difficile :

  • S’il cède aux pressions de son propre gouvernement, il risque de perdre sa crédibilité et de voir l’accord avec le FMI échouer.
  • S’il force les réformes, il s’expose à une crise politique majeure et à un affrontement direct avec les banques et leurs alliés.

L’avenir économique du Liban dépendra de sa capacité à surmonter ces blocages et à imposer une ligne politique claire.

Les scénarios possibles pour la réforme du secteur bancaire

La crise bancaire au Liban est un problème structurel qui ne peut plus être ignoré. Face à l’impasse des négociations et aux tensions internes au sein du gouvernement Nawaf Salam, plusieurs scénarios se dessinent pour l’avenir du secteur bancaire et du redressement économique du pays. Chacun de ces scénarios implique des concessions, des risques et des conséquences différentes pour les banques, les déposants et l’État libanais.

Une restructuration imposée par le gouvernement sous la pression du FMI

Le premier scénario envisagé serait celui d’une restructuration du secteur bancaire imposée par le gouvernement sous la pression du Fonds monétaire international. Nawaf Salam parviendrait à appliquer un plan de redressement conforme aux exigences de l’institution financière, ce qui constituerait une rupture avec les gouvernements précédents. Ce plan consisterait d’abord à reconnaître l’ensemble des pertes bancaires accumulées, une démarche essentielle pour restaurer la transparence et permettre une véritable restructuration du secteur financier. Ensuite, les banques seraient contraintes de supporter une partie des pertes en procédant à une recapitalisation sans recourir à l’aide publique, une mesure qui éviterait de faire peser le poids de la crise sur les citoyens.

Dans ce cadre, le gouvernement mettrait également en place une loi stricte sur les contrôles de capitaux, interdisant les transferts massifs de devises à l’étranger et imposant des règles de transparence bancaire. L’objectif serait d’éviter que les grandes fortunes libanaises puissent protéger leurs avoirs au détriment des déposants ordinaires. Une réforme monétaire accompagnerait ces mesures, avec une unification du taux de change, mettant ainsi fin aux taux multiples qui favorisent la spéculation et creusent les inégalités économiques.

Ce scénario permettrait de restaurer progressivement la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds internationaux, créant ainsi un climat favorable pour une reprise économique. Le Liban pourrait alors débloquer les fonds du FMI, ce qui stabiliserait la monnaie nationale et réduirait la pression sur les finances publiques. Toutefois, cette approche entraînerait inévitablement un affrontement avec les grandes banques, qui tenteraient de bloquer les réformes à travers leurs relais politiques au sein du gouvernement. Une telle décision provoquerait également des tensions sociales, notamment auprès des déposants fortunés et des actionnaires des établissements bancaires, qui verraient leur influence diminuer.

Un compromis entre le gouvernement, les banques et le FMI

Un autre scénario possible serait celui d’un compromis entre le gouvernement, le secteur bancaire et le FMI. Cette approche viserait à préserver un équilibre entre la nécessité de réformes et la volonté de ne pas provoquer un effondrement brutal du système financier libanais. Dans ce cas, le gouvernement reconnaîtrait officiellement une partie des pertes bancaires, mais sans aller jusqu’à l’intégralité des 72 milliards de dollars évoqués par le FMI. Un mécanisme de répartition serait mis en place, où l’État accepterait d’absorber une fraction des pertes à travers des obligations de long terme, tandis que les banques prendraient en charge une autre partie.

Ce compromis permettrait d’éviter un affrontement frontal avec le secteur bancaire et faciliterait les discussions avec le FMI, qui pourrait assouplir certaines de ses exigences. Les banques accepteraient d’apporter une contribution financière à la restructuration, mais sans que leurs actionnaires et grands créanciers ne soient directement affectés. Une loi sur le contrôle des capitaux serait instaurée, mais avec des clauses d’exception permettant aux grandes entreprises et aux investisseurs de transférer une partie de leurs fonds à l’étranger sous certaines conditions.

L’avantage de ce scénario résiderait dans sa faisabilité politique, puisque le gouvernement éviterait une crise institutionnelle et parviendrait à obtenir un accord avec le FMI sans risquer un blocage total des banques. Cependant, cette solution présenterait plusieurs inconvénients majeurs. En premier lieu, elle ne résoudrait pas en profondeur la crise bancaire, puisque les banques continueraient à bénéficier d’un soutien indirect de l’État sans véritable restructuration de leurs actifs. En second lieu, les citoyens risqueraient de se retrouver partiellement pénalisés, notamment si l’État devait compenser les pertes en augmentant les taxes ou en réduisant les dépenses publiques.

Le maintien du statu quo et l’absence de réformes

Le dernier scénario, bien que le plus inquiétant, est celui du maintien du statu quo, où aucune réforme substantielle ne serait mise en œuvre. Dans ce cas, le gouvernement Nawaf Salam ne parviendrait pas à imposer un plan de restructuration, faute de consensus interne et en raison de la pression exercée par les banques et certains acteurs politiques. Le secteur bancaire continuerait alors à fonctionner dans l’opacité, sans reconnaître officiellement l’ampleur de ses pertes, tandis que les négociations avec le FMI resteraient bloquées.

Ce scénario prolongerait la crise économique et monétaire, avec une inflation galopante et une perte continue de valeur de la livre libanaise. L’absence d’accord avec le FMI empêcherait le Liban d’obtenir des financements extérieurs, contraignant l’État à fonctionner en mode survie, avec des coupes budgétaires et des mesures d’austérité. Cette situation alimenterait le mécontentement populaire et renforcerait l’instabilité sociale, augmentant le risque de nouvelles manifestations et d’un effondrement du climat politique.

Dans ce contexte, les banques continueraient à restreindre l’accès aux dépôts des citoyens, maintenant leur mainmise sur l’économie nationale sans prendre de mesures pour assainir leurs bilans. L’absence de réforme monétaire favoriserait les pratiques spéculatives, creusant encore davantage les inégalités économiques entre les Libanais. Ce scénario, bien que redouté, demeure une possibilité en raison des résistances internes qui paralysent toute initiative de changement.

Un choix politique déterminant pour l’avenir du Liban

Nawaf Salam se retrouve face à un choix décisif. L’option d’une restructuration imposée est celle qui offrirait les meilleures perspectives de redressement économique à long terme, mais elle est aussi la plus risquée politiquement en raison des résistances qu’elle engendrerait. Un compromis avec les banques pourrait sembler plus viable à court terme, mais il ne permettrait pas de résoudre durablement les problèmes structurels du secteur bancaire. Quant au statu quo, il ne ferait qu’aggraver la situation et plongerait le Liban dans une crise prolongée aux conséquences désastreuses.

L’issue de cette bataille dépendra de la capacité du Premier ministre à naviguer entre ces pressions et à imposer une ligne claire face aux élites financières du pays. Sa promesse de ne pas faire payer la crise aux citoyens sera le véritable test de son mandat et déterminera si le Liban peut espérer une sortie de crise ou s’enfoncer encore davantage dans l’instabilité.

Un test décisif pour Nawaf Salam

(Ce qui se joue pour l’avenir du Premier ministre et du Liban)

L’arrivée de Nawaf Salam à la tête du gouvernement libanais a suscité un espoir fragile dans un pays en crise depuis des années. Son engagement à ne pas faire payer la crise bancaire aux citoyens a été perçu comme une prise de position forte face à un système économique et politique profondément corrompu. Pourtant, la réalité du pouvoir et les contraintes imposées par les élites bancaires et les tensions internes à son propre gouvernement rendent la mise en œuvre de ses promesses particulièrement difficile.

Une équation politique et économique complexe

Le Premier ministre doit composer avec un équilibre de forces défavorable. D’un côté, il est attendu par une population à bout de souffle, qui exige des réformes et une amélioration rapide des conditions de vie. De l’autre, il fait face à un secteur bancaire puissant et protégé, soutenu par plusieurs ministres influents et des groupes politiques bien implantés.

Le système libanais repose sur une collusion historique entre les élites politiques et financières. Depuis des décennies, les décisions économiques sont influencées par des intérêts bancaires qui ont su manœuvrer pour protéger leurs propres bénéfices, même en temps de crise. La composition même du gouvernement reflète ces tensions, avec plusieurs ministres directement liés aux banques. Ces derniers jouent un rôle clé dans le blocage des négociations avec le FMI et le ralentissement des réformes exigées par la communauté internationale.

Un calendrier serré pour agir

Le temps joue contre Nawaf Salam. La crise économique s’aggrave jour après jour, et chaque retard dans la mise en œuvre des réformes rend la situation plus difficile à stabiliser. L’inflation continue d’exploser, le chômage atteint des niveaux records, et les institutions financières internationales perdent patience face à l’incapacité du Liban à adopter un plan de redressement crédible.

L’un des principaux défis du Premier ministre est de convaincre les bailleurs de fonds internationaux qu’il est capable de briser l’inertie politique et de mettre en œuvre des réformes structurelles sans céder aux pressions des banques. Or, la communauté internationale commence à douter.

Les États-Unis, la France et plusieurs pays du Golfe ont clairement indiqué que toute aide économique substantielle dépendrait de la mise en place de mesures concrètes, notamment en ce qui concerne l’audit des banques, la mise en place d’un contrôle des capitaux et une réforme monétaire crédible.

Si ces réformes ne sont pas rapidement engagées, le Liban risque de se retrouver totalement isolé économiquement et diplomatiquement.

Les pressions internes et les menaces de paralysie

Au sein du gouvernement, les divisions s’accentuent entre ceux qui soutiennent les exigences du FMI et ceux qui tentent de préserver les privilèges du secteur bancaire. Nawaf Salam se retrouve dans une position délicate, où chaque décision risque de provoquer soit une crise politique, soit une rupture avec les institutions financières internationales.

Les ministres proches des banques, menés par Yassine Jaber, ministre des Finances, multiplient les manœuvres pour ralentir les réformes. Certains cherchent à imposer une version édulcorée du plan de restructuration, dans laquelle les banques n’auraient à assumer qu’une fraction des pertes. Cette approche est rejetée par le FMI, qui exige une reconnaissance totale des 72 milliards de dollars de pertes bancaires et une participation financière des établissements en difficulté.

Le risque d’une paralysie gouvernementale est réel. Si Nawaf Salam ne parvient pas à imposer son autorité, il pourrait se retrouver dans une impasse politique, incapable de faire passer les réformes nécessaires.

Les conséquences d’un échec pour Nawaf Salam et le Liban

Un échec de Nawaf Salam aurait des conséquences lourdes, tant pour son avenir politique que pour celui du pays. Si les réformes bancaires échouent, l’économie libanaise continuerait de s’enfoncer dans le chaos.

La monnaie nationale poursuivrait sa dépréciation, avec une inflation incontrôlable qui accentuerait encore la pauvreté et l’exode massif des Libanais vers l’étranger. L’absence d’un accord avec le FMI empêcherait le Liban d’accéder à des financements cruciaux, ce qui aggraverait la crise de liquidité et pousserait l’État à adopter des mesures d’austérité brutales.

Sur le plan politique, Nawaf Salam risquerait de perdre tout soutien populaire s’il est perçu comme incapable de tenir ses engagements. La colère sociale pourrait se traduire par de nouvelles vagues de manifestations et une défiance accrue envers l’ensemble du système politique.

Dans un tel scénario, il est même envisageable que le gouvernement tombe prématurément, ouvrant la voie à une nouvelle crise institutionnelle qui paralyserait encore davantage le pays.

L’ultime test de leadership

Le Premier ministre libanais joue son avenir politique sur cette question cruciale. S’il parvient à imposer des réformes audacieuses et à obtenir un accord avec le FMI, il pourrait devenir une figure clé du redressement du Liban. Son mandat serait alors marqué par une rupture avec les pratiques du passé, ce qui lui permettrait d’obtenir un soutien politique durable et de restaurer une partie de la confiance perdue.

Mais s’il cède aux pressions internes et renonce aux réformes, il restera dans l’histoire comme un Premier ministre de transition incapable de transformer le système. Il serait alors perçu comme un acteur de plus dans l’enlisement du pays, et son gouvernement ne serait qu’un énième épisode d’une crise politique qui n’en finit pas.

L’issue de cette bataille dépendra de sa capacité à surmonter les obstacles internes, à négocier avec le FMI sans compromettre ses engagements envers les citoyens, et à imposer une discipline gouvernementale malgré les résistances.

Un tournant historique pour le Liban

L’avenir du pays repose sur des choix qui seront faits dans les prochaines semaines. Le secteur bancaire doit être restructuré, les pertes doivent être assumées, et les citoyens ne doivent pas être ceux qui paient le prix de la crise.

Si Nawaf Salam parvient à tenir sa ligne, il pourrait amorcer un tournant historique pour le Liban, ouvrant la voie à une reconstruction économique durable. Mais s’il échoue, le pays risque de rester piégé dans un cycle de crises sans fin, où les banques continueront à dicter leurs lois au détriment du peuple.

L’heure des décisions approche, et Nawaf Salam devra bientôt prouver s’il est à la hauteur des défis qui l’attendent ou s’il sera contraint de céder aux forces qui ont plongé le Liban dans cette crise sans précédent.

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