Les derniers articles

Articles liés

Les réserves en devises : un pilier de l’économie libanaise fragilisé

- Advertisement -

Les réserves en devises étrangères ont été historiquement l’un des éléments clés du modèle économique libanais. Ces réserves, détenues principalement par la Banque du Liban, ont servi de garantie à la stabilité de la livre libanaise, permettant au pays de maintenir une parité fixe de sa monnaie par rapport au dollar américain. Cette politique monétaire stable était essentielle dans un pays où une large part de la consommation et des besoins en biens et services dépendait des importations. En effet, des secteurs tels que l’énergie, la santé et l’alimentation sont largement tributaires des importations. Jusqu’en 2019, les réserves de la Banque du Liban atteignaient des niveaux impressionnants, avoisinant 87 milliards de dollars, ce qui garantissait une certaine stabilité dans la gestion économique du pays. Cette base solide a permis au Liban de traverser plusieurs crises financières dans le passé sans entraîner une dévaluation massive de sa monnaie.

Cependant, la situation a radicalement changé avec l’apparition de la crise économique en 2019. Cette année marque le début d’une spirale descendante pour l’économie libanaise, en particulier en ce qui concerne la gestion des réserves en devises. La Banque du Liban a été confrontée à une diminution drastique de ses réserves en raison de plusieurs facteurs, notamment la mauvaise gestion des finances publiques, la corruption systémique, et l’incapacité à diversifier les sources de financement. Les réserves en devises qui permettaient jusqu’alors de financer les importations et de stabiliser la livre ont commencé à s’épuiser rapidement, provoquant ainsi une dévaluation de la monnaie nationale. La baisse de ces réserves a exacerbé la crise économique, mettant en lumière la dépendance du Liban à ses réserves étrangères et l’absence d’une économie suffisamment diversifiée pour résister à des chocs externes.

La diminution des réserves : causes et conséquences

La réduction des réserves en devises du Liban est attribuable à plusieurs facteurs économiques et politiques qui se sont accumulés au fil des années. L’un des principaux facteurs est l’épuisement des réserves pour financer des importations essentielles. Le Liban étant une économie ouverte, la majorité des biens nécessaires à la vie quotidienne, comme les produits alimentaires, l’essence, les médicaments et d’autres biens de consommation, proviennent de l’étranger. Dans un contexte de crise, la Banque du Liban a été contrainte de puiser dans ses réserves pour payer ces importations, ce qui a épuisé une grande partie des devises disponibles. Au fil du temps, les réserves se sont réduites à un rythme accéléré, ce qui a mis en péril la stabilité économique du pays.

Un autre facteur clé de cette diminution des réserves a été la gestion de la dette publique. Le Liban a longtemps financé son déficit budgétaire en émettant des bons du Trésor, que les banques libanaises ont largement souscrits. Cependant, cette stratégie a mis en place un système insoutenable de financement public. Lorsque les banques ont commencé à perdre leur liquidité et à se retrouver face à des créances douteuses, elles ont été moins disposées à acheter de nouveaux bons du Trésor. Cette situation a créé un cercle vicieux dans lequel la Banque du Liban a dû utiliser ses réserves en devises pour compenser le manque de financement interne.

En parallèle, la fuite des capitaux a exacerbé la crise. Dès que la confiance dans les institutions financières libanaises a commencé à se détériorer, une grande partie des réserves a été utilisée pour financer le retrait massif des dépôts. En 2020, environ 120 milliards de dollars de dépôts ont quitté le pays, accentuant la crise de liquidité et réduisant la capacité de la Banque du Liban à maintenir le taux de change de la livre libanaise. Cette fuite des capitaux a non seulement diminué les réserves en devises, mais elle a également contribué à la dévaluation de la monnaie, ce qui a eu des répercussions dramatiques sur l’ensemble de l’économie libanaise.

L’impact sur le taux de change et l’inflation

La diminution rapide des réserves en devises a eu un impact immédiat et dévastateur sur le taux de change de la livre libanaise. Avant la crise, la Banque du Liban maintenait une parité stable de la livre libanaise vis-à-vis du dollar américain, à un taux de 1 500 livres pour 1 dollar. Cependant, à partir de 2019, la dépréciation des réserves a mis une pression immense sur le marché des changes, car la Banque du Liban n’a plus pu soutenir la parité fixe de la monnaie. À mesure que les réserves diminuaient, la livre a perdu progressivement sa valeur, atteignant un taux de 20 000 livres pour 1 dollar en 2021 sur le marché officiel, tandis que le marché parallèle a vu un taux dépasser les 100 000 livres pour 1 dollar. Ce taux de change irrationnel a accentué l’instabilité économique et a plongé la population dans une spirale inflationniste.

Cette dévaluation a entraîné une inflation galopante, particulièrement dans les secteurs des biens de consommation de base. Selon les dernières estimations, les prix des produits alimentaires ont augmenté de manière exponentielle, avec une hausse de 500 % en 2020, et une inflation générale de 154 % en 2021. Ces augmentations vertigineuses des prix ont rendu les biens essentiels inaccessibles pour une grande partie de la population, qui voit ses revenus fondre à cause de la dévaluation. Un salaire moyen, auparavant équivalent à 1 000 dollars, n’a plus la même valeur aujourd’hui, la même somme représentant aujourd’hui environ 100 dollars en termes réels, rendant ainsi les travailleurs libanais incapables de subvenir à leurs besoins de base.

En parallèle, la dévaluation a créé des conditions de marché instables, avec une pénurie de biens de consommation essentiels. Les prix de l’essence, des médicaments et de l’électricité ont grimpé en flèche, alors que le Liban, traditionnellement dépendant des importations, se retrouve incapable de financer les achats nécessaires pour maintenir les services de base. Les entreprises locales, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), ont également souffert de cette flambée des coûts de production. L’incapacité à obtenir des dollars pour payer les importations et l’augmentation du coût des matières premières ont entraîné des fermetures d’entreprises, ainsi qu’une réduction significative des activités économiques.

Les conséquences sociales et économiques d’une crise des réserves

Les répercussions sociales de la crise des réserves sont immenses et tragiques. Le Liban, un pays autrefois considéré comme un pôle économique dynamique au Moyen-Orient, est aujourd’hui plongé dans une récession économique sans fin. L’impact de la crise des réserves a engendré un bouleversement social : environ 80 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Ce chiffre alarmant témoigne de la gravité de l’effondrement économique, où une majorité des Libanais lutte pour accéder aux produits de première nécessité.

Le chômage, déjà élevé avant la crise, a augmenté de manière significative, avec de nombreuses entreprises, particulièrement dans le secteur informel, fermant leurs portes en raison de l’inflation et de la perte de pouvoir d’achat. Les Libanais ayant un emploi, notamment dans le secteur public, ont vu leurs salaires perdre toute valeur en raison de l’hyperinflation, ce qui a fait disparaître la classe moyenne du pays. La vie quotidienne est devenue insupportable pour de nombreuses familles, qui ne peuvent plus se permettre d’acheter de la nourriture de base, de payer leurs factures de services publics, ni de se soigner.

En outre, les services publics sont devenus de plus en plus difficiles à obtenir. Le secteur de la santé a été particulièrement affecté, avec une pénurie d’équipements médicaux et de médicaments, exacerbée par l’incapacité d’importer des produits en raison du manque de devises. Les hôpitaux ont dû fermer certaines de leurs unités, faute de financement. De plus, les coupures d’électricité sont devenues fréquentes, affectant à la fois les entreprises et les foyers libanais. En somme, la crise des réserves a non seulement affecté l’économie, mais a également conduit à une crise humanitaire prolongée.

Le rôle des réserves d’or et des aides internationales

Face à la crise des réserves en devises, le Liban a cherché à utiliser ses réserves d’or pour stabiliser la situation économique. En 2023, la Banque du Liban détenait 9,2 millions d’onces d’or, dont la valeur est estimée à 26 milliards de dollars. Bien que l’or soit un actif précieux et considéré comme un refuge contre l’inflation, il n’est cependant pas aussi facilement utilisable que les réserves en devises. L’or ne permet pas de financer directement les importations de produits de première nécessité, ce qui reste la priorité pour le pays en crise. De plus, bien que l’or soit une valeur refuge, sa liquidité est limitée en comparaison avec les devises qui permettent un accès plus direct aux financements nécessaires à l’économie quotidienne. En conséquence, bien que l’or offre une certaine sécurité, il ne constitue pas une solution à court terme pour résoudre les problèmes immédiats de liquidité du pays.

Le Liban a également sollicité l’aide de la communauté internationale, notamment le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque mondiale, et des pays comme l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, et d’autres acteurs internationaux. Le soutien international est crucial pour aider le pays à restaurer ses réserves en devises et à stabiliser son économie. Cependant, l’aide fournie par ces institutions est souvent conditionnée à la mise en place de réformes politiques et économiques structurelles. Le FMI, par exemple, a offert une aide conditionnelle en échange de réformes qui incluent la restructuration du secteur bancaire, l’amélioration de la gouvernance et la mise en place de mesures de transparence. En raison de la corruption endémique et de l’inefficacité du gouvernement libanais, ces réformes ont souvent été retardées ou mal mises en œuvre, ce qui a retardé la possibilité de bénéficier de cette aide.

Malgré ces difficultés, certaines promesses d’aides financières ont été concrétisées, notamment par les pays du Golfe. Toutefois, ces aides n’ont pas été suffisantes pour renverser la tendance à la baisse des réserves et de la monnaie, et le pays reste fortement dépendant de l’aide extérieure pour éviter un effondrement total. Les Libanais attendent une solution à la crise qui inclut non seulement une assistance internationale, mais aussi une transformation profonde du système économique, afin de restaurer la stabilité financière et redresser l’économie.

Les perspectives d’avenir : réformes nécessaires et soutien international

Pour que le Liban puisse se relever de cette crise des réserves, il est impératif que des réformes profondes soient mises en place, en particulier dans la gestion des finances publiques et du secteur bancaire. Une restructuration de la dette publique est cruciale pour alléger le fardeau financier du pays et éviter de nouvelles dévaluations. Le Liban devra également entreprendre une réforme systématique de son secteur bancaire, qui reste fragile, en instaurant une plus grande transparence et en limitant les risques liés aux investissements dans des titres publics qui ont pris de la valeur au détriment des réserves. Ces réformes devront également être accompagnées de mécanismes de contrôle plus stricts pour empêcher la fuite des capitaux et restaurer la confiance dans le système financier libanais.

Le soutien international, bien que crucial, ne sera efficace que si le Liban parvient à surmonter ses problèmes internes de gouvernance. Les promesses d’aide, notamment du FMI et de la Banque mondiale, sont conditionnées à des engagements fermes sur des réformes politiques et économiques. Cependant, l’expérience du passé montre que ces réformes sont souvent retardées en raison de la division politique interne et de la résistance des élites au changement. Le Liban doit non seulement garantir des solutions financières immédiates, mais aussi mettre en place des bases solides pour un développement durable à long terme.

L’utilisation des réserves d’or, bien que partiellement valorisée, nécessite également un cadre législatif spécifique. En effet, pour que l’or détenu par la Banque du Liban puisse être vendu et utilisé pour stabiliser les finances du pays, le gouvernement doit adopter une loi permettant la vente de l’or. Actuellement, ces réserves d’or sont en grande partie inutilisables dans la crise actuelle, à moins qu’une législation appropriée ne soit mise en place pour autoriser leur vente. Cela pourrait fournir un soutien financier temporaire, mais ne suffira pas à résoudre la crise structurelle du Liban à long terme. Une stratégie de redressement économique, soutenue par des réformes financières et une gestion rigoureuse des ressources, est nécessaire pour restaurer la stabilité et la croissance.

- Advertisement -
Newsdesk Libnanews
Newsdesk Libnanewshttps://libnanews.com
Libnanews est un site d'informations en français sur le Liban né d'une initiative citoyenne et présent sur la toile depuis 2006. Notre site est un média citoyen basé à l’étranger, et formé uniquement de jeunes bénévoles de divers horizons politiques, œuvrant ensemble pour la promotion d’une information factuelle neutre, refusant tout financement d’un parti quelconque, pour préserver sa crédibilité dans le secteur de l’information.

A lire aussi