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Lutte contre le blanchiment d’argent au Liban, Une conférence ironique au cœur de la crise bancaire

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Le Liban, en proie à une crise économique sans précédent, accueille les 22 et 23 août 2024 à l’hôtel Phoenicia de Beyrouth le forum annuel pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Organisé sous le patronage du Dr. Wassim Mansouri, gouverneur par intérim de la Banque du Liban, et en partenariat avec l’Union des Banques Arabes, cet événement vise à traiter des défis financiers majeurs que le pays rencontre, en particulier les répercussions du blanchiment d’argent sur l’économie libanaise. Cependant, le timing de cette conférence revêt une dimension quelque peu ironique, au vu des scandales financiers qui continuent de secouer le Liban, ainsi que la probable inclusion du pays sur la liste grise de la GAFI.

Un forum sous tension

Alors que le Liban est à l’aube d’une intégration imminente sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), cet événement arrive à un moment critique pour le secteur bancaire libanais. La liste grise de la GAFI regroupe les pays identifiés comme présentant des carences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette inclusion représente un signe d’alarme pour les investisseurs internationaux et un désaveu pour les banques libanaises, déjà profondément affaiblies par des pratiques de gestion douteuses et des accusations de détournements massifs de fonds.

Depuis le début de la crise financière en 2019, les banques libanaises ont été accusées de favoriser le transfert illégal de milliards de dollars à l’étranger, alors que la population était privée de l’accès à ses comptes. Les accusations de détournements de fonds visant directement certains banquiers, dont l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, ont gravement terni l’image du secteur bancaire libanais. Des enquêtes internationales ont révélé que des fonds illicites provenant du Liban avaient été transférés sur des comptes en Suisse, exacerbant la colère populaire face à l’impunité des élites bancaires​.

Objectifs et thèmes du forum

Malgré ce contexte tendu, la conférence ambitionne de proposer des solutions concrètes pour restaurer la confiancedans le système bancaire libanais. Les principaux objectifs du forum incluent :

  • Renforcer la coopération régionale pour surveiller et contrer les flux financiers illicites.
  • Évaluer les impacts des exigences internationales, notamment celles de la GAFI, sur le secteur bancaire libanais.
  • Adopter des recommandations pour améliorer la transparence des transactions bancaires et lutter contre les fraudes financières.

Parmi les thèmes abordés figurent les méthodes de blanchiment d’argent à travers le commerce et les frontières, les sanctions internationales et leur impact sur l’économie libanaise, ainsi que les réformes nécessaires pour protéger le système financier national de l’effondrement.

Une conférence paradoxale

Le fait que ce forum se déroule au Liban, un pays où le blanchiment d’argent et la corruption sont des problèmes systémiques, ne manque pas de susciter l’ironie. Tandis que les banques locales sont accusées d’avoir facilité des transferts de fonds massifs au profit de l’élite politique et financière, la tenue d’une conférence sur ce sujet dans la capitale libanaise apparaît presque comme une tentative de réhabilitation. Nombre d’observateurs estiment que ce genre d’événements, bien que nécessaires, reste déconnecté des réalités politiques et économiques du pays. Le manque de volonté politique et les conflits d’intérêts au sein des institutions financières risquent de freiner toute réforme sérieuse.

L’impact du blanchiment d’argent sur l’économie libanaise

Les répercussions du blanchiment d’argent sur l’économie libanaise sont catastrophiques. Le pays a vu ses réserves de devises fondre, tandis que la livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur. Le secteur bancaire, autrefois considéré comme un pilier de stabilité, est désormais en faillite technique, et des scandales financiers ont plongé le pays dans une récession profonde. Les banques libanaises, en plus d’avoir gelé les comptes des citoyens ordinaires, sont accusées d’avoir permis à certains privilégiés d’échapper à ces restrictions, aggravant ainsi la méfiance populaire.

Les pratiques de blanchiment d’argent ont également isolé le Liban du système financier mondial. Les institutions internationales et les investisseurs se sont éloignés, ne pouvant plus faire confiance à un secteur bancaire perçu comme corrompu et non réformé. Ce forum vise à réhabiliter l’image des banques libanaises sur la scène internationale, mais il est clair que sans des réformes drastiques et une responsabilisation des acteurs fautifs, ces efforts risquent de rester lettre morte.

Conclusion

Cette conférence sur la lutte contre le blanchiment d’argent reflète la reconnaissance des autorités libanaises du besoin urgent de réformer leur secteur financier. Cependant, l’ironie de la situation ne peut être ignorée : alors que le pays est sur le point d’intégrer la liste grise de la GAFI, les responsables de ce désastre financier continuent de jouir d’une impunité qui fragilise encore davantage l’économie libanaise. Si le Liban souhaite éviter un effondrement total de son système bancaire, des actions décisives devront être prises pour lutter contre la corruption endémique et mettre fin aux pratiques de détournement de fonds qui ont mis le pays à genoux.

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