Le 19 août 2024, Banque Audi a publié un communiqué de presse en réaction à une plainte déposée contre elle par l’International Finance Corporation (IFC) et un fonds qui lui est affilié. L’IFC, membre du groupe de la Banque mondiale, a engagé des procédures judiciaires devant la Haute Cour d’Angleterre pour obtenir le remboursement intégral de deux prêts subordonnés conclus en mars 2014. Ce litige s’élève à un montant de 234 millions de dollars, auquel s’ajoutent les intérêts, et place la banque dans une situation délicate face à ses créanciers internationaux, tout en reflétant les profondes crises économique et financière que traverse le Liban.

Les prêts subordonnés au cœur du différend

Dans son communiqué, Banque Audi souligne que les prêts en question sont subordonnés, c’est-à-dire qu’ils ne doivent être remboursés qu’après que toutes les autres dettes, telles que les dépôts des clients, aient été réglées. Selon la banque, ces prêts restent subordonnés même après leur échéance en avril 2024. En conséquence, Audi argue que la demande de remboursement de l’IFC ne respecte pas la hiérarchie des créances et ignore la situation actuelle au Liban.

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En effet, depuis octobre 2019, le Liban connaît une crise sans précédent, décrite par la Banque mondiale comme « l’une des trois pires crises économiques au monde depuis le milieu du XIXe siècle ». Cette situation a empêché de nombreux déposants libanais, dont ceux de Banque Audi, de récupérer leurs fonds en dollars américains de manière non restreinte. L’IFC, en tant qu’institution du groupe de la Banque mondiale, est pleinement consciente de ces circonstances, selon Banque Audi.

Les restrictions imposées par la Banque du Liban

Un élément clé de ce litige repose sur une décision de la Banque du Liban (BDL) datant du 27 mars 2024. Le Conseil central de la BDL a décrété que le remboursement des prêts subordonnés de l’IFC était suspendu dans l’attente de l’adoption d’une loi sur la restructuration bancaire. Cette décision vise à protéger les dépôts et à établir un ordre de priorité clair dans le cadre de la gestion des dettes bancaires.

Dans ce contexte, la Banque Audi estime que l’IFC, en insistant sur le remboursement immédiat et complet de ces prêts, enfreint non seulement les règles de subordination des créances, mais aussi les directives de la Banque centrale. Le communiqué exprime le regret de voir l’IFC, une institution historiquement proche de la Banque Audi, adopter une telle position en dépit des efforts constants de la banque pour honorer ses autres engagements financiers.

Historique des relations entre l’IFC et Banque Audi

Banque Audi rappelle dans son communiqué que sa relation avec l’IFC a longtemps été fructueuse. IFC a accordé à la banque plusieurs facilités financières, dont les fonds ont été utilisés pour soutenir le développement économique au Liban et dans d’autres pays où Audi opère, notamment via sa filiale turque, Odea Bank. De plus, jusqu’en 2020, Banque Audi a payé à l’IFC plus de 66 millions de dollars en intérêts sur les prêts subordonnés. Cependant, la banque a dû interrompre ces paiements en raison de l’absence de profits libres, une condition nécessaire au versement des intérêts. En outre, l’IFC a également perçu des dividendes substantiels en tant qu’actionnaire de Banque Audi.

Malgré ce partenariat de longue date, l’IFC exige aujourd’hui le remboursement intégral des prêts, sans tenir compte de leur statut subordonné ni de la situation économique désastreuse que traverse le Liban. Banque Audi dénonce ce que la banque considère comme une contradiction avec les valeurs prônées par l’IFC, notamment l’intégrité et la responsabilité.

Enjeux pour le secteur bancaire libanais

Ce litige dépasse le cadre de la relation bilatérale entre Banque Audi et l’IFC. Il s’inscrit dans un contexte plus large de restructuration du système bancaire libanais, dont la survie dépend en grande partie des décisions politiques et légales en cours, notamment celles de la Banque centrale et du gouvernement libanais. Les prêts subordonnés, qui constituent un levier financier important pour les banques, sont désormais au centre d’un débat juridique qui pourrait avoir des répercussions sur les relations du Liban avec ses créanciers internationaux.

Banque Audi souligne que sa priorité reste la défense de ses déposants, lesquels sont en première ligne dans la crise actuelle. Dans son communiqué, la banque appelle également l’IFC à jouer un rôle constructif dans la sortie de crise du Liban, en adéquation avec les objectifs du groupe de la Banque mondiale. Toutefois, elle affirme qu’elle se défendra vigoureusement contre les revendications de l’IFC devant la Haute Cour d’Angleterre.

En somme, ce conflit juridique souligne non seulement les difficultés économiques que traverse le Liban, mais aussi les tensions croissantes entre les institutions financières locales et internationales. L’issue de cette affaire pourrait avoir un impact significatif sur la manière dont les banques libanaises gèrent leurs engagements vis-à-vis des créanciers étrangers et sur la restructuration à venir du secteur bancaire.

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Références

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