La Franc-Maçonnerie dans le Monde arabe et musulman

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Le Grand Orient au Moyen Orient

L’Angleterre aura durablement façonnĂ© le Moyen-Orient Ă  son image, plus que toute autre puissance coloniale.

En partenariat avec Madaniya.info – Des accords Sykes-Picot, en 1916, portant dĂ©membrement de l’Empire ottoman et son partage en zone d’influence entre la France et la Grande Bretagne, Ă  l’avantage des Anglais, Ă  la Promesse Balfour, en 1917, portant crĂ©ation d’un Foyer National Juif en Palestine, Ă  la propulsion de la dynastie wahhabite Ă  la tĂȘte du royaume saoudien et de la dynastie hachĂ©mite sur le trĂŽne jordanien, Ă  la mainmise enfin sur le golfe pĂ©trolier, tout, absolument tout, aura portĂ© la marque de son empreinte, y compris l’introduction de la Franc-Maçonnerie dans le Monde arabe et musulman. À l’ancrage du Grand Orient au Moyen Orient en vue d’accompagner le Monde arabo-musulman dans son accession Ă  la modernitĂ©.

La premiĂšre loge de la Grande Loge d’Écosse en Syrie remonte en effet Ă  1748, soit trente ans avant la RĂ©volution française. Elle a Ă©tĂ© instituĂ©e d’ailleurs par Alexandre Drummondville, Consul britannique Ă  Alep et frĂšre de Georges Drummond, Grand MaĂźtre de la Grande loge d’Écosse (1752-1753), lui mĂȘme grand provincial (1739-1747).

L’objectif sous-jacent de l’ancrage du Grand Orient au Moyen Orient sera repris d’une maniĂšre agressive, deux siĂšcles plus tard, par les nĂ©oconservateurs amĂ©ricains, sous la prĂ©sidence du rĂ©publicain George Bush Jr (2008-2008) en vue d’édifier un «Grand Moyen Orient» sur les dĂ©bris du Moyen orient, avec les dĂ©sastreuses consĂ©quences gĂ©nĂ©rĂ©es tant au niveau des relations entre Islam et Occident que sur le plan de la radicalisation xĂ©nophobe entre les deux rives de la MĂ©diterranĂ©e.

Le Grand Manitou Jean Marc Aractingi ou les pesanteurs sociologiques de l’europĂ©ocentrisme

Le halo de mystĂšre qui entoure la Franc-Maçonnerie dans le Monde arabe et musulman pourrait se dissiper Ă  la lecture de l’ouvrage en quatre tomes rĂ©digĂ© par l’un des siens, Jean Marc Aractingi, un hyper-capĂ© du cursus universitaire français en mĂȘme temps qu’un grand ponte de la Franc-Maçonnerie.

MaĂźtre Ă  la Grande Loge de France et de l’Orient de Paris, membre correspondant de la cĂ©lĂšbre loge de recherche Jean Scott europĂ©enne de la Grande Loge de France, haut dignitaire du Souverain Sanctuaire International des rites Ă©gyptiens de Memphis Misraim et Commandeur de l’Ordre de La Fayette, Jean Marc Aractingi, Grand maĂźtre du Grand Orient Arabe, est pour les initiĂ©s (33e,99e, CBCS, 7e R), autrement dit le «Grand Manitou».

Son cursus universitaire n’en est pas moins impressionnant.

DiplĂŽme de l’École Centrale de Paris (DEA thermique), cet ingĂ©nieur en Ă©nergie solaire est titulaire d’un triple diplĂŽme : DEA thermique-Centrale, DEA en DĂ©veloppement de l’UniversitĂ© Paris I-Sorbonne, DiplĂŽme de 3e cycle en Diplomatie SupĂ©rieure du Centre des Études Diplomatiques et StratĂ©giques de Paris (CEDS), par ailleurs ancien stagiaire au CollĂšge InterarmĂ©es de dĂ©fense (anciennement École de Guerre)-Exercice COALITION 2003.

Ancien PDG du Groupe ARCORE-SOLARCORE SA, il est PrĂ©sident de l’Association Franco-Arabe des DiplĂŽmĂ©s des Grandes Écoles Françaises. Il est l’auteur du livre «Peintres orientalistes», Éditions vues d’Orient (2003) et co-auteur avec Christian Lochon du livre sur «ConfrĂ©ries soufies: secrets initiatiques en Islam et rituels maçonniques (Harmattan 2008). En prĂ©paration pour 2017 : «Les Druzes, Francs Maçons de l’Orient» aux Éditions Erik Bonnier.

Cet Ă©tat de service, paradoxalement, ne lui sera d’aucune utilitĂ© devant les pesanteurs sociologiques de l’europĂ©ocentrisme. La Franc-maçonnerie est certes une instance d’ouverture, sous rĂ©serve toutefois que les maçons arabes et musulmans souscrivent aux Canons de l’Occident.

Dans le cas d’espĂšce, le Grand Manitou» arabe dĂ©tient le «Grand Chelem» faisant ses preuves avec brio dans les enceintes universitaires occidentales. Arabe et lettrĂ©, voire hyper-capé  un cursus qui fait tĂąche.

L’obĂ©dience maçonnique en France -Le Grand Orient Arabe- est ainsi, sinon boycottĂ©e, sinon ostracisĂ©e Ă  tout le moins ignorĂ©e pat les grands mĂ©dias français, et, fait plus grave, par la plupart des grandes obĂ©diences, du Grand Orient de France Ă  la Grande Loge Nationale de France (GNLF).

Pas un article, ni le moindre entrefilet, sur ses activitĂ©s ou ses prises de position, alors que site central de l’obĂ©dience enregistre prĂšs de 500.000 visiteurs, en dĂ©pit de l’attrait qu’exerce, ne serait-ce qu’à titre de curiositĂ©, cette structure Ă  la faveur de la sĂ©quence dite du «printemps arabe».

La Franc-Maçonnerie en terre d’Islam (Turquie, Égypte, Iran, AlgĂ©rie, Maroc)

Sans surprise, la franc-maçonnerie a Ă©tĂ© introduite en terre d’islam par les diplomates europĂ©ens accrĂ©ditĂ©s auprĂšs des pays appartenant Ă  l’Empire ottoman.

Ainsi les premiĂšres loges ont vu le jour Ă  Smyrne (Turquie) et Ă  Alep en Syrie dĂšs 1738. Elles ont attirĂ© les «Autochtones» issus la plupart de personnalitĂ©s appartenant Ă  l’élite (intellectuels, hauts fonctionnaires, magistrats). Plusieurs dirigeants ont appartenu Ă  ces loges comme IsmaĂ«l Pacha le fils du khĂ©dive d’Égypte, l’émir Abdelkader en AlgĂ©rie, le prince Askari Khan en Iran, le sultan Mourad V en Turquie.

Les Francs-maçons du Moyen Orient ont ƓuvrĂ© pour la diffusion des idĂ©es de laĂŻcitĂ©, de tolĂ©rance et de fraternitĂ© qui ont largement contribuĂ© au dĂ©clin de l’Empire Ottoman.

Libanais, Syriens, Palestiniens se sont retrouvĂ©s en maçonnerie pour mener le mĂȘme combat, celui de l’éveil des consciences politiques. Ils jouĂšrent un rĂŽle important dans l’émergence de divers nationalismes (arabe, panislamique, libanais) ainsi que dans le mouvement d’éveil littĂ©raire et social connu sous le nom de Nahda (Renaissance).

Dans la dĂ©cennie 1920, cette maçonnerie connaĂźtra un foisonnement de loges, avec l’arrivĂ©e d’une Ă©lite comprenant des hommes politiques, Ă©crivains (Gibran Khalil Gibran
), philosophes, journalistes, mĂ©decins ou avocats. AprĂšs le dĂ©membrement de l’Empire ottoman, elle trouvera son Ăąge d’or en Égypte et surtout au Liban et en Syrie sous le Mandat français. Il en est de mĂȘme pour les pays du Maghreb (AlgĂ©rie, Tunisie et Maroc).

Des présidents et des Premiers ministres y ont adhéré :

  • AlgĂ©rie : L’Émir Abdel Kader, le prĂ©sident Mohammad Boudiaf et le gĂ©nĂ©ral Larbi Belkheir, un cacique de l’appareil sĂ©curitaire algĂ©rien.
  • Égypte : Le Roi Farouk, Saad Zaghloul, premier ministre sous la monarchie, le Colonel Ahmad Orabi Pacha, chef du combat contre la prĂ©sence britannique en Égypte, le Prince Ibrahim Pacha, Vice-roi d’Égypte, le prince Tawfick, Vice-roi d’Égypte.
  • Jordanie : Le Roi Hussein et son frĂšre, le Prince Hassan.
  • Liban : Charles Debbas, PrĂ©sident de la RĂ©publique sous le mandat français (1919-1943), le prĂ©sident Camille Chamoun (1952-1958), Charles Malek, ministre des affaires Ă©trangĂšres, le premier ministre Riyad Al Solh, premier ministre de l’époque de l’indĂ©pendance et son cousin Sami Al Solh, Ă©galement premier ministre, l’écrivain Jirji Zeydan, l’avocat Moussa Prince et Daher Dib, les deux grands pontes de la maçonnerie libanaise.
  • Maroc : Ahmed RĂ©da GuĂ©dira, ministre des Affaires Ă©trangĂšres et ancien directeur du cabinet royal sous le rĂšgne de Hassan II, Driss Basri, redoutable ministre de l’intĂ©rieur sous Hassan II, Moulay Ahmad Al Alaoui, cousin du Roi et directeur du journal «Le Matin du Sahara», ainsi que le sultan Hafid.
  • Syrie : Ahmad Nami Bey, prĂ©sident de la RĂ©publique sous le mandat français, Quatre premiers ministres: Haqqi Bey Al Azm, Loutfi Al Haffar, Ata Al-Ayoubi, Jamil Mardam Bey, ainsi que Ibrahim Hananou, le colonel putschiste Housni ZaĂŻm et le prĂ©sident post indĂ©pendance Choucri Al Kouatly.
  • Tunisie : le prĂ©sident Habib Bourguiba et le premier ministre Salahedinne Baccouche.
  • Turquie : Trois loges relevait du «Grand Orient de France» opĂ©raient en Turquie :
  1. La Loge «Union d’Orient» qui comptait dans ses rangs des personnalitĂ©s de haut rang le Prince Mustapha Fazil, le grand vizir (premier ministre) Ibrahim Ehdem Pacha
  2. La Loge «I Proodos» a eu comme membre le Sultan Mourad V et l’intellectuel Namik Kemal
  3. La Loge «Macedonia Risorta» qui abritera des membres de l’organisation «Jeunes Turcs» comme le grand vizir Talaat Pacha
  • Égypte : Jamal Eddine Al Afghani.
    La cĂ©lĂšbre loge «Les Pyramides» (affiliĂ©e au Grand Orient de France) a eu comme membres le prince Abdel Halim Pacha et Ismail Pacha, le propre fils du KhĂ©dive d’Égypte Ă©tait affiliĂ© Ă  une loge maçonnique.

Jamal Eddine Al Afghani Ă©tait, lui, membre du «Kawkab Al Charq» (l’Astre de l’Orient) appartenait Ă  la Grande Loge Unie d’Angleterre. Déçu par son manque d’activitĂ© politique, il fondera sa propre loge «Al Mahfal Al Watani» (La Loge Nationale). De concert avec le Mufti Mohammad Abdo et Adib Ishaq, Jamal Eddine Al Afghani a Ă©tĂ© l’un des trois prĂ©curseurs du mouvement «An Nahda», la renaissance culturelle et politique du Monde arabe.

Iran: Amir Abbas Hoveyda

La cĂ©lĂšbre loge «Le RĂ©veil de l’Iran», affiliĂ©e au «Grand Orient de France» comptait parmi ses membres le prince Askari Khan et plusieurs futurs premiers ministres dont Mohammad Foroughi et Amir Abbas Hoveyda, condamnĂ© Ă  la mort par la RĂ©volution Islamique, passĂ© Ă  la postĂ©ritĂ© non pour ses mĂ©faits mais pour l’épouvantable interview, conduite toute honte bue, Ă  la veille de son supplice et dans la cellule de sa prison par la cĂ©lĂšbre «Reine» Christine Ockrent.
http://www.renenaba.com/christine-ockrent-le-passe-droit-permanent/

Plus de 150 photos de francs-maçons, de listes de maçons turcs, Ă©gyptiens et iraniens, etc.. de loges cĂ©lĂšbres illustrent cet ouvrage comme autant de «preuves par le texte» des affirmations de l’auteur dont l’objectif pĂ©dagogique est de «mettre Ă  la portĂ©e de tous un ouvrage de vulgarisation, avec pour toile de fond, l’histoire des loges et des hommes cĂ©lĂšbres qui ont façonnĂ© tout au long des siĂšcles cette franc-maçonnerie arabo-musulmane si mĂ©connue du grand public».

ILLUSTRATION

L’équerre et le compas posĂ©s sur une Bible, emblĂšmes de la franc maçonnerie (RĂ©gis Duvignau/Reuters).

ReneNaba
RenĂ© Naba | Journaliste, Ecrivain, En partenariat avec https;//www.Madaniya.info Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opĂ©rĂ© pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expĂ©rience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a Ă©tĂ© la premiĂšre personne d’origine arabe Ă  exercer, bien avant la diversitĂ©, des responsabilitĂ©s journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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