Drôle de Pays que ce Liban

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Beyrouth dans le brouillard, crédit photo: François el Bacha, tous droits réservés.

Drôle de ce pays que ce Liban, ou il est tout simplement permis de s’auto-prolonger du moment ou on est élu, ou il est permis de voler, du moment ou on est politicien, et même ou il est permis de tuer du moment ou on a un soutien politique. Avoir une arme pour sortir faire des courses, aller en boite, cela semble aujourd’hui même normal. “Tiens on va s’amuser à se battre après le NightClub, à tuer une personne à défaut de tuer le temps”. Shérif ou es-tu dans ce Far pas vraiment West, mais plutôt complètement à l’ouest mes pauvres”. Tout va mal direz-vous, on n’a même plus envi de se mobiliser, défaitisme, certains diront également, non, lassitude plutôt peut-être

Drôle de pays que ce Liban, ou l’on peut commettre les pires crimes sur la route, mais prière de tout de même respecter les limitations de vitesse. Les lignes sur la route, des dessins, il faut bien rouler au milieu ni à droite, ni à gauche et surtout lentement. On peut prendre des sens interdits, même sur une autoroute qui n’en ait d’ailleurs même pas une, magasins et autres boutiquiers sur les cotés le démontrant, ou encore faire des Between comme on appelle ici les queues de poisson devant un flic, il ne réagirait pas, même lui-même victime. Lassitude? Peut-être. Défaitisme, probablement. Ignorance du code la route, très probable d’un coté comme de l’autre. Manque de savoir-vivre, de bonnes manières, cela est certain.

Drôle de pays que ce Liban qui oublie ses richesses patrimoniales, identitaires, sa culture, au profit au sens propre de quelques promoteurs avides de richesses personnelles, parfois avec la complicité de politiciens ou de fonctionnaires eux-même souvent corrompus, l’argent au détriment de la fierté et de l’honneur de servir son pays.  Drôle de pays ou on élit une capitale pourrie par la pollution, le trafic, 7ème merveille mondiale dans un soucis de marketing, Merchandising d’une image de marque bien décrépie, ou le Loubnan al Akhdar ou Liban vert a été remplacé par le Loubnan al Batoun ou Liban bétonné. Peut-être est-ce la une manière de redistribuer les richesses, en faveur du haut de la pyramide, le reste doit se contenter des quelques miettes restantes. En parlant de miette, drôle pays que ce Liban, ou aller dans des restaurants, se montrer, culture du show-off oblige, pour être malade ensuite, insécurité alimentaire oblige, voir parfois prolonger un séjour dans un hôpital voir même risquer de gagner une hospitalité permanente, six pieds sous-terre. Un pays également ou les artistes se meurent littéralement à la tâche, défaut de sécurité sociale oblige, même si aujourd’hui la chose est corrigée, beaucoup, et non des moindres, ont déjà trépassé faute de soin adéquat.

Drôle de pays que ce Liban dont la population se mobilise pour l’étranger, oubliant bien vite ses propres victimes et bourreaux. #OnnestpasLibanais, #Onnestpassolidaire en fin compte, #onestcommunautaire souvent, pas tout le temps tout de même, il faut bien faire passer ses intérêts personnels avant toute chose, #onestindividualiste, la plupart du temps, “OH OUI” dans un réflexe presque orgasmique. Nos terroristes ont le droit de communiquer avec leurs complices, la liberté d’expression, voyons au Liban est complète et concerne tout le monde y compris les pires – sauf les citoyens les plus honnêtes qui sont obligés de se la fermer, menaces obligent – , Internet et réseaux mobiles étant disponibles à Roumieh même, il faut bien les laisser coordonner les prochains attentats, amusant la galerie, et donner des prétextes bien futiles permettant à nouveau à la classe politique de polémiquer sur les responsabilités de chacun à défaut de considérer leurs propres responsabilités réciproques. Exit également, les disparus de la guerre civile depuis fort longtemps, exit les victimes des conflits  qui ont jalonné même notre histoire récente, Denniyeh de 2000, Guerre israélo-libanaise de 2006, Nahr Bared en 2007, le souvenir des derniers évènements de Tripoli, de Saida ou d’Arsal s’estompe déjà. Beaucoup de pays se recueillent sur les tombes des soldats inconnus, le peuple lui-même victime ne se recueille même plus sur ses propres tombes. Peuple tout simplement amnésique.

Drôle de Liban que les Libanais rêvent de quitter quand ils y sont domiciliés et ou ils rêvent de revenir une fois à l’étranger. Une relation quasi-sadomasochiste, pimentée par un syndrome de Stockholm ou, otage d’une situation qui la dépasse le plus souvent, la population – victime souvent mais aussi mouton de Panurge en fin de compte – fini par admirer et travailler pour ses kidnappeurs préférés, pays étrangers sous-traitant aux mafieux locaux.

Un jour quelqu’un m’a dit “ah oui, mais toi, tu n’aimes pas le Liban”, chose qui m’a choqué. Je suis un citoyen qui rêve d’un autre pays et qui se retrouve coincé dans un Liban qui ne lui ressemble effectivement pas, drôle de pays que ce Liban ou tout va mal, certes, mais ce n’est pas mon Liban auquel j’ose espérer un jour prochain et j’espère qu’il reste encore des rêveurs comme moi d’un Liban meilleur demain.

François el Bacha

François El Bacha
Expert économique, François el Bacha est l'un des membres fondateurs de Libnanews.com. Il a notamment travaillé pour des projets multiples, allant du secteur bancaire aux problèmes socio-économiques et plus spécifiquement en terme de diversité au sein des entreprises.

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