La tension entre l’Iran et le Liban a atteint un nouveau sommet après l’interdiction d’atterrissage imposée à un vol de la compagnie iranienne Mahan Air à l’aéroport de Beyrouth. En réponse, Téhéran a répliqué en refusant aux avions libanais l’autorisation de survoler son territoire, accentuant ainsi la crise. Cette mesure a immédiatement déclenché une vague de protestations de la part des partisans du Hezbollah et des groupes pro-iraniens au Liban, qui ont organisé des manifestations et des blocages de routes, notamment aux abords de l’aéroport international Rafic Hariri.
L’incident a pris une ampleur internationale lorsque Israël a saisi cette opportunité pour dénoncer ce qu’il qualifie de « pont aérien militaire » entre Téhéran et Beyrouth. Depuis plusieurs mois, Tel-Aviv affirme que l’aéroport international de Beyrouth sert de hub logistique pour le transfert d’armes sophistiquées vers le Hezbollah. L’armée israélienne a ainsi multiplié les avertissements à l’égard du gouvernement libanais, soulignant que tout trafic aérien suspect pourrait être considéré comme une cible militaire légitime.
Dans une déclaration relayée par Al Sharq Al Awsat (15 février 2025), le porte-parole de Tsahal, Avichay Adraee, a affirmé que les services de renseignement israéliens surveillent de près les activités de l’aviation iranienne sur le territoire libanais. Il a accusé le Hezbollah d’utiliser des vols commerciaux comme couverture pour importer des systèmes de défense antiaériens et des drones de combat.
L’escalade verbale israélienne a pris une tournure plus inquiétante lorsqu’un haut responsable militaire israélien, sous couvert d’anonymat, a confié à Al Quds (15 février 2025) que si le Liban ne prenait pas de mesures pour empêcher ces vols suspects, Israël se verrait contraint d’agir par la force. Une déclaration qui rappelle les frappes israéliennes répétées sur l’aéroport de Damas en Syrie, où l’Iran utilise des infrastructures civiles pour acheminer des armes à ses alliés régionaux.
Ces menaces ont mis en alerte le gouvernement libanais, qui cherche à éviter un scénario similaire à celui de Damas, où les frappes israéliennes ont régulièrement détruit des infrastructures aéroportuaires, causant d’importants dommages économiques et sécuritaires. Le ministre libanais des Transports a convoqué une réunion d’urgence avec les responsables de l’aviation civile et les services de sécurité pour réexaminer les protocoles de contrôle des vols iraniens.
Toutefois, cette décision a immédiatement provoqué la colère du Hezbollah et de ses alliés, qui y voient une soumission aux pressions américaines et israéliennes. Des groupes proches du parti chiite ont organisé des manifestations spontanées aux abords de l’aéroport Rafic Hariri, bloquant certaines routes avec des pneus enflammés et appelant le gouvernement à refuser tout alignement avec les « diktats étrangers ».
Les déclarations israéliennes ont également été perçues comme une tentative de provoquer une crise interne au Liban, en exacerbant les divisions entre les forces politiques pro-occidentales et les groupes alignés sur l’Iran. D’un côté, des figures comme Samir Geagea (Forces libanaises) et Fouad Makhzoumi ont appelé à une stricte surveillance des vols iraniens, soutenant que le Liban ne peut se permettre d’être entraîné dans une guerre régionale pour le compte de Téhéran. De l’autre, des députés du Hezbollah ont mis en garde contre une compromission de la souveraineté libanaise, avertissant que céder à la pression israélienne ne ferait qu’encourager d’autres formes d’ingérence.
Les États-Unis, par la voix du département d’État, ont apporté un soutien tacite aux préoccupations israéliennes, affirmant que le Liban devait prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher le transit d’armes vers des organisations terroristes. En revanche, la France a adopté une approche plus nuancée, exprimant son inquiétude face aux menaces israéliennes, mais appelant à un dialogue entre Beyrouth et Téhéran pour éviter toute escalade.
Dans les coulisses, des pressions sont exercées pour que le Liban renforce ses contrôles sur les vols en provenance d’Iran, mais sans pour autant rompre complètement avec Téhéran, afin d’éviter une crise diplomatique de grande ampleur.
D’un point de vue militaire, Israël a intensifié ses vols de reconnaissance au-dessus du sud du Liban, et plusieurs sources rapportent que l’aviation israélienne a récemment effectué des exercices simulant des frappes de précision sur des infrastructures stratégiques.
Le risque d’une confrontation directe n’est donc pas à exclure. Si Israël considère que l’aéroport de Beyrouth devient une plaque tournante du trafic d’armes iranien, une frappe préventive sur des infrastructures spécifiques n’est pas à écarter. Une telle attaque représenterait une escalade majeure, forçant potentiellement le Hezbollah à riposter militairement depuis le Liban-Sud.
Face à ces tensions, l’Iran a adopté un ton menaçant. Un conseiller militaire du guide suprême iranien a déclaré à Al 3arabi Al Jadid (15 février 2025) que tout acte israélien dirigé contre les intérêts iraniens au Liban serait considéré comme une déclaration de guerre. Il a ajouté que Téhéran pourrait répondre en mobilisant ses alliés régionaux, notamment en Syrie et en Irak, pour frapper des cibles israéliennes et américaines.
À l’intérieur du Liban, le Premier ministre se retrouve dans une position extrêmement délicate. D’un côté, il doit répondre aux préoccupations de la communauté internationale et des États du Golfe, qui souhaitent voir une rupture claire avec l’axe iranien. De l’autre, il doit éviter une confrontation directe avec le Hezbollah, qui reste l’une des forces politiques et militaires les plus puissantes du pays.
Cette crise met en lumière l’extrême fragilité de la souveraineté libanaise, où chaque décision gouvernementale est immédiatement soumise à des influences extérieures multiples. L’enjeu immédiat est de trouver une solution diplomatique qui permette de désamorcer les tensions sans provoquer une guerre ouverte avec Israël ni un isolement total vis-à-vis de l’Iran.
Un Liban pris dans la rivalité irano-saoudienne
Cet incident s’inscrit dans un contexte de tensions accrues entre les deux pays, où le Liban se retrouve une fois de plus pris dans les rivalités régionales entre Téhéran et Riyad. Depuis des années, le Hezbollah a consolidé son influence au Liban grâce au soutien logistique et financier de l’Iran. Cependant, le gouvernement libanais, confronté à des pressions économiques et diplomatiques, cherche à rétablir un équilibre fragile entre ses différents partenaires internationaux, notamment les États-Unis, la France et les monarchies du Golfe.
Un terrain de confrontation entre l’Iran et l’Arabie saoudite
Le Liban occupe une position géopolitique unique au Moyen-Orient, ce qui en fait un point stratégique clé dans les luttes d’influence entre puissances régionales. Depuis plusieurs décennies, le pays oscille entre deux grands pôles d’influence : l’axe iranien, représenté par le Hezbollah, et l’axe saoudien, qui appuie traditionnellement les forces sunnites et une partie des factions chrétiennes.
L’Iran, à travers le Hezbollah, a solidement ancré son emprise sur plusieurs institutions libanaises, tant sur le plan militaire que politique. Depuis la fin de la guerre civile en 1990, et encore plus après le retrait israélien du Sud-Liban en 2000, le Hezbollah est devenu l’un des acteurs les plus influents du pays, disposant d’un arsenal militaire comparable à celui d’une armée conventionnelle et d’un réseau social et économique parallèle qui lui permet de maintenir une base populaire fidèle.
L’Arabie saoudite, de son côté, a cherché à contrer cette influence en finançant des partis politiques sunnites et en soutenant des alliances pro-occidentales. Le principal allié saoudien a longtemps été le Courant du Futur, dirigé par la famille Hariri. Ce parti incarnait une vision libérale et pro-occidentale du Liban, en opposition au modèle porté par le Hezbollah et ses soutiens iraniens. Toutefois, le retrait de Saad Hariri de la vie politique en 2022 a marqué un tournant, laissant un vide de leadership au sein de la communauté sunnite, ce qui a permis au Hezbollah de renforcer encore davantage son influence.
L’impact de la guerre en Syrie sur l’équilibre des forces au Liban
La rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran ne se limite pas au Liban ; elle s’est intensifiée à travers d’autres conflits régionaux, en particulier en Syrie. L’intervention du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar al-Assad en Syrie a marqué un changement stratégique majeur. En soutenant activement les forces loyalistes contre les groupes rebelles, le Hezbollah a non seulement assuré la survie du régime syrien, mais il a aussi renforcé l’axe chiite reliant Téhéran, Damas et Beyrouth.
Cette expansion iranienne en Syrie a provoqué une réaction violente de l’Arabie saoudite et de ses alliés du Golfe, qui ont accusé Téhéran de vouloir encercler le monde sunnite en créant un corridor chiite s’étendant de l’Iran jusqu’au Liban. En réponse, Riyad a durci ses positions vis-à-vis de Beyrouth et a réduit son aide financière au Liban, en exigeant une prise de distance claire vis-à-vis du Hezbollah et de l’Iran.
Les dilemmes du gouvernement libanais
Pris dans cette bataille d’influence régionale, le Liban tente de jouer sur plusieurs tableaux pour éviter de sombrer totalement dans l’orbite de l’un des deux camps. Le gouvernement libanais dépend fortement du soutien économique occidental et des pays du Golfe, notamment pour ses réserves en devises étrangères et ses importations vitales. En même temps, il ne peut pas se permettre d’entrer en confrontation directe avec le Hezbollah, qui dispose d’un pouvoir militaire supérieur à celui de l’armée libanaise et qui contrôle de nombreux secteurs stratégiques du pays.
L’épisode de Mahan Air illustre parfaitement ce dilemme. En interdisant l’atterrissage du vol iranien, Beyrouth a voulu envoyer un message de bonne volonté à l’Arabie saoudite et aux États-Unis, en leur montrant qu’il prenait au sérieux les préoccupations concernant l’utilisation du Liban comme une base de transit militaire pour Téhéran. Cependant, cette décision a immédiatement déclenché une réaction de l’Iran, qui y a vu une tentative de marginalisation de son influence et a riposté en interdisant le survol de son espace aérien aux avions libanais.
Une crise qui rebat les cartes des alliances régionales
La tension entre Beyrouth et Téhéran ne se limite plus à une simple question aérienne : elle s’inscrit dans une reconfiguration plus large des équilibres au Moyen-Orient. L’Arabie saoudite semble vouloir reprendre l’initiative au Liban, après plusieurs années de désengagement progressif, notamment depuis la démission forcée de Saad Hariri en 2017, orchestrée sous la pression de Mohammed ben Salmane (MBS).
Riyad pourrait ainsi conditionner son retour financier et diplomatique à un affaiblissement du Hezbollah, en poussant le gouvernement libanais à prendre des mesures plus fermes contre les intérêts iraniens sur son territoire. En revanche, Téhéran, qui considère le Liban comme un territoire clé pour son influence régionale, ne laissera pas cette initiative sans réaction.
La crise actuelle pose donc une question fondamentale pour le Liban : le pays peut-il encore maintenir une neutralité diplomatique face aux pressions croissantes des blocs opposés ?
Un affrontement aérien aux conséquences politiques
La tension entre l’Iran et le Liban a atteint un sommet après l’interdiction d’atterrissage imposée à un vol de la compagnie iranienne Mahan Air à l’aéroport de Beyrouth. Cette mesure, prise par le gouvernement libanais sous prétexte de non-conformité aux normes de l’aviation civile, a immédiatement provoqué la colère de Téhéran. En représailles, l’Iran a interdit aux avions libanais de survoler son espace aérien, perturbant ainsi les vols commerciaux de Middle East Airlines (MEA) vers l’Asie.
Cette interdiction n’est pas un simple incident aérien. Elle s’inscrit dans un contexte de recomposition régionale, marqué par un affaiblissement du Hezbollah et une pression croissante des pays du Golfe sur le Liban. Avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie, Téhéran a perdu un allié clé dans la région, ce qui réduit considérablement sa capacité à soutenir militairement ses partenaires au Liban. Le Hezbollah, qui bénéficiait auparavant d’un corridor logistique entre Téhéran, Damas et Beyrouth, voit désormais son accès aux armes et aux financements de l’Iran fortement restreint.
Parallèlement, Israël a saisi cette crise pour intensifier ses menaces contre l’aéroport international de Beyrouth, qu’il accuse d’être un point de transit pour les armes iraniennes à destination du Hezbollah. Un haut responsable israélien a averti dans Al Quds (15 février 2025) que « si le gouvernement libanais ne contrôle pas les vols en provenance d’Iran, nous serons contraints de prendre des mesures préventives ». Cette déclaration, qui rappelle les frappes israéliennes répétées sur l’aéroport de Damas, accentue la pression sur Beyrouth, qui se retrouve pris entre la menace d’une intervention militaire israélienne et les exigences iraniennes de maintenir les vols de Mahan Air.
Le Liban dans l’étau de la rivalité irano-saoudienne
Cette crise survient alors que le Liban est sous une double pression diplomatique. D’un côté, Téhéran tente de conserver son influence à travers le Hezbollah, malgré la perte de la Syrie comme base arrière. De l’autre, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis redoublent d’efforts pour affaiblir le Hezbollah et réduire l’influence iranienne à Beyrouth.
Depuis plusieurs mois, Riyad et Abou Dhabi ont intensifié leur pression sur Beyrouth, conditionnant tout soutien financier à une prise de distance claire avec l’axe iranien. En réponse à l’affaire Mahan Air, des sources diplomatiques citées par Al Sharq Al Awsat (15 février 2025) indiquent que des discussions sont en cours pour une reprise des investissements saoudiens au Liban, mais seulement si le gouvernement s’engage à restreindre l’influence du Hezbollah et à renforcer ses liens avec les pays du Golfe.
Cette approche s’inscrit dans la nouvelle stratégie saoudienne vis-à-vis du Liban, qui vise à réduire son rôle de terrain de jeu iranien et à en faire un partenaire économique stable pour les pays du Golfe. Toutefois, cette politique se heurte à la réalité du terrain, où le Hezbollah conserve une forte capacité de nuisance et où le gouvernement libanais reste fragile et divisé.
Les implications économiques de la crise
L’interdiction de l’espace aérien iranien aux vols libanais a des répercussions immédiates sur l’économie. La compagnie nationale Middle East Airlines (MEA) est la première touchée, car elle doit désormais éviter complètement l’espace aérien iranien, ce qui allonge les trajets et augmente les coûts de carburant.
Par exemple, un vol Beyrouth-Dubaï, qui passait normalement par l’Irak et l’Iran, doit maintenant faire un détour ce qui ajoute plusieurs heures de vol et des frais supplémentaires. Cette situation, déjà difficile pour une entreprise en crise, pourrait forcer MEA à réduire certaines liaisons ou à augmenter le prix des billets, aggravant encore plus la précarité économique du Liban.
D’un point de vue commercial, l’isolement aérien du Liban est une mauvaise nouvelle pour les exportateurs libanais, qui voient leurs coûts de transport augmenter et qui risquent de perdre certains marchés asiatiques. Cette crise renforce donc la dépendance économique du Liban vis-à-vis des pays du Golfe, qui pourraient en profiter pour imposer de nouvelles conditions financières et politiques.
Le Hezbollah face à un dilemme stratégique
Le Hezbollah se retrouve dans une position délicate. Privé du soutien logistique de la Syrie, il doit désormais compenser cette perte en renforçant sa dépendance directe à l’Iran. Mais avec la pression accrue du gouvernement libanais et les menaces israéliennes, le parti de Hassan Nasrallah doit naviguer prudemment pour éviter un affrontement direct qui pourrait fragiliser encore plus sa position.
Dans un discours diffusé par Al-Manar, Nasrallah a dénoncé « une attaque contre la souveraineté libanaise orchestrée par l’axe américano-saoudien », tout en mettant en garde contre « les conséquences d’un affaiblissement du Hezbollah ». Mais en coulisses, des sources indiquent que le parti chiite cherche une solution diplomatique pour éviter une escalade militaire qui pourrait lui être défavorable dans le contexte régional actuel.
Une sortie de crise possible ?
Face à cette situation explosive, certains acteurs internationaux tentent d’apaiser les tensions. La France et le Qatar jouent un rôle de médiateurs, cherchant une solution diplomatique qui permettrait à l’Iran de préserver un minimum d’influence au Liban tout en garantissant à Riyad et Washington que Beyrouth ne sera pas un avant-poste militaire iranien.
Cependant, l’avenir de cette crise reste incertain. Si aucun compromis n’est trouvé, le Liban risque d’être encore plus isolé économiquement et diplomatiquement, tandis que le Hezbollah pourrait être forcé de prendre des mesures plus radicales pour garantir sa survie politique.