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Le Liban comptait 710 succursales bancaires fin septembre 2024, soit une réduction de 37 % depuis 2019

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Contraction accélérée du réseau bancaire dans un contexte de défiance et d’attrition financière

Au 30 septembre 2024, le nombre total de succursales bancaires commerciales en activité au Liban s’élevait à 710, contre 724 trois mois plus tôt. Cette diminution s’inscrit dans une tendance continue observée depuis le début de la crise financière en 2019, où l’on comptait encore 1129 agences. En l’espace de cinq ans, 37 % des points de service bancaire ont disparu, traduisant une contraction physique inédite du secteur.

Cette réduction ne correspond pas à une restructuration coordonnée, mais à un repli désordonné résultant d’un effondrement de la rentabilité, d’une baisse des dépôts et d’une fermeture progressive de branches non rentables ou surexposées à la contestation publique. La fermeture des agences se fait en l’absence de stratégie réglementaire globale, sans cadre de résolution bancaire ni réorganisation territoriale supervisée.

Répartition géographique déséquilibrée

La rétraction du réseau touche particulièrement les zones rurales et périphériques, alors que Beyrouth et le Mont Liban concentrent encore 55 % des succursales restantes. Les gouvernorats de la Békaa, du Nord et de Nabatieh ont perdu entre 40 et 50 % de leurs agences depuis 2020, accentuant l’exclusion financière dans ces régions.

Les banques justifient ces fermetures par la chute du nombre d’opérations en livres libanaises, la dollarisation de facto de l’économie, et le développement limité des services digitaux. Toutefois, la transition vers la banque numérique reste entravée par les coupures d’électricité, la faible pénétration du haut débit et la défiance technologique d’une partie de la population.

Un secteur incapable d’assurer son redéploiement

Le resserrement du réseau n’est pas compensé par un redéploiement stratégique ou des efforts d’inclusion bancaire. Aucune banque n’a mis en place de politique d’agence mobile, de partenariats avec les collectivités locales, ou d’extension ciblée vers les zones sous-desservies. L’adaptation territoriale repose uniquement sur des critères de réduction des charges.

Par ailleurs, les fermetures de succursales se traduisent par des suppressions d’emplois massives : on estime à plus de 5 000 le nombre de postes supprimés dans le secteur bancaire depuis 2019, sans plan social ni mécanisme de reconversion sectorielle. Les clients des régions éloignées se retrouvent souvent contraints de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour effectuer une opération bancaire de base.

Tableau – Évolution du nombre de succursales bancaires (2019–2024)

AnnéeNombre de succursalesÉvolution annuelle (%)
20191129
20201025-9,2 %
2021951-7,2 %
2022864-9,2 %
2023775-10,3 %
2024*710-8,4 %

*Données arrêtées au 30 septembre 2024

Défiance persistante des déposants et illisibilité du secteur

La réduction du maillage bancaire ne peut être comprise qu’à la lumière de la crise de confiance structurelle entre les déposants et les banques. Le gel des dépôts, les restrictions arbitraires sur les retraits, l’absence de législation sur la restructuration bancaire, et l’opacité comptable ont transformé le système bancaire libanais en un réseau de guichets dysfonctionnels, dont la seule fonction reste la gestion d’un accès conditionné aux dépôts en devises ou en livres.

Dans ces conditions, la réduction du réseau reflète moins une rationalisation qu’un repli défensif, révélateur d’un modèle bancaire devenu incapable d’exercer sa mission de financement de l’économie. Aucun crédit à long terme n’est accordé depuis plus de quatre ans, et les dépôts sont progressivement retirés sous forme de cash en devises, hors du circuit officiel.

Vers une bancarisation informelle et non régulée ?

Face à l’effondrement du réseau bancaire officiel, de nombreux Libanais se tournent vers les applications de portefeuilles électroniques, les sociétés de transfert de fonds, et les paiements en espèces, dans un environnement non régulé. Cette désintermédiation alimente un système parallèle, sans traçabilité, sans fiscalité, et sans protection du consommateur.

Le recul physique du secteur bancaire alimente ainsi une restructuration invisible du système financier libanais, vers une informalité croissante, une logique de survie individuelle, et une disparition progressive de toute intermédiation classique. Le Liban devient l’un des rares pays au monde où le système bancaire est présent mais inopérant, et où la notion de succursale n’a plus de signification fonctionnelle.

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Newsdesk Libnanews
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