Les allégeances identitaires : toxiques ou salutaires ? – IIème partie

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Notre identité, c’est notre façon de voir et de rencontrer le monde :
notre capacité ou notre incapacité de le comprendre,
de l’aimer, de l’affronter et de le changer.
Claudio Magris


Il n’est pas dans mes habitudes d’écrire un article sur un sujet donné avec l’intention d’en créer une suite. Le sujet étant d’actualité, les réactions ayant suscité quelques réflexions intéressantes, je me livrerai avec plaisir, à cet exercice.

Quelqu’un m’avait dit que tenir à ses origines et son histoire, en d‘autres termes ses particularités, ne voulait pas dire être identitaire. Oui ceci est parfaitement vrai, tout comme ceci suppose un niveau suffisant de maturité citoyenne pour éviter les tentations de sombrer dans cet extrême dont font parties ces crises identitaires un peu partout de nos jours.

Si la notion d’identité est de nos jours, synonyme de se renfermer dans sa propre similitude ethno-socio-religieuse, le risque d’exclusion de l’autre est néanmoins grand. En parlant de l’autre, je pourrais dire que toute personne qui ne répond pas aux « critères » de cette similitude se verra inévitablement exclu, voire rejeté.

Un fait que je considère amusant : au cours de mes visites à Paris en France, venant de Montréal, je me fais dire par les gens que je rencontre sur place « cher monsieur, vous avez l’accent Montréalais ! » Et bien ! Lorsque je suis chez moi à Montréal, je me faisais dire des fois (maintenant beaucoup moins qu’avant) que j’avaisi l’accent « Français de France ! » Et bien (bis !)

Si l’évènement est amusant, du fait de la curiosité naturelle des personnes qui rencontrent un étranger, il aurait pu être une occasion de se faire dire que « je ne suis pas d’ici ». Je pense malgré tout que ces particularités linguistiques qui me sont propres n’auraient rien à voir avec mes différences ethniques ou autres.

J’estime que nous avons une première réaction, souvent instantanée pour ne pas dire irréfléchie, de classer trop rapidement les personnes qui ne nous ressemblent pas. Il n’y a pas de mal à cela si ce n’est que pour deviner de quel pays vient la personne, se demander si cette dernière parle notre langue ou pas. Mais lorsque ce comportement prend la forme d’une catégorisation identitaire discriminatoire, qui greffée de préjugés religieux, raciaux et, ethniques, nous sommes d’accord que « Houston nous avons un problème ! «  J’ajouterais un problème de taille !

La ligne est extrêmement fine entre la toxicité destructive de l’identitarisme et l’ouverture salutaire de nos esprits. Cela m’agace lorsque des personnes me disent que nous sommes d’accord, mais ajoutent toujours le fameux « oui, mais ! »

Que de fois je reçois des courriels (mails), de la part de connaissances, avec pour contenu des propos dits « de source authentique » qui ne font qu’exacerber la peur, le rejet des « autres » ; ces autres pas comme moi. Le plus étonnant réside dans cette profusion des « ceci est arrivé à un tel ou une telle dans tel pays à telle date ! » non sans accompagner ce barbot de message de photos qui « montrent » les actions dont on me dit de me méfier ! Yes ! Right ! Connaissez-vous Photoshop ? Le moindre téléphone intelligent vous offre une panoplie d’outils pour faire moult retouches aux images, plus grand, plus jeune, plus fin, plus large, plus gentil, plus méchant et j’en passe!

Je me suis fait demander plus d’une fois si je n’avais pas été confronté à une réaction xénophobe (ou raciste) depuis que je vis ici au Canada, au Québec, à Montréal. Oui, j’avoue que cela fut le cas, par deux fois, en 25 ans de vie dans mon nouveau chez moi ! Deux fois ! Est-ce que cela est concluant pour que je dise que la population du Canada, du Québec ou de Montréal est raciste ou n’aime pas les étrangers ? Allons donc, soyons sérieux!

Que de fois je me suis fait dire « Ο ξένος. » (O xénos, l’étranger) alors que je vivais en Grèce, bien que je sois de mère grecque, est-ce que cela a fait des grecs des xénophobes ? Pas du tout ! L’ignorance de l’autre crée ces fausses-craintes. Ces peurs, si entretenues aux bons soins de la culture populiste de certains leaders, nous mènent droit vers ces situations tristes et parfois brutales envers les non-comme-nous !

Cessons de permettre cette intoxication néfaste, je pense que notre histoire, nous a offert plusieurs leçons dans ce sens. Cessons de mesurer la valeur de l’autre (les pas comme nous) selon nos propres critères; je vous dirai une nouvelle si vous ne le saviez pas déjà : d’être blanc ou vert, haut ou court, n’est pas le critère d’identité, désolé de vous décevoir sur ce point.

Les traditions de mes pays de vie, j’y tiens et je les honore, mon mode de vie actuel a fait de moi un citoyen à part entière dans mon nouveau chez moi. Je n’ai aucune honte ou gêne d’être reconnu comme tel, mais je ne crois pas que ma culture me donne le moindre droit de me sentir supérieur aux autres (les pas comme moi).

Notre histoire, est jeune, nous nous sommes déplacés dans ces nouvelles contrées, nous nous y sommes installés alors que ces terres étaient habitées par les natifs. Combien et comment les avons-nous remerciés de nous avoir accueillis ?

Si je peux me permettre une certaine analogie avec une bibliothèque de livres, celle que vous avez chez vous à la maison (sinon allez à votre bibliothèque municipale). Elle contiendrait plusieurs livres, de différents auteurs, des auteurs de différentes origines et différents pays, de différentes cultures, de différents styles, de différentes tailles, et j’en passe de ces détails « différents », et pourtant nous les mettons tous ensemble sur les différentes étagères de notre meuble acquis à prix fort dans certains cas, nous les chérissons, nous en prenons soin, nous les dépoussiérons, les entretenons si besoin et ne cachons pas notre fierté de voir nos visiteurs nous complimenter sur la richesse de sa diversité… Cela ne vous dit rien ? Cela ne vous donne pas un exemple des plus simplistes sur la valeur inestimable de nos diversités, de nos particularités vivant tous sans exception sur une seule et même planète !

Il est temps que nos diversités identitaires ne soient plus toxiques et franchement salutaires ! Il est grand temps !

À la prochaine,

Michel J. Boustani
Michel J Boustani, spécialiste en gestion du savoir et des connaissances. Animateur de communautés et réseaux du savoir, blogueur et promoteur de la culture citoyenne. Michel a travaillé durant 25 ans dans le domaine de l'éducation traditionnelle, la formation professionnelle et le développement de programmes d'éducation virtuelle. Vit depuis 25 ans au Canada (Montréal) - Originaire du Liban (Chouf)

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