Une paralysie institutionnelle croissante
Le Liban traverse une grave crise institutionnelle, marquée par un conflit ouvert entre l’exécutif et le Parlement sur des questions fondamentales telles que les réformes économiques, la lutte contre la corruption et la gestion du déficit public. Selon Al Sharq Al Awsat (13 mars 2025), le blocage institutionnel actuel résulte principalement des désaccords entre le Premier ministre Nawaf Salam et les groupes parlementaires, qui s’opposent à plusieurs des réformes proposées.
Le Parlement libanais, dirigé par Nabih Berri, est accusé par certains analystes de retarder volontairement l’adoption de lois cruciales sous prétexte de divergences techniques et politiques. Ad Diyar (13 mars 2025) souligne que plusieurs projets de loi, en particulier ceux relatifs à la réforme du secteur bancaire et à la lutte contre la corruption, n’ont toujours pas été votés en raison d’un climat de méfiance généralisé.
Le blocage des réformes économiques et bancaires
Parmi les dossiers en suspens, celui de la réforme du secteur bancaire est l’un des plus sensibles. Depuis la crise financière de 2019, les banques libanaises sont en faillite de facto, et aucune solution durable n’a été trouvée pour protéger les épargnants. Nawaf Salam avait présenté un projet de restructuration bancaire en février 2025, mais celui-ci a été immédiatement bloqué par plusieurs députés proches du secteur bancaire, qui refusent toute réforme susceptible de mettre en cause la responsabilité des actionnaires des banques.
Le secteur bancaire, longtemps dominé par des figures influentes du monde politique, refuse toute réforme profonde qui impacterait ses intérêts. L’absence de contrôle efficace du Parlement sur les pratiques des banques a aggravé la situation, empêchant la mise en place d’un mécanisme de remboursement des déposants.
Une lutte inefficace contre la corruption
Le deuxième point de blocage concerne les lois anti-corruption, qui font l’objet de résistances majeures de la part des partis traditionnels. Al Liwa’ (13 mars 2025) indique que les tentatives du gouvernement de mettre en place une autorité indépendante de lutte contre la corruption se sont heurtées à une opposition farouche de plusieurs députés et responsables publics, qui estiment qu’une telle instance pourrait être utilisée comme un outil de règlement de comptes politiques.
Une loi sur la transparence des marchés publics, adoptée en 2024 sous la pression du Fonds monétaire international (FMI), est également restée lettre morte, faute d’application concrète. Al Quds (13 mars 2025) rapporte que les tribunaux libanais n’ont toujours pas jugé les affaires de corruption ouvertes depuis 2020, faute de volonté politique.
Un déficit public hors de contrôle
Le déficit public du Liban continue d’augmenter, atteignant plus de 170 % du PIB en 2025. Nawaf Salam tente d’imposer des coupes budgétaires drastiques, notamment dans les subventions publiques, pour réduire cette dette colossale. Cependant, les partis d’opposition et certains groupes parlementaires proches des milieux économiques s’opposent à ces mesures, les jugeant trop brutales pour une population déjà appauvrie par la crise.
La Banque mondiale avait proposé un prêt d’urgence d’un milliard de dollars pour aider le Liban à financer certaines de ses réformes, mais celui-ci est conditionné à l’adoption de plusieurs lois que le Parlement refuse encore d’examiner.
Un gouvernement pris en étau entre pressions internes et internationales
Le Premier ministre Nawaf Salam fait face à une pression croissante de la part des institutions financières internationales, notamment du Fonds monétaire international (FMI), qui demande des réformes structurelles pour débloquer les aides promises. Toutefois, l’incapacité du gouvernement à faire adopter ces réformes au Parlement retarde l’accès aux financements nécessaires.
Les pressions internationales se heurtent également aux tensions internes avec les principaux partis libanais. Le Hezbollah et certains blocs parlementaires voient dans ces réformes une tentative d’ingérence étrangère et s’opposent à toute mesure dictée par le FMI et la Banque mondiale, considérant qu’elles risquent de mettre le Liban sous tutelle économique.
Quels scénarios pour l’avenir ?
L’absence de consensus politique sur ces réformes place le Liban dans une impasse institutionnelle. Sans avancée législative, le pays risque une aggravation de sa crise financière et un effondrement progressif de son système économique.
Si Nawaf Salam ne parvient pas à surmonter les blocages parlementaires, son gouvernement pourrait être contraint à la démission sous la pression de l’opposition, ce qui ouvrirait la voie à une nouvelle période d’instabilité politique.
D’un autre côté, si des compromis sont trouvés, le Liban pourrait bénéficier d’un soutien financier extérieur, mais cela nécessiterait des efforts considérables pour garantir l’application effective des réformes, un défi qui semble encore hors d’atteinte dans les conditions actuelles.