lundi, juillet 14, 2025

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Disparitions inquiétantes dans le Nord et la Békaa : les familles face au mur du silence

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Depuis plusieurs mois, un nombre croissant de disparitions non élucidées alerte les populations des régions frontalières du Liban. Hermel, Wadi Khaled et, plus récemment, les abords du camp palestinien de Aïn el-Heloué, sont devenus les épicentres d’un phénomène aussi inquiétant qu’opacifié. Alors que les familles cherchent des réponses et que les ONG lancent des alertes, les autorités peinent à réagir avec la transparence et la célérité nécessaires. Dans un climat de rumeurs sur des trafics transfrontaliers, l’absence d’instruction judiciaire nourrie par une collaboration sécuritaire fragmentaire aggrave la douleur des proches et l’insécurité ressentie par l’ensemble des habitants.

Une série de disparitions dans les zones périphériques

Dans la Békaa, particulièrement à Hermel, plusieurs familles ont récemment signalé la disparition de jeunes hommes âgés de 17 à 28 ans. Selon leurs témoignages, ces disparitions ne sont pas précédées de signes de détresse personnelle, ni de projets de départ. Les profils sont variés : étudiants, travailleurs journaliers ou chômeurs. Certains ont été vus pour la dernière fois à proximité de points de passage informels vers la Syrie. D’autres ont disparu à la sortie d’un café, d’un arrêt de minibus ou à la frontière de zones mal desservies par les forces de sécurité.

À Wadi Khaled, dans le Akkar, les habitants évoquent une situation similaire. Dans plusieurs cas, les proches ont tenté de contacter les hôpitaux, les commissariats et même des contacts en Syrie pour retrouver une trace. En vain. Face à ces absences prolongées et au silence administratif, l’angoisse s’est installée. Les familles, avec le soutien d’ONG de défense des droits de l’homme, ont commencé à médiatiser les affaires, dans l’espoir d’obtenir des réponses officielles.

Une réponse institutionnelle lacunaire

Le ministère de l’Intérieur a annoncé la création d’une cellule spéciale d’enquête, en coordination avec la Direction générale de la Sûreté générale. Cette unité serait chargée d’examiner les dossiers de disparitions non élucidées dans les zones frontalières. Toutefois, aucun détail n’a été publié sur sa composition, ses missions précises ou son calendrier de travail.

De leur côté, les familles déplorent que leurs plaintes soient rapidement classées comme « disparitions volontaires », un qualificatif qui écarte toute instruction pénale. Cette procédure administrative est vécue comme un abandon : aucune perquisition, aucun interrogatoire, aucun suivi judiciaire ne sont engagés. Dans certains cas, les autorités demandent aux proches de « patienter quelques semaines » avant d’envisager une piste criminelle.

Les ONG dénoncent un traitement minimaliste de dossiers pourtant graves. Elles soulignent que dans d’autres pays, une disparition est traitée comme une urgence judiciaire dès les premières heures. Au Liban, les premières démarches ne sont entreprises qu’après de longs délais, lorsque les indices sont déjà effacés.

L’ombre des trafics transfrontaliers

Les hypothèses les plus inquiétantes circulent dans les discours des proches et des organisations militantes. Certaines familles craignent que leurs enfants aient été recrutés de force par des réseaux opérant à la frontière syro-libanaise. D’autres évoquent la possibilité de filières de trafic d’organes, comme celles dénoncées par des médias internationaux ces dernières années dans des zones de conflit.

La région de Hermel, connue pour ses routes secondaires non contrôlées, constitue une porte d’entrée vers des territoires où la présence de l’État syrien est réduite. La porosité de la frontière, combinée à l’implantation de groupes armés ou mafieux, alimente toutes les spéculations.

Des sources locales non officielles évoquent des cas où des jeunes auraient été attirés par des offres de travail alléchantes, puis se seraient évaporés après avoir pris la route vers le Nord-Est. Dans d’autres cas, il est question de complicités locales permettant l’organisation de filières clandestines, échappant à tout contrôle des autorités libanaises.

Ces éléments restent difficiles à vérifier, en l’absence d’enquête indépendante ou de coordination judiciaire transnationale. Mais leur simple évocation témoigne de la défiance croissante des populations envers les institutions et de la détérioration du sentiment de sécurité.

Les camps palestiniens, zones d’ombre supplémentaires

Le phénomène des disparitions touche aussi les zones urbaines périphériques, et notamment les camps palestiniens. À Aïn el-Heloué, plusieurs cas d’enlèvements présumés ont été signalés. Les familles n’ont pas déposé plainte, par peur de représailles ou parce qu’elles estiment que les forces de sécurité n’ont pas compétence à l’intérieur des camps.

Ces cas, bien que peu documentés, suscitent des inquiétudes similaires. Des jeunes quittent leur domicile ou leur quartier sans motif particulier et ne donnent plus signe de vie. Les comités populaires, souvent chargés d’assurer l’ordre interne, reconnaissent leur impuissance face à certaines forces armées locales ou groupes informels.

L’absence de coopération entre les services de sécurité libanais et les structures internes des camps empêche toute enquête efficace. Aucune procédure judiciaire n’a été ouverte, et les familles n’ont reçu aucune information officielle. Ce silence alimente l’hypothèse d’enlèvements ciblés, soit pour des règlements de compte, soit dans le cadre de réseaux extérieurs cherchant à recruter des combattants ou à alimenter des filières illégales.

Une justice atone et des familles abandonnées

Pour les familles des disparus, l’attente devient insupportable. Le manque d’informations, les procédures administratives opaques et l’absence de compassion institutionnelle créent un climat de désespoir. Dans plusieurs villages du Akkar, des mères ont organisé des veillées silencieuses, brandissant les portraits de leurs fils disparus. À Zahlé, une marche a rassemblé une centaine de personnes en soutien aux familles de la Békaa.

Les ONG, souvent seules à accompagner ces démarches, dénoncent l’inaction de l’appareil judiciaire. Elles pointent un manque criant de magistrats spécialisés, l’absence de formations sur les disparitions forcées et le vide juridique entourant les disparitions transfrontalières.

Dans certains cas, les familles qui insistent sont traitées avec méfiance, voire hostilité. Le fait même de poser des questions est perçu comme une remise en cause de l’ordre local. Cette situation génère une forme d’autocensure et d’isolement, qui renforce la douleur et le sentiment d’injustice.

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Newsdesk Libnanews
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