Donald Trump est souvent perçu comme une figure de la droite américaine en raison de son affiliation au Parti républicain et de son soutien par des électeurs conservateurs. Cependant, un examen approfondi de ses politiques économiques et internationales révèle des divergences significatives avec les valeurs fondamentales de la droite traditionnelle aux États-Unis, incarnée par des figures comme Ronald Reagan ou les néoconservateurs. Voici pourquoi.
Politique économique : un protectionnisme à l’opposé du libre marché
La droite américaine, depuis des décennies, prône le libre-échange et la réduction de l’intervention de l’État dans l’économie, des principes hérités du reaganisme et du consensus républicain pro-marché. Trump, en revanche, a fait du protectionnisme un pilier de sa politique économique, ce qui le rapproche davantage d’un nationalisme économique que du libéralisme classique.
- Tarifs douaniers massifs : Lors de son premier mandat (2017-2021), Trump a imposé des tarifs de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium, suivis de taxes supplémentaires sur des milliards de dollars de produits chinois. En 2025, il a récidivé avec une annonce dans la nuit du 2 au 3 avril, instaurant une taxe de 10 % sur toutes les importations et des taux plus élevés (jusqu’à 54 % pour la Chine). Cette approche contredit le dogme républicain du libre-échange, qui voit les tarifs comme des entraves à la croissance et à l’innovation. Les conservateurs traditionnels, comme ceux du Heritage Foundation, privilégient les marchés ouverts pour stimuler la compétitivité américaine, pas les barrières commerciales.
- Interventionnisme étatique : Trump a souvent vanté l’idée de « reshoring » (rapatriement des industries) et de subventions ciblées pour des secteurs comme la sidérurgie ou les semi-conducteurs. Bien que le CHIPS Act de 2022 ait eu un soutien bipartisan, son insistance sur des politiques dirigistes – comme des incitations fiscales pour les entreprises qui produisent aux États-Unis – évoque plus les stratégies interventionnistes des démocrates ou même des socialistes économiques que le laissez-faire républicain. La droite classique rejette généralement ces mesures comme une distorsion du marché.
- Rejet des institutions multilatérales : La droite américaine a historiquement soutenu des accords comme l’ALENA (renégocié sous Trump en USMCA) pour promouvoir le commerce mondial, mais Trump les a critiqués comme désavantageux, préférant des deals bilatéraux. Ce rejet du multilatéralisme économique s’oppose à la vision globaliste des républicains pro-business, qui y voyaient un levier de puissance américaine.
En somme, sur le plan économique, Trump s’éloigne du credo de la droite – libre marché, dérégulation totale, et commerce mondialisé – pour adopter une posture nationaliste et protectionniste, plus proche d’un populisme économique que des idéaux conservateurs traditionnels.
Politique internationale : un isolationnisme loin du leadership néoconservateur
Sur la scène internationale, la droite américaine, notamment depuis Reagan et les néoconservateurs des années Bush, a défendu un interventionnisme actif, un leadership mondial, et des alliances solides (comme l’OTAN) pour projeter la puissance des États-Unis. Trump, lui, adopte une approche qui oscille entre isolationnisme et unilatéralisme transactionnel, incompatible avec cette vision.
- Retrait des engagements mondiaux : Trump a critiqué l’OTAN, qualifiant ses membres de profiteurs, et a menacé de réduire le soutien américain. En 2025, il a suspendu l’aide à l’Ukraine, marquant un désintérêt pour le rôle de « gendarme du monde » que la droite néoconservatrice chérissait. Reagan ou George W. Bush auraient vu ces alliances comme essentielles à la lutte contre des adversaires comme la Russie, tandis que Trump les traite comme des fardeaux.
- Diplomatie transactionnelle : Ses propositions de 2025 – comme faire du Canada le 51e État, acheter le Groenland, ou reprendre le canal de Panama – reflètent une vision impérialiste opportuniste, mais sans la cohérence idéologique d’un projet hégémonique républicain. La droite traditionnelle préfère des alliances stratégiques à long terme (ex. Pacte du Pacifique) à ces coups d’éclat bilatéraux. Trump voit les relations internationales comme des deals immobiliers, pas comme un échiquier géopolitique.
- Admiration pour les autocrates : Contrairement aux républicains qui ont combattu le communisme et promu la démocratie (Reagan face à l’URSS), Trump exprime une fascination pour des leaders autoritaires comme Vladimir Poutine, Viktor Orban, ou Nayib Bukele. Cette complaisance tranche avec la rhétorique de « liberté » et de « valeurs américaines » portée par la droite classique, qui voyait ces régimes comme des menaces.
Ainsi, sa politique internationale rompt avec l’interventionnisme moralisateur et le leadership multilatéral de la droite américaine, privilégiant un repli nationaliste ou des gains à court terme, plus proches d’un isolationnisme pragmatique que d’une vision conservatrice globale.
Un populisme nationaliste, pas une droite classique
Trump n’est pas « de droite » au sens traditionnel américain. Sa politique économique, avec ses tarifs et son interventionnisme, rejette le libre marché cher aux républicains orthodoxes. Sa politique internationale, marquée par l’isolationnisme et le transactionnel, s’oppose au leadership mondial néoconservateur. Même ses taxes absurdes sur des entités comme les îles Heard et McDonald ou le Groenland illustrent un populisme spectaculaire, loin de la rationalité stratégique de la droite. Trump incarne un nationalisme populiste, flirtant parfois avec des idées étatistes ou impérialistes, mais pas les principes fondamentaux de la droite américaine classique. Il est un ovni politique, pas un héritier de Reagan ou de Taft.