Quand le Président, Général Michel Sleiman avait essayé de sortir les Libanais de leur discorde …

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Un titre choc pour certains et un titre annonciateur pour les autres … Mieux vaut choquer que dormir sur des lauriers … Quant à ceux qui ont pris l’habitude de me lire,  je ne peux que vérité maintenir. Même si aux yeux de certains, je leur semble m’égarer, il faut avoir l’audace de rappeler certaines dates qui ont causé des dégâts directs et collatéraux sur notre destinée politique au pays du Cèdre. Certains me diront aussi, que cette vérité est tronquée, d’autres verront à travers mes lignes des dates historiques à retenir, car il s’agit de notre histoire, peuple uni, peuple désuni.

En ces jours de fêtes de fin d’année, où la naissance du Christ coïncide avec la naissance du Prophète [depuis 457 ans], je voudrais à ma manière faire le bilan de nos années de guerre avec comme unique espoir, l’entente entre nous tous, car le ciel nous envoie ses plus beaux messages…

Une guerre entre musulmans et chrétiens, je n’y ai jamais cru… Je l’ai vécu mais je n’ai jamais voulu croire à cette tromperie frauduleuse… Les guerres fratricides entre Libanais, ne sont que guerre de discorde entre ceux qui ont pris les rênes du pays et ceux qui veulent se partager le pays.

Mon titre choc pour certains, émane d’une profonde blessure car la diffamation bât son plein. Il faut croire qu’on est dans l’ère de la tromperie aveugle et cela se poursuit depuis bien longtemps… La guerre est une guerre médiatique et celui qui bât son record diffamatoire croit pouvoir l’emporter. Nous sommes très loin de ce niveau intellectuel qu’avaient nos journalistes d’antan et nous sommes très loin de cette image de société civilisée où la plume intellectuelle et consciencieuse l’emporterait sur les débats mafieux et fallacieux. A comparer les articles des journaux et les débats télévisés libanais, on va de plus en plus vers la médiocrité et l’attaque personnelle envers des hommes et femmes publiques plutôt qu’à leur résultat ; quoiqu’il en soit minime, le résultat mérite d’être dit.

En ces jours de pardon et d’amour, j’ose vous écrire avec un titre interpellant les curieux et encourageant les audacieux à ouvrir les yeux sur un bilan que l’histoire de notre pays ne peut pas nier ni ignorer. Une rétrospective brève des mes années libanaises s’impose et s’arrête jusqu’au 12e Président de la République Libanaise, quand il avait essayé de sortir les Libanais de leur division et leur discorde… Et il essaye encore …

Je dois le dire, je dois l’écrire, car je vois à travers distance la perte et le gâchis d’un peuple brisé par tant d’années de guerre… Il appartient à chaque être libre de préserver sa pensée libre et faire en sorte de la propager… Chose pas facile mais c’est le combat de la plume contre l’ignorance et l’aveuglement.  

Sans vouloir m’attarder sur des faits et des détails, et laisser la porte ouverte aux critiques acerbes m’interdisant le droit à la parole sous prétexte que je ne vis pas géographiquement au sein de la société libanaise, je ne retiendrai que des dates historiques reconnues par notre histoire proche. Etre de la diaspora ou de l’intichar (الانتشار) ne nous interdit pas de dire ce que l’on pense, car c’est cela notre rôle : « Prendre du recul pour mieux avancer ».

Quand le Président Michel  Sleiman avait essayé de sortir les Libanais de leur division… Un titre pour une myriade de questions et d’événements, notamment ceux des derniers jours…

Je me demande jusqu’à quand le Liban restera sous l’emprise  des décisions étrangères, incapable de s’autogérer et de résoudre ses problèmes auxquels il fait face au moindre coût et sans que la solution lui parvienne de l’étranger :

  • Si les dirigeants libanais avaient été  capables de résoudre la question de l’armement des Palestiniens sur notre territoire, on n’aurait pas pu leur imposer « l’accord du Caire » et le Liban n’aurait pas succombé à une guerre de plus de 15 ans, une guerre ravageuse, destructrice sur tous les niveaux, politique, économique, social et moral… Une guerre dont on a imputé la responsabilité aux Libanais et qu’on a osé nommer « Guerre de religion ».
  • Si les dirigeants libanais entre eux avait su mettre fin à cette guerre au moindre coût, ils n’auraient pas subi « l’accord de Taëf » qui a imposé au Liban la tutelle syrienne pour stopper la tuerie et appliquer le dit accord sur son sol.
  • Et s’ils avaient su comment exécuter les décisions et les accords internationaux pour libérer les territoires libanais occupés par Israël, la trêve aurait pu régir nos deux Etats ;  on aurait pu avoir un accord de paix à l’instar de l’Egypte et de la Jordanie et on n’aurait pas eu à faire face à la problématique de l’armement au sein des camps palestiniens ni au problème de l’armement du Hizbollah pour combattre Israël.

C’est là tout le problème ! Car nos dirigeants n’ont pas pu, entre eux, aboutir à une solution en interne laissant les décideurs étrangers à l’international s’ingérer de nos questions territoriales libanaises. Le monde de la politique internationale s’est mêlé de nos affaires internes par le biais de nos chefs politiques auto proclamés, au prix de se trouver pieds et poings liés dans une obéissance aveugle. Ce qui les divise davantage entre eux…

Chaque problème est problématique !  Chaque parole est source de division profonde. Il leur est impossible de trouver entre eux, en interne une solution démocratique sans passer par le boycott des uns et des autres, les insultes et la diffamation…

A chacun son clan et son référent ! A chacun son tuteur du monde extérieur, un tuteur étranger à nos valeurs internes et notre identité au pays du Cèdre. Ils se sont divisés autour de la question de l’armement des Palestiniens ce qui a entrainé une guerre civile interne faute de trouver entre eux un accord national ; une guerre qui a duré plus de 30 ans et dont on subi encore les conséquences…

Puis vint leur division autour de cette tutelle syrienne qui leur a été imposée. Une division entre ceux qui réclament sa continuité et ceux qui veulent s’en débarrasser pour retrouver souveraineté, autonomie et indépendance… et ce jusqu’à la révolution du peuple nommée «  Révolution du Cèdre ».

Les voilà aussi divisés après la fin de cette tutelle entre ceux partisans de l’axe irano-syrien et ceux contre. Entre ceux partisans de garder les armes entre les mains du « Hizbollah » pour faire face à Israël et ceux qui sont contre réclamant que les armes soient uniquement au sein de l’Etat, un Etat fort, seul responsable face à toute agression sur son territoire et ses frontières.  On leur imposa alors « l’accord de Doha ».

C’est dans ce contexte et suite à ces successions de désaccords et accords  que le Président Michel Sleiman a essayé de sortir les Libanais de leur division et discorde multi-récidive à travers « la déclaration de Baabda », une déclaration made in Lebanon, « hand made » ou production locale « sina’a mahaliyyé » صناعة محلية, une déclaration de 17 points étayés, faite à l’initiative d’un chef d’Etat libanais et validée par des Libanais. Un accord qui voulait « défendre la neutralité du Liban» ; une « déclaration qui vise plutôt à protéger le Liban de tous les conflits. »

Hélas, cette allégeance à tort et à travers à cette tutelle étrangère et cette déviation aveugle de l’axe principal de la souveraineté et de la démocratie ont poussé certains à ne pas s’y fédérer en âme et conscience, notamment face à la participation d’une catégorie de Libanais à la guerre syrienne, une des conséquences que le Liban a dû subir… Les dégâts collatéraux de cette participation à la guerre syrienne ont bel et bien été ressentis par les civils de la société libanaise : réfugiés syriens déstabilisant l’équilibre économique, social et sanitaire déjà assez fragiles, terroristes déstabilisants la paix interne et frontalière.

Pourrions-nous nous dire aujourd’hui que nos dirigeants libanais seront toujours dans l’incapacité de se trouver entre eux un accord pour le bien être du pays et sa souveraineté ?

Pourrions-nous nous interroger sur les intérêts qu’ont les uns et les autres à s’y opposer éternellement ?

Récemment, nous avons été témoins d’une proposition faite par le leader du 14 mars, au sujet de la candidature de Frangié. Si dans un premier temps, cette annonce a dû choquer presque tous les Libanais, partisans ou pas, dans un second temps, elle pourrait être une fenêtre vers une conciliation. Et pourquoi pas, du moment où aucun autre candidat de ces clans ne pourrait être élu…

La candidature de M. Frangié est loin d’être un coup de tête et de gaminerie. Si l’on prend notre recul avec le seul objectif de comprendre pourquoi le leader du 14 mars, M. Hariri a fait cette proposition, nous déduirions que la logique de la réconciliation devrait être de mise. Si la candidature du Général Aoun, tout comme la candidature de M. Geagea, s’opposaient aux intérêts des uns et des autres, l’idée de proposer la candidature de M. Frangié pourrait être une sorte de conciliation partisane. Il est bien un des candidats du 8 mars choisi par le 14 mars…  La candidature de M. Frangié pourrait porter l’espoir de rétablir l’ordre dans les relations entre la Syrie et le Liban tout en maintenant la souveraineté de l’Etat. J’ose encore croire que le candidat, M. Frangié tout en étant ami de M. Assad, est avant tout un Libanais qui croit en son pays et il fut l’un de ces enfants de guerre qui ont aussi subi un lourd traumatisme…  Il pourrait aussi porter l’espoir d’un avenir meilleur, car il est le mieux placé parmi ces trois candidats, surtout au niveau stratégique et notamment cet axe irano-syrien pour lequel le pays a été bien bouleversé.

Si la candidature du Général Aoun n’a pas pu trouver l’approbation de tous, tout en maintenant la division profonde entre le 8 et le 14 mars, la candidature de M. Frangié ouvrirait la porte à une autre sorte d’alliance, mettant le ton sur un éventuel accord entre les deux… Mais là aussi, les efforts de réconciliation se font à nouveau avorter… La candidature de Frangié pourrait être un tremplin vers un horizon préparant d’ici les six ans à venir, un Président d’un Etat plus stable. « Le serment d’investiture libère le Président » [Michel Sleiman, 6 décembre 2015 – Likaa al Joumhuriyya].

Au moment où je vous écris, je m’interroge sur le devenir de l’Etat sans chef d’Etat et jusqu’à quand nous pouvons nous permettre l’absentéisme de nos députés prenant en otage tout un pays paralysé ?

Je m’interroge aussi sur leur rôle : quand oseraient-ils casser ces chaînes les liant aux décisions externes et les éloignant de plus en plus de la souveraineté de l’Etat, son indépendance. Actuellement, ni respect de la Constitution ni respect des textes et des lois ? Et chaque intervenant externe trouve intérêt à se mêler des affaires internes, transformant le pays en une scène ouverte à tous les conflits de la région. Avions-nous mérité cela ? Sommes-nous si incompétents dans la gestion de notre indépendance, de notre propre souveraineté ?

Sans vouloir insister, je voudrais vous inviter à relire le texte de la déclaration de Baabda et me dire en conscience si ce texte en soi n’est pas une réelle feuille de route pour que le pays puisse un jour s’en sortir… Mettons de côté les conflits de personnes et essayons à travers les textes de voir ce qui est le meilleur pour notre avenir, car le peuple est plus que lasse de cet abandon politique au territoire et à la Nation.

L’allégeance à toute autre puissance étrangère met de plus en plus en danger l’équilibre interne du pays. Et même si l’on a besoin de cette intervention étrangère nous devrions être en mesure de la tolérer positivement et ce pour le même intérêt national. Ne sommes-nous pas maître de nous-mêmes ?  La Responsabilité est la nôtre et non pas celle du voisin ou de l’étranger. Ceux à blâmer, sont nos dirigeants et leur politique d’allégeance à cet étranger. Cette politique qui exécute en premier plan les intérêts des autres au dépend des nôtres.

Le Liban fait face aujourd’hui à ce qu’il a déjà vécu dans son passé, impossibilité d’élire en interne son Président, un Président capable de dire non aux intérêts des autres. Un président capable d’instaurer à nouveau l’équilibre nécessaire, politique, sécuritaire et économique. Un Président capable de redonner vie à notre constitution, à sa souveraineté. Un Président courageux qui osera prendre en compte « la déclaration de Baabda » dont la plume et la réflexion furent libanaises. Une déclaration « made in Lebanon » pour qu’enfin la gestion interne de notre territoire soit « made in Lebanon ». Ainsi le Liban puisse retrouver sa souveraineté d’antan.

Enfin et avant que minuit sonne la fin de l’année 2015 et le début de 2016, je vous souhaite mes vœux de bonheur dans l’espoir de trouver avec mes compatriotes l’issue à ce conflit fratricide qui divise nos dirigeants et qui induit en erreur les citoyens.  Mes excuses iront vers ceux qui se sentent offensés par ma pensée ; il ne s’agit en aucun, de ma part, d’une offense. Ma pensée est libre, basée sur le respect de l’autre… La différence dans les idées est une richesse quand elle est basée sur des règles d’échange…

Citoyenneté et démocratie sont mes vœux les plus chers pour mon pays natal. Une poignée de main, un geste si simple … Et ô combien il semble être difficile à entreprendre quand on est homme politique au pays du Cèdre ….

Jinane Chaker-Sultani Milelli

Jinane Chaker Sultani Milelli
Jinane Chaker-Sultani Milelli est une éditrice et auteur franco-libanaise. Née à Beyrouth, Jinane Chaker-Sultani Milelli a fait ses études supérieures en France. Sociologue de formation [pédagogie et sciences de l’éducation] et titulaire d’un doctorat PHD [janvier 1990], en Anthropologie, Ethnologie politique et Sciences des Religions, elle s’oriente vers le management stratégique des ressources humaines [diplôme d’ingénieur et doctorat 3e cycle en 1994] puis s’affirme dans la méthodologie de prise de décision en management par construction de projet [1998].

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