n pays miné par le trafic d’armes et la montée de l’insécurité
Le Liban est aujourd’hui au cœur d’une crise sécuritaire profonde, alimentée par le trafic d’armes, le blanchiment d’argent et l’extension des réseaux criminels. Alors que l’État s’effondre économiquement et politiquement, des groupes mafieux et des organisations criminelles profitent de ce vide pour étendre leur influence. Le commerce illégal d’armes a explosé ces dernières années, transformant certaines régions du pays en marchés noirs où fusils d’assaut, lance-roquettes et munitions se vendent en toute impunité.
Les réseaux de trafic d’armes s’appuient sur des routes clandestines reliant le Liban à la Syrie et à d’autres pays du Moyen-Orient. Ces circuits sont souvent protégés par des clans influents et des groupes paramilitaires, qui disposent de contacts haut placés dans les cercles politiques et militaires. Des armes en provenance des stocks militaires syriens, irakiens et même libyens ont été retrouvées lors de descentes menées par les forces de sécurité libanaises, mais ces opérations restent sporadiques et inefficaces face à l’ampleur du phénomène.
Dans plusieurs villes, y compris Beyrouth, les violences armées sont devenues monnaie courante. Les affrontements entre bandes rivales pour le contrôle du trafic d’armes et de drogue sont en hausse, et les autorités peinent à endiguer ces flambées de violence. L’insécurité s’est généralisée, et même les forces de l’ordre sont souvent impuissantes face à la puissance de feu des criminels.
L’absence de contrôle étatique a également permis l’émergence de véritables zones de non-droit, où la loi du plus fort prévaut. Certains quartiers de la banlieue sud de Beyrouth, ainsi que certaines régions de la Bekaa et du nord du Liban, sont sous l’influence directe des milices armées et des trafiquants. Les habitants vivent dans une insécurité permanente, contraints de se soumettre aux règles imposées par ces groupes mafieux, faute de protection étatique efficace.
Un marché d’armes florissant sous l’œil impuissant des autorités
Le Liban est devenu une plaque tournante du trafic d’armes au Moyen-Orient, facilitée par une économie en crise, une gouvernance affaiblie et des frontières poreuses avec la Syrie. Le commerce illicite d’armes est un business extrêmement lucratif, alimenté par la demande des milices locales, des groupes criminels et des factions politiques armées. Des armes légères aux équipements militaires plus sophistiqués, le marché noir libanais est devenu l’un des plus dynamiques de la région.
Les routes du trafic sont bien connues des services de renseignement, mais peu d’actions concrètes ont été menées pour démanteler ces réseaux. La contrebande s’effectue principalement par voie terrestre, à travers la frontière libano-syrienne, où des dizaines de points de passage illégaux permettent aux trafiquants d’acheminer des armes sans difficulté. Ces corridors clandestins sont contrôlés par des clans influents et des groupes armés, qui bénéficient souvent de protections politiques.
Les enquêteurs internationaux estiment que les armes vendues au Liban proviennent de différentes sources. Certaines viennent des stocks militaires syriens et irakiens, dispersés après les conflits successifs dans la région. D’autres sont récupérées auprès des marchés noirs en Europe de l’Est et acheminées via la Méditerranée jusqu’au Liban. Enfin, certaines armes sont directement issues des arsenaux libanais, vendues illégalement par des militaires corrompus ou des intermédiaires bénéficiant de complicités au sein des institutions sécuritaires.
La prolifération d’armes illégales a directement contribué à l’augmentation de la criminalité violente dans le pays. Les fusillades entre gangs sont de plus en plus fréquentes, notamment dans certaines zones de la Bekaa, du nord du Liban et de la banlieue sud de Beyrouth. Des kalachnikovs, des M16 et même des lance-roquettes ont été utilisés lors de règlements de comptes, transformant certaines rues en véritables zones de guerre urbaine.
Les autorités libanaises, pourtant conscientes du problème, n’ont pas les moyens ni la volonté politique de mettre fin à ce commerce. La faiblesse des institutions étatiques, la corruption et les liens entre certains responsables politiques et les trafiquants d’armes empêchent toute action décisive. Lorsque des opérations sont menées, elles ciblent rarement les grandes figures du trafic, mais plutôt des intermédiaires de second rang, souvent sacrifiés pour préserver les véritables commanditaires.
Dans ce contexte, les citoyens ordinaires se retrouvent livrés à eux-mêmes. Face à l’absence de réponse efficace de l’État, de nombreux Libanais ont eux-mêmes commencé à s’armer pour se protéger, alimentant ainsi encore davantage le marché illégal des armes.
Des réseaux de blanchiment d’argent de plus en plus sophistiqués
Le trafic d’armes et la criminalité organisée au Liban ne prospèrent pas uniquement grâce à la contrebande d’équipements militaires ou à la vente de stupéfiants. Ces activités illégales sont soutenues par un réseau complexe de blanchiment d’argent, qui permet aux criminels de dissimuler leurs gains et de financer leurs opérations en toute discrétion. Un enquêteur international a récemment déclaré que « les réseaux de blanchiment d’argent opérant au Liban sont parmi les plus sophistiqués du Moyen-Orient », soulignant le niveau d’expertise atteint par ces structures clandestines.
Les banques et les entreprises-écran jouent un rôle clé dans ce système de blanchiment. Malgré les sanctions internationales et les restrictions imposées par les institutions financières mondiales, de nombreux établissements financiers libanais continuent d’être utilisés pour recycler les revenus issus du trafic d’armes, de drogue et de la contrebande. Des transferts dissimulés sous couvert d’investissements dans l’immobilier, le commerce ou les sociétés offshore permettent de donner une apparence légale à ces fonds d’origine criminelle.
Les enquêteurs ont mis en évidence plusieurs mécanismes utilisés par ces réseaux pour blanchir leur argent :
- Les investissements immobiliers massifs : l’achat de biens immobiliers en espèces permet de convertir rapidement des fonds illicites en actifs tangibles. Beyrouth et d’autres grandes villes du pays ont vu émerger des projets immobiliers luxueux financés par des capitaux dont l’origine reste douteuse.
- Les sociétés offshore : enregistrées dans des paradis fiscaux, ces sociétés sont utilisées pour masquer l’identité des véritables propriétaires des fonds et faciliter des transferts bancaires à l’international sans éveiller de soupçons.
- Le commerce de métaux précieux et de devises : l’or et les devises étrangères sont souvent utilisés comme moyen de blanchiment, car ils offrent une grande liquidité et une discrétion maximale.
Ce système complexe ne pourrait pas fonctionner sans certaines complicités au sein des institutions libanaises. Des responsables bancaires et des intermédiaires financiers sont soupçonnés d’être impliqués dans ces opérations, profitant du chaos économique et de la faiblesse des contrôles pour fermer les yeux sur des transactions suspectes.
Les liens entre le blanchiment d’argent et la corruption politique sont également évidents. Certains politiciens libanais sont accusés d’avoir utilisé ces mécanismes pour cacher des fonds détournés. La porosité entre le monde politique et les milieux criminels rend toute tentative de lutte contre ces réseaux extrêmement difficile, car les enquêtes sont souvent bloquées avant d’aboutir.
Face à cette situation, les institutions internationales tentent de faire pression sur le Liban pour renforcer sa réglementation financière. Le pays a été placé sous surveillance par plusieurs organismes de lutte contre le blanchiment d’argent, mais les réformes tardent à être mises en œuvre. La persistance de ce système de blanchiment ne fait qu’affaiblir encore plus la crédibilité du secteur bancaire libanais, qui peine déjà à regagner la confiance des investisseurs après l’effondrement financier de ces dernières années.
Le blanchiment d’argent au Liban est devenu un problème structurel, ancré dans les rouages de l’économie et de la politique. Tant que ces réseaux continueront d’opérer sans entrave et avec la complicité de certains responsables influents, il sera impossible de démanteler le crime organisé qui gangrène le pays.
Un État paralysé entre corruption et absence de contrôle
Le développement du trafic d’armes, la montée de l’insécurité et la sophistication des réseaux de blanchiment d’argent posent une question fondamentale : le Liban est-il encore en mesure de se gouverner lui-même, ou est-il devenu un État mafieux ? L’impuissance des institutions publiques face à la montée du crime organisé et la complicité de certaines élites politiques et économiques avec ces réseaux criminels alimentent un climat d’impunité totale, où les forces de l’ordre sont incapables d’imposer leur autorité.
L’un des éléments les plus inquiétants est le rôle de la corruption dans l’effondrement de l’autorité de l’État. Depuis plusieurs années, les accusations de complicités entre les dirigeants politiques et les milieux criminels se multiplient. Des politiciens de premier plan sont soupçonnés de fermer les yeux sur les activités illégales en échange de financements occultes, renforçant l’idée que les décisions gouvernementales sont influencées par des intérêts mafieux plutôt que par la volonté de restaurer l’ordre.
Cette collusion entre l’appareil d’État et le crime organisé sape toute tentative de réforme ou de lutte contre la criminalité. Les forces de sécurité, bien que parfois engagées dans des opérations contre les trafiquants, se heurtent à des obstacles administratifs et politiques qui empêchent l’arrestation des grands responsables. Dans de nombreux cas, les opérations de police sont annulées ou réduites à des interventions symboliques, sans réelle volonté d’éradiquer ces réseaux criminels.
L’absence de contrôle étatique sur de vastes territoires est un autre signe alarmant de la défaillance de l’État. Certaines régions, notamment la Bekaa, le nord du Liban et la banlieue sud de Beyrouth, sont devenues des zones de non-droit, où la loi est dictée par les groupes criminels locaux plutôt que par les institutions officielles. Les habitants de ces régions, confrontés à une insécurité permanente, n’ont souvent d’autre choix que de se plier aux règles imposées par ces réseaux mafieux, qui offrent parfois plus de stabilité et de protection que l’État lui-même.
La faiblesse des institutions judiciaires est également un facteur aggravant. Les enquêtes sur le crime organisé sont souvent sabotées de l’intérieur, et les juges qui tentent d’exposer ces réseaux subissent des pressions, voire des menaces. Certains dossiers sensibles disparaissent mystérieusement, et des criminels notoires arrêtés sont relâchés quelques jours plus tard, faute de procédures judiciaires solides ou à cause d’interventions politiques directes.
Le Liban semble donc prendre le chemin des États où les structures mafieuses cohabitent avec les institutions officielles, formant un système hybride où l’État perd progressivement son rôle de régulateur et d’arbitre. Les lois existent, mais elles ne sont appliquées que lorsque cela sert les intérêts des groupes dominants, et les décisions sécuritaires sont prises non pas en fonction des besoins du pays, mais en fonction des équilibres de pouvoir entre les différentes factions et réseaux criminels.
Si cette tendance continue, le Liban risque de s’enfoncer encore davantage dans un modèle de gouvernance informelle, où le pouvoir est fragmenté entre l’État officiel, les milices, les clans criminels et les élites économiques corrompues. Ce modèle, déjà visible dans certains pays gangrénés par le crime organisé, transforme progressivement les institutions en coquilles vides, incapables de jouer leur rôle de régulation et de protection des citoyens.