Un projet qui menace des oliviers centenaires
Un projet industriel à Basma, dans la région de Koura au nord du Liban, suscite une vive polémique après la décision d’autoriser le déracinement d’arbres d’oliviers ancestraux pour faire place à une usine. Ce plan, qui implique le nivellement de terrains pour la construction d’une installation à vocation industrielle, met en péril des milliers d’oliviers, dont certains auraient des centaines d’années. La région de Koura, connue pour ses paysages verdoyants et ses oliveraies emblématiques, voit ce projet comme une rupture avec son identité naturelle et culturelle. Les défenseurs du patrimoine local estiment que cette initiative compromet un écosystème fragile et un symbole historique profondément ancré dans le tissu libanais.
Une réaction indignée de la société civile
La « Société libanaise pour la protection des monuments et du patrimoine » a publié une déclaration officielle pour condamner ce projet. Selon cette association, le développement industriel à Basma représente une « attaque brutale » contre l’environnement et l’héritage culturel de la région. Elle dénonce le manque de transparence dans la mise en œuvre du projet, pointant du doigt l’absence d’études préalables sérieuses sur les impacts environnementaux et archéologiques. Les critiques soulignent que l’opération vise à raser environ 3500 oliviers, une perte jugée irréparable pour une région où ces arbres sont non seulement une ressource économique, mais aussi un marqueur identitaire lié à des traditions séculaires.
Des questions sur l’évaluation archéologique
La zone concernée par le projet se situe dans une région riche en vestiges historiques, notamment datant des périodes chrétiennes médiévales. Les opposants au projet s’interrogent sur l’absence d’un inventaire archéologique préalable pour évaluer la présence de sites ou de structures enfouis. Ils demandent si des fouilles ont été menées pour préserver d’éventuels témoignages du passé, notamment dans une région où des églises, des monastères et des artefacts liés à l’histoire chrétienne ont déjà été découverts par le passé. Cette omission, si confirmée, pourrait constituer une négligence grave dans la gestion d’un patrimoine potentiellement précieux.
L’absence d’étude environnementale en cause
Un autre point de contention porte sur l’inexistence apparente d’une étude environnementale approfondie avant le lancement des travaux. Les défenseurs de l’environnement s’inquiètent des conséquences du déracinement de 3500 oliviers sur la biodiversité locale, notamment sur les espèces animales et végétales qui dépendent de cet écosystème. Ils soulignent que la disparition de ces arbres risque d’accélérer l’érosion des sols dans une région vallonnée, d’augmenter les émissions de carbone en raison de la perte de couverture végétale, et de perturber les cycles agricoles traditionnels. Ces préoccupations soulèvent des interrogations sur la conformité du projet avec les normes environnementales nationales et internationales.
Une implication incertaine des autorités locales
La société civile a également mis en doute le rôle des acteurs locaux dans cette affaire. Elle questionne si les municipalités de Koura, les responsables de la préservation du patrimoine et les autorités compétentes ont été informées ou consultées avant l’approbation du projet. L’opacité entourant les décisions prises alimente les soupçons d’un manque de coordination entre les parties prenantes, voire d’une approbation hâtive sans débat public. Les habitants de Basma et des villages voisins, qui n’ont pas été conviés à des discussions ouvertes, expriment leur frustration face à une initiative imposée sans leur consentement.
Une « massacre patrimonial et environnemental »
Les termes employés par les opposants sont sans équivoque : ils parlent d’une « massacre patrimonial et environnemental » en cours à Basma. Pour eux, les oliviers ne sont pas de simples arbres, mais des symboles vivants de l’histoire et de la culture libanaise, en particulier dans la région de Koura. Ces arbres, souvent transmis de génération en génération, incarnent une économie rurale basée sur l’huile d’olive, un produit emblématique du pays. Leur destruction au profit d’un complexe industriel est perçue comme une trahison des valeurs qui ont façonné cette partie du Liban, où l’agriculture traditionnelle a résisté aux pressions de l’urbanisation.
Une symbolique religieuse en jeu
La dimension spirituelle de cette affaire ajoute une couche de complexité. Les oliviers occupent une place particulière dans la tradition chrétienne, largement représentée dans la région de Koura, où la population maronite est majoritaire. Ces arbres sont associés à des récits bibliques et à des pratiques religieuses, symbolisant la paix, la résilience et la connexion à la terre. Les critiques du projet soulignent que leur déracinement ne se limite pas à une perte matérielle, mais touche aussi une fibre identitaire et spirituelle profonde, un argument qui résonne auprès des communautés locales et des institutions religieuses.
Un danger démographique pointé du doigt
Les opposants au projet mettent en avant un autre risque : un bouleversement démographique potentiel. Ils estiment que la création d’une zone industrielle à Basma ne profitera pas aux habitants de la région, mais attirera plutôt une main-d’œuvre extérieure, modifiant l’équilibre social et culturel de Koura. Cette transformation pourrait accélérer l’exode rural des jeunes générations, déjà tentées de quitter les villages pour les grandes villes ou l’étranger, et accentuer la pression sur les infrastructures locales. Les défenseurs du patrimoine craignent que ce développement ne vide la région de son caractère unique, remplaçant une économie agricole par une industrialisation mal adaptée aux besoins des résidents.
Une mobilisation pour stopper les travaux
Face à cette menace, un appel urgent a été lancé à la présidente de l’ordre maronite libanais pour intervenir. Les opposants demandent une pression immédiate afin d’annuler les contrats autorisant le déracinement des oliviers et de stopper les travaux qu’ils qualifient de « barbares » et « destructeurs ». Ils exigent une suspension totale du projet jusqu’à ce qu’une évaluation complète – archéologique, environnementale et sociale – soit réalisée avec la participation des communautés concernées. Cette requête s’adresse également aux autorités ecclésiastiques, dont l’influence dans la région pourrait peser lourd dans les décisions politiques et administratives.
Un projet industriel contesté dans ses fondements
Le projet de Basma soulève des questions sur ses objectifs réels et ses bénéficiaires. Les promoteurs, dont les identités n’ont pas été clairement établies dans le débat public, défendent l’idée d’une « ville industrielle » censée stimuler l’économie locale par la création d’emplois et l’attraction d’investissements. Cependant, les critiques doutent que ces promesses se concrétisent pour les habitants de Koura, arguant que les emplois industriels risquent de profiter à des travailleurs extérieurs plutôt qu’aux agriculteurs et artisans locaux. Ils dénoncent un manque de vision à long terme, où les gains économiques immédiats seraient privilégiés au détriment d’un patrimoine irremplaçable.
Une région sous pression croissante
La controverse autour de Basma s’inscrit dans un contexte plus large de pressions sur les terres agricoles et les sites patrimoniaux au Liban. Koura, avec ses collines verdoyantes et ses villages historiques, a longtemps résisté à l’urbanisation galopante qui a transformé d’autres régions comme Beyrouth ou le Mont-Liban. Mais les projets industriels et immobiliers se multiplient, menaçant les paysages traditionnels et les modes de vie qui y sont associés. Les habitants de Basma, soutenus par des associations locales, appellent à une résistance collective pour préserver ce qui reste d’un héritage naturel et culturel en voie de disparition.